Le lourd bilan environnemental du gaz naturel liquéfié (GNL)

En combinant la forte inflation due à la reprise post-covid et un contexte géopolitique compliqué, la France souffre de la hausse des prix mondiaux du gaz. La demande étant plus forte que l’offre, les prix ont en effet explosé depuis 2021. Cela est notamment dû à l’invasion de l’Ukraine par la Russie, qui a fait réagir les pays Européens. Ces derniers ont décidé de ne plus importer de gaz russe. Pour pallier ce manque d’énergie, ils ont recours à l’importation de gaz naturel liquéfié – le GNL. Cependant, cette solution de repli présente un lourd bilan environnemental. Explications.

Bilan environnemental GNL

L’obligation d’importer plus de GNL

Le gaz russe représente actuellement 40 % de la consommation européenne de gaz. C’est la raison pour laquelle l’Europe cherche des sources d’approvisionnement autre part. Afin de limiter sa dépendance au gaz russe, la France cherche des solutions pour importer, stocker du gaz et satisfaire la demande.

Un contexte de reprise post-covid

La hausse des prix de l’énergie sur les marchés de gros européen est d’abord due à la reprise économique post-covid, où la demande a été plus forte que l’offre. Pour limiter cette augmentation soudaine des prix, les tarifs réglementés ont dû être bloqués par le gouvernement avec la mise en place d’un bouclier tarifaire.

Ces tarifs réglementés sont pratiqués par le fournisseur historique Engie pour le gaz. Le prix du kilowattheure (kWh) du gaz est compris entre 0,0873 et 0,1121 € pour mai 2022. Les fournisseurs alternatifs souffrent aussi de cette reprise de l’activité économique et ont du mal à répondre à la demande. Parmi tous les fournisseurs de gaz existants, certains ont même dû arrêter leur activité, faute d’énergie à fournir à leurs clients.

Ce dispositif de protection a également été mis à mal par un contexte géopolitique fragilisé par l’invasion de l’Ukraine par la Russie, ce qui a notamment entraîné des problèmes d’approvisionnement.

Un approvisionnement limité en France

La France n’étant pas un pays producteur de gaz, elle est obligée de se tourner vers des pays producteurs sur le marché européen pour s’approvisionner. Afin de fournir les plus de 11 millions de Français qui consomment du gaz chaque jour, la France doit donc importer son gaz naturel.

Même si la Russie n’est pas la première source gazière sur le marché français, elle reste tout de même importante. Voici comme se sont réparties les importations de gaz selon le ministère de la Transition écologique, en 2020 :

  • la Norvège (36 %) ;
  • la Russie (17 %) ;
  • les Pays-Bas (8 %) ;
  • l’Algérie (8 %) ;
  • le Nigeria (7 %) ;
  • le Qatar (2 %) ;
  • autres pays (22 %) (le ministère ne détaille pas les pays en question).

Un contexte géopolitique perturbé

Or, avec le contexte géopolitique actuel de guerre en Ukraine, l’acheminement du gaz depuis la Russie est perturbé. Face à cette invasion de l’Ukraine par la Russie, les pays européens ont décidé qu’il fallait stopper les importations de gaz russe en Europe.

C’est d’ailleurs pourquoi les pays européens veulent se procurer du gaz auprès d’autres pays producteurs. En parallèle, la Commission européenne a également décidé d’effectuer des achats communs de gaz.

En même temps, il a été décidé d’installer un terminal flottant de stockage au Havre. Raccordé au réseau de gazoducs d’Engie, il permettra d’augmenter les capacités d’importation de GNL en France, et ainsi satisfaire la demande.

Les États-Unis se sont engagés à livrer à l’Europe 15 milliards de mètres cubes supplémentaires de GNL d’ici la fin de l’année, ce qui correspond à environ 10 % du gaz russe importé par les pays européens.

Quand on sait qu’en 2021, environ 45 % des importations de gaz naturel de l’UE provenaient de Russie, on comprend mieux le besoin de l’Europe de se détacher de la Russie et se tourner vers les États-Unis pour préparer l’hiver 2023.

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Une source d’énergie au lourd bilan écologique

Actuellement, la demande mondiale de GNL la plus forte est celle de l’Asie (plus de 70 %). Mais, avec la guerre en Ukraine, les importations en Europe grimpent. Si le GNL semble être une solution efficace pour pallier l’importation de gaz russe et les problèmes d’approvisionnement qui en découlent, elle ne peut être adoptée sur le long terme pour des raisons environnementales.

Zoom sur le GNL

Qu’est-ce que le GNL ? Il s’agit de gaz naturel qui est transformé à l’état liquide grâce à un procédé cryogénique pendant lequel la température du gaz va être abaissée à -160 °C. Cet état liquide lui permet d’être facilement transporté par bateaux depuis l’Australie, le Qatar ou les États-Unis. Le GNL se compose essentiellement de méthane, mais aussi d’éthane et autres gaz.

Il présente un bilan carbone conséquent. En effet, selon Carbone 4, « l’empreinte carbone du GNL est 2,5 fois plus élevée que celle du gaz acheminé par gazoduc. » En effet, l’usage de GNL nécessite plus de manipulations pour être produit, mais aussi un transport plus long et plus polluant.

Bon à savoir

Attention à ne pas confondre GNL et GPL, le gaz de pétrole liquéfié ! Ce dernier regroupe le gaz butane et le gaz propane, et peut se stocker sous forme gazeuse sans avoir recours à un dispositif de réfrigération.

GNL et gaz de schiste

Toutes les étapes d’exploitation du GNL présentent une empreinte énergétique plus importante que pour le gaz naturel classique. Sa source peut également être un facteur aggravant au niveau environnemental. Par exemple, s’il vient des États-Unis, ce sera parfois du gaz de schiste. Or, ce dernier a une empreinte environnementale plus forte. En effet, son exploitation laisse énormément de méthane (la composante principale du gaz naturel) s’échapper dans l’atmosphère. Selon Robert Howarth, biogéochimiste à l’université Cornell, « on estime qu’entre 3,6 et 7,9 % du gaz extrait sur toute la durée de production des sites de gaz de schiste s’échappent. » Or, le méthane a un pouvoir de réchauffement global 28 fois supérieur à celui du CO2. L’exploitation du gaz de schiste présente donc un bilan carbone important.

Des transformations qui consomment de l’énergie

De plus, liquéfier le gaz demande beaucoup d’énergie. Après avoir été extrait des gisements du pays producteur, le gaz naturel est transporté par gazoduc jusqu’à l’usine de liquéfaction, dont le site est un terminal méthanier portuaire.

Interviennent alors deux étapes de transformation. Il faut :

  1. Débarrasser le gaz de ses impuretés.
  2. Refroidir à -160 °C (à pression atmosphérique) pour en obtenir la liquéfaction. Ce refroidissement du gaz est obtenu par une succession de cycles frigorifiques complexes qui requièrent beaucoup d’énergie.

Le GNL ainsi obtenu est stocké, avant d’être transporté vers les pays demandeurs. Une usine de liquéfaction comprend une installation de traitement du gaz, des compresseurs, des échangeurs, des réservoirs de stockage et des équipements pour charger le GNL sur les méthaniers.

Non seulement la transformation de gaz en GNL demande beaucoup d’énergie, mais elle engendre également une forte libération de méthane dans l’air. Or, comme le souligne le Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE), quand ce gaz à effet de serre est rejeté directement dans l’atmosphère, « il est plus de 80 fois plus puissant que le dioxyde de carbone (CO2) sur une période de 20 ans. »

Un transport plus pollueur

Enfin, une fois que le GNL est prêt à être transporté, il est chargé dans des méthaniers. Ces bateaux vont le transporter vers le terminal GNL du pays demandeur. Il peut aussi être acheminé par camions, mais pour venir jusqu’en Europe, le GNL va forcément être acheminé par voie maritime.

Les terminaux GNL vont alors regazéifier le gaz afin de l’injecter dans le réseau de transport géré par Teréga et GRTgaz en France. Enfin, il est desservi et distribué aux consommateurs via le réseau de distribution dont GRDF est en charge.

Toutes ces transformations et ce transport maritime augmentent considérablement l’empreinte carbone du GNL.

Une alternative sur le court terme

Malgré un coût environnemental désastreux, le gaz à l’état liquide présente l’avantage de pouvoir être importé en plus grosse quantité.

Une importation plus conséquente…

Les méthaniers ont généralement une capacité d’environ 140 000 mètres cubes de GNL, soit 87 000 000 de mètres cubes de gaz naturel. En étant liquéfié, on peut donc transporter environ 600 fois plus de gaz !

En effet, la liquéfaction du gaz naturel permet de diviser son volume par 650. Cela veut dire que 650 mètres cubes de gaz naturel gazeux ne représentent plus qu’1 mètre cube une fois qu’ils ont été liquéfiés.

Ainsi liquéfié, on peut donc transporter des quantités bien plus importantes, et remplir les terminaux de stockage de gaz plus vite.

… au processus désastreux pour le climat

En plus de tous les points soulevés ci-dessus, il faut savoir que la liquéfaction de gaz naturel est un processus complexe et énergivore. Une usine de liquéfaction va consommer entre 8 et 10 % du gaz qu’elle reçoit pour son propre fonctionnement. Par ailleurs, les coûts d’exploitation de ces centrales représentent près de 60 % du cycle du GNL, ce qui est bien plus important par rapport au gaz naturel classique.

En conclusion, le recours au GNL est pour le moment la principale alternative pour se libérer de l’indépendance à la Russie, et répondre à la future demande de l’hiver prochain. Il ne peut cependant pas représenter une solution sur le long terme.

En effet, comme le souligne Ines Bouacida, chercheuse énergie climat pour l’Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI) : « Il ne faut pas que ça nous dévie de notre trajectoire et des vraies solutions de long terme, à savoir la réduction de la demande énergétique et le déploiement d’énergies vertes comme les énergies renouvelables. »

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