Renouvelables : la France refuse les objectifs chiffrés européens
Des objectifs « trop contraignants ». Voilà l’avis tranché de Bruno Le Maire à propos de ceux du déploiement des énergies renouvelables en Europe souhaité par l’Union européenne pour 2030. Il s’agit d’une nouvelle étape dans les relations tendues entre Paris et Bruxelles à ce propos. Marque-t-elle la volonté française de se soustraire à ses engagements ? Choisir.com fait le point.
Bruno Le Maire fustige « l’Europe dont nous ne voulons plus »
Les termes sont durs et accusateurs. Le 4 mars 2024, Bruno Le Maire s’est montré très critique vis-à-vis de l’Union européenne (UE) et de ses objectifs de développement des énergies renouvelables (EnR). Ceux-ci, adoptés l’année dernière, ne passent toujours pas pour la France. Pour le ministre de l’Économie et des Finances, ceux-ci sont :
- « trop contraignants » ;
- tout sauf « des objectifs climatiques satisfaisants ».
Il dénonce surtout le fait qu’ils établissent la nécessité d’avoir « tant de mâts d’éoliennes ici, tant de panneaux photovoltaïques ici ». Il blâme ainsi « l’Europe dont nous ne voulons plus ».
L’objet des remontrances de Bruno Le Maire : la directive RED III sur les EnR votée en 2023 après bien des débats et d’âpres négociations entre les membres de l’UE. Celles-ci avaient débouché sur un compromis à propos des énergies renouvelables, signé en juin dernier.
Le chiffre officiel retenu par cette directive RED III est d’atteindre 42,5 % de renouvelable dans la consommation finale d’énergie brute de l’UE en 2030. Dépasser cette barre ambitieuse pour se rapprocher des 45 % à cette date est même recommandé.
À l’époque, cet accord satisfaisait le camp hexagonal. Agnès Pannier-Runacher, ancienne ministre de la Transition énergétique tricolore, avait affirmé qu’« il correspond aux attentes de la France ». Moins d’un an plus tard, le ton a donc bien changé.
La raison : la méthode de calcul décidée. Celle-ci prévoit que la répartition des efforts doit être, entre les 27, proportionnelle aux capacités de chaque État membre. En conséquence, la France doit atteindre plus de 44 % d’EnR dans sa consommation finale en 2030 ! Engagement que le gouvernement français refuse formellement d’inscrire dans le moindre document officiel. Ce chiffre est donc absent :
- du plan énergie-climat envoyé à la Commission européenne fin 2023. L’exécutif français y a plutôt mentionné un objectif de 56 % d’« énergie décarbonée », comprenant donc aussi le nucléaire ;
- de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), présentée en janvier 2024 sans aucune évocation des objectifs renouvelables européens.
Êtes-vous sûr de ne pas payer votre énergie trop cher ?
faire une simulationLa volonté française : que les États puissent choisir librement leur mix énergétique bas-carbone… pour favoriser le nucléaire
Ce que souhaiterait Bruno Le Maire à la place du texte actuel ? Des « objectifs climatiques clairs » tout en laissant la totale liberté aux États d’atteindre « la neutralité carbone » en ayant recours au « mix énergétique qu’il choisit souverainement ».
Dans le même sens, le député Renaissance de l’Assemblée nationale Antoine Armand a dit préférer l’adoption d’objectifs « d’ordres de grandeur ». Le tout en rejetant la « politique des pourcentages de Bruxelles ». Néanmoins, soutenir des formulations et engagements flous, n’est-ce pas là le meilleur moyen de ne tenir aucun objectif concret et de se délester de ses responsabilités ?
En effet, la réaction française ne manque pas de faire réagir et de poser question. Anne Bringault est la directrice des programmes au réseau d’associations environnementales Réseau Action Climat. Elle note avec raison le « signal très dangereux » envoyé par la France dans sa volonté de ne pas respecter des « obligations sur des objectifs qu’elle a soutenus ». Pour elle, c’est là « une porte ouverte pour les États membres » à refuser de se conformer à leurs engagements européens, quel que soit le sujet. Difficile de donner tort à de tels propos.
Bruxelles a bien averti la France qu’elle devait revoir sa position, mais sans provoquer de changement de la ligne de conduite tricolore. Notre pays fait d’ailleurs figure de mauvais élève européen dans le respect des objectifs de déploiement d’EnR fixés par l’UE. La France est en effet le seul État de l’Union à :
- ne pas avoir tenu ses engagements attendus pour 2020 en la matière ;
- avoir refusé d’acheter des « mégawatts statistiques » pour équilibrer son bilan.
En infraction au niveau des renouvelables, Paris a discuté avec l’UE pour éviter les sanctions. Le risque de pénalités à payer a même été évoqué. Une possibilité balayée d’un revers de main par le ministre de l’Économie. « La France ne va pas s’acquitter de pénalités », a-t-il fermement affirmé. L’argument que Bruno Le Maire a soutenu pour justifier sa position : des émissions de CO2 nationales faisant partie des plus faibles du continent européen.
Ce dernier a ensuite nuancé ses propos en indiquant que le gouvernement allait « trouver une solution avec la Commission européenne ». Une des pistes souhaitées : une prise en compte plus complète de toutes les énergies bas-carbone européennes dans les objectifs. Cela signifie intégrer dans les scénarios l’énergie nucléaire. C’est dans ce sens que poussent en tout cas tous les États européens membres de l’Alliance du nucléaire. Il s’agit d’un groupe pro-atomique créé courant 2023 à l’instigation de… la France.
Des objectifs que la France serait malgré tout capable de tenir ?
Jules Nyssen, président du Syndicat des énergies renouvelables (SEN), a une analyse bien précise de la situation actuelle et de la position tricolore. Selon lui, le refus français de notifier officiellement l’objectif d’atteinte de 44 % d’énergies renouvelables en 2030 est un non-sens. En effet, il souligne que la stratégie française énergie et climat, consultable depuis septembre via le site du ministère de l’Écologie, va pourtant dans cette direction. Le calcul des objectifs de consommation comme de production mentionnés pour chacune des filières concernées donne effectivement un résultat clair. Ainsi le texte se projette finalement « sur 45 % d’énergies renouvelables dans la consommation finale d’énergie en 2030 ». De ce fait, celui-ci juge que l’atteinte de tels chiffres « n’est donc pas infaisable ».
En 2023, 23 % de la production électrique française était d’origine renouvelable, grâce :
- à l’hydroélectricité ;
- à l’éolien, terrestre et offshore ;
- au solaire ;
- à la biomasse.
À titre de comparaison, cette part d’électricité verte est bien plus élevée chez nos voisins. Elle culmine respectivement à :
- 40 % en Allemagne ;
- 40 % en Espagne ;
- 35 % en Italie.
Pour autant, ces chiffres ne cachent pas une autre réalité plutôt paradoxale :
- même étant en deçà de ses objectifs d’EnR, la France exporte de l’électricité bas-carbone en Europe grâce à l’apport du nucléaire ;
- au contraire, bien qu’ayant réalisé d’énormes investissements, l’Allemagne est obligée d’importer de l’électricité… dont une partie provient de France. La faute à l’intermittence de la production des renouvelables qui ne peut plus être plus contrebalancée par le nucléaire dont notre voisin germanique est sorti officiellement au printemps dernier.
Faut-il donc respecter à la lettre les objectifs fixés par Bruxelles au risque que ceux-ci ne permettent pas d’assurer la souveraineté électrique nationale ? C’est peut-être là le sens de l’opposition et des propos de Bruno Le Maire. Vers la neutralité carbone, le but de l’UE est aussi de réduire les émissions de CO2 de 90 % d’ici 2040 sur le continent.
Le développement des énergies propres et moins polluantes est en tout cas un impératif pour la transition écologique à mener. Si vous voulez apporter votre pierre à cette lutte verte, vous pouvez aussi agir en choisissant une offre d’énergie renouvelable. Dans ce but, le Comparateur Électricité de Choisir.com peut vous être fort utile. Essayez-le et trouvez rapidement un nouveau contrat adapté à vos valeurs comme à vos besoins !
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