Face au froid, la centrale à charbon de Saint-Avold a redémarré
Depuis début janvier, une vague de froid déferle sur la France, augmentant logiquement la consommation d’énergie. Autre conséquence de cette période sensible de l’hiver 2023-2024 : le redémarrage de la centrale à charbon de Saint-Avold, en Moselle. Relancé le 9 janvier, le site a recommencé à produire de l’électricité pour la première fois depuis un an. Pour combien de temps ? Et avec quelle ligne de mire ? Choisir.com revient sur la reconnexion au réseau de cette centrale qui devrait, à l’avenir, se tourner vers la biomasse.
La centrale à charbon de Saint-Avold produit de nouveau de l’électricité
À l’heure de la transition écologique à mener, la France ne compte plus que deux centrales à charbon sur son territoire, situées à :
- Cordemais, en Loire-Atlantique ;
- et Saint-Avold, en Moselle.
Le 9 janvier 2024 matin, le couplage de celle-ci, c’est-à-dire sa connexion au réseau électrique national, a été effectué. Une décision loin d’être anodine puisque cela faisait un an que le site n’avait pas produit d’électricité. La raison qui l’a motivée a été subie par de nombreux Français ces jours derniers : la vague de froid dont notre pays est victime depuis le début du mois.
Une première depuis un an donc. En effet, la centrale à charbon de Saint-Avold avait fonctionné lors de l’hiver 2022-2023. Cette reprise avait été nécessaire du fait des tensions sur le réseau, en lien avec la grave crise énergétique touchant la France.
Camille Jaffrelo, responsable communication de cette centrale thermique de Moselle, est la porte-parole de GazelEnergie, l’entreprise qui exploite le site. Cette dernière a indiqué à l’AFP que la centrale Émile Huchet de Saint-Avold « a redémarré […] à la demande de RTE », le Réseau de transport de l’électricité national. Toutefois, le son de cloche est différent du côté du gestionnaire du réseau. « Ce n’est pas RTE qui demande spécifiquement à ce que la centrale produise », a affirmé Coline Assaiante, de RTE. Avant d’ajouter que « les centrales à gaz et à charbon fonctionnent selon les besoins et les opportunités offertes par le marché ».
Difficile donc de savoir avec précision qui a pris officiellement la décision de reprise d’activité à Saint-Avold. La veille, RTE avait classé la journée du 10 janvier en « période de pointe ». Avec une demande faite à tous les producteurs d’électricité français : rendre leurs capacités de production prêtes pour assurer la sécurité d’approvisionnement électrique. RTE a expliqué que « tous les moyens de production doivent se tenir disponibles, mais cela ne signifie pas qu’ils seront effectivement redémarrés ». Ce qu’a fait la centrale Émile Huchet.
Le gestionnaire du réseau a aussi affirmé qu’il n’« a pas appelé la centrale de Saint-Avold [à produire] pour des questions d’équilibrage ». En clair, « on n’a pas demandé de la faire redémarrer parce qu’il fait froid ». Néanmoins, si ce n’est pas pour cette raison, pourquoi alors ? RTE ne l’a pas précisé.
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faire une simulationUne reprise de la production au charbon… alors que la transition écologique rend son arrêt nécessaire
RTE l’affirme donc : cette reprise de la centrale à charbon de Saint-Avold n’a pas été effectuée à cause d’un risque de black-out sur le réseau. « Cette journée de hausse des consommations est classée EcoWatt vert, sans alerte particulière pour la sécurité d’approvisionnement », avait clamé le gestionnaire. Reste que le 10 janvier, 9 000 foyers du Val-de-Marne ont bien été privés d’électricité malgré tout.
En tout cas, la centrale de Saint-Avold « a aujourd’hui un rôle “assurantiel” », explique Camille Jaffrelo. « Elle est là pour démarrer quand le système est en tension. Ça prend une dizaine d’heures, c’est la force d’une centrale comme la nôtre, capable de redémarrer dans des délais courts ».
Voilà une différence significative par rapport aux centrales nucléaires par exemple. Il n’a effectivement fallu qu’environ dix heures de remise en chauffe à la centrale Émile-Huchet avant de pouvoir fonctionner à plein régime. Une autre différence concernant ces deux modes de production d’électricité est leur puissance :
- la centrale à charbon de Saint-Avold est dotée d’une capacité de production de 600 mégawatts (MW). Elle possède un stock de 300 000 tonnes de charbon pour assurer son fonctionnement durant l’hiver ;
- la puissance de la plupart des réacteurs nucléaires est plutôt de l’ordre de 900 MW, voire 1 400 MW pour les plus récents à :
- Chooz (Ardennes),
- ou Civaux (Vienne).
Pour Camille Jaffrelo, « l’hiver n’avait pas encore été vraiment froid, donc on n’avait pas encore eu besoin de nous. Cette fois, c’est le cas ». Pourtant, même si cette période de froid, particulièrement marquée dans le nord du pays, l’a rendue nécessaire, ce redémarrage peut malgré tout interpeller. En effet, notre pays est officiellement sur une dynamique de transition énergétique pour sortir de sa dépendance aux énergies fossiles. La fermeture des centrales à charbon est donc prévue de longue date par le gouvernement. En théorie, elles n’ont encore été autorisées en France que jusqu’à fin 2024. Toutefois, au regard de la forte augmentation de la consommation électrique attendue pour 2035 dans l’Hexagone, les tensions sur le réseau risquent de devenir régulières, surtout l’hiver. Doit-on alors craindre que ces centrales à charbon, très néfastes pour le climat, voient finalement encore leur durée de fonctionnement prolongée ?
Vers la conversion à la biomasse de la centrale à charbon de Saint-Avold
Du côté de RTE, on insiste sur la part désormais très faible que ce mode de production possède dans le mix électrique français. « Avec le retour progressif du parc nucléaire à meilleure fortune et le développement continu des énergies renouvelables, les centrales ne fonctionnent plus que de manière très épisodique en France » d’après Coline Assaiante. Elles ne représentaient que 0,6 % de la production nationale en 2022, en pleine crise de l’énergie, chiffre qui aurait encore bien diminué depuis.
Pour l’instant, GazelEnergie n’a pas fait connaître quelle serait la durée exacte de reprise de service du site de Saint-Avold. Une donnée sera évidemment décisive : les conditions météorologiques. « Il y a une vingtaine de journées de fonctionnement comme celle-ci par an en moyenne », a souligné Camille Jaffrelo. Une centaine de salariés travaillent toujours à la centrale, auxquels s’ajoutent environ 150 sous-traitants.
Avec quel avenir ? « Le président de la République a annoncé en septembre dernier la décarbonation de notre centrale à l’horizon 2027 », avance la porte-parole. « Et RTE […] demande le maintien de notre centrale à condition de la convertir partiellement à la biomasse. Cela veut dire qu’on continue, qu’on a de la visibilité, enfin ».
L’objectif pour Saint-Avold est donc désormais de réaliser cette conversion à la biomasse. Dans cette optique, GazelEnergie a déjà, en août 2023, prolongé le contrat de travail de l’ensemble de ses salariés. Des mots de la société, c’est « tout un territoire qui pousse » pour réindustrialiser ce site et le transformer en mode renouvelable.
C’est pourquoi des tests avec des pellets de bois, employés comme combustible, sont réalisés à Émile-Huchet depuis cet automne. « Dès fin janvier, nous allons introduire jusqu’à 20 % de pellets en période de chauffe, pour voir comment notre chaudière réagit et quels investissements nous devrons opérer ». La limite d’utilisation des pellets dans ce cadre est de 80 % maximum. Avec l’avantage qu’apporte une part importante de fonctionnement à la biomasse : permettre de plus grands investissements, nécessaires pour adapter l’installation, comme le précise Camille Jaffredo. « Nous travaillons avec le ministère de la Transition énergétique pour savoir sur quelle durée nous pouvons tabler, et quels investissements nous devrons réaliser ».
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