Traité sur la charte de l’énergie : vers un retrait de l’UE

Exit le TCE. Début mars, les pays de l’Union européenne ont adopté sa sortie du Traité sur la charte de l’énergie, favorable aux fournisseurs d’énergies fossiles. Que prévoit exactement cet accord né au milieu des années 1990 ? Pourquoi le quitter est-il un véritable « acte vert » et d’avenir ? Choisir.com vous répond.

drapeau UE

Le Traité sur la charte de l’énergie, un accord favorisant les énergies fossiles… et la multiplication des litiges

Le Traité sur la charte de l’énergie, ou TCE, date d’un autre temps. Il s’agit d’un texte signé en 1994, dans un contexte encore frais de fin de guerre froide, et entré en vigueur en 1998. Cet accord avait alors :

  • été adopté par une cinquantaine d’États européens, dont l’ensemble des membres de l’Union européenne (UE) ;
  • comme but initial de sécuriser les approvisionnements en pétrole et en gaz naturel. Les principaux bénéficiaires de ce traité étaient d’ailleurs les pays de l’ancien bloc de l’Est, encore fragiles et ayant besoin d’investissements pour favoriser leur développement économique.

Cet accord a donc été signé au cœur d’une situation géopolitique qui n’a plus cours aujourd’hui. Surtout, la décennie 1990 formait une époque où la neutralité carbone et la transition écologique ne faisaient pas partie des principales préoccupations sociétales ou étatiques.

Depuis 2018, le texte a fait l’objet d’une réforme, afin de l’aligner sur les objectifs climatiques nés de l’accord de Paris de 2015. Cela n’est toutefois pas une chose aisée, le TCE étant perçu par de nombreux observateurs comme un instrument protégeant surtout les énergies fossiles et les entreprises en assurant la fourniture.

Pourquoi un tel avis ? Tout simplement parce que le traité adopté en 1994 prévoit la possibilité, pour les compagnies pétrolières ou fossiles, d’attaquer en justice les États qui prendraient des décisions entravant la rentabilité de leur activité. Ainsi, la volonté de certains pays d’interdire des projets de forage ou d’extraction minière, au nom de l’urgence climatique, pourrait alors s’opposer à des risques de :

  • réclamations ;
  • poursuites ;
  • dédommagements.

Ces risques de sanctions financières, ajoutés à l’impact climatique des fossiles, expliquent pourquoi de nombreux pays d’Europe ont, depuis 2009, déjà annoncé leur retrait. Cependant, une clause du TCE les contraint malgré tout encore à la prudence. Dite « de survie » ou « de caducité », elle prévoit que tous les États partis puissent toujours être soumis à des litiges sur une durée de 20 ans.

Ce qui arriva d’ailleurs à l’Italie. Ayant annoncé son retrait du traité en 2016, elle a pourtant été condamnée en 2022 à verser 190 millions d’euros à la firme transnationale anglaise Rockhopper. Le tout, sans compter les pénalités ni les frais de justice à régler évidemment ! Fin 2023, c’est l’entreprise pétrolière étasunienne Klesch qui a utilisé le TCE pour poursuivre :

  • l’Allemagne ;
  • le Danemark ;
  • et l’Union européenne.

En passant, la société américaine a réclamé 95 millions d’euros, ce qui n’a pas manqué de choquer à Bruxelles comme sur l’ensemble du continent.

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L’Union européenne lancée vers la sortie du Traité sur la charte de l’énergie

En réalité, c’est simple : le TCE forme l’accord commercial générant le plus de plaintes en arbitrage sur la planète. Son secrétariat a recensé, au total :

  • au moins 150 plaintes déposées en prenant pour base ce traité ;
  • ce qui a généré plus de 50 milliards d’euros de dédommagements payés aux multinationales et aux fonds d’investissement privés par… les contribuables.

Ce chiffre ne tient même pas compte des menaces qui peuvent peser sur les États, proférées par certaines entreprises dans un but dissuasif. Le Giec (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat), dans ses différents rapports, a bien noté qu’il s’agissait d’un « outil de blocage climatique » régulièrement utilisé. Le TCE empêche donc, de fait, le lancement de mesures favorables à la transition énergétique.

Pourtant, celles-ci sont devenues plus qu’urgentes. Un rapport de fin 2023 de l’Organisation des Nations unies (ONU) indique que, si les actions environnementales des pays ne s’intensifient pas rapidement, le réchauffement climatique mondial serait de +3 % à la fin du siècle. Soit le double de l’engagement pris par l’accord de Paris de 2015, signé par de nombreux États. Il n’y a aujourd’hui plus de débats autour du fait que la production et l’utilisation des fossiles sont les principales responsables de ce dérèglement alarmant.

Voilà pourquoi l’Union européenne devrait bientôt sortir du Traité sur la charte de l’énergie. Cette éventualité d’un retrait collectif des membres de l’UE avait été lancée en juillet 2023 par la Commission européenne. On s’en rapproche donc, marquant l’aboutissement d’une lutte acharnée des écologistes et défenseurs de l’environnement contre ce texte depuis des années.

C’est la Russie qui, la première, est sortie du TCE en 2009, imitée par l’Italie en 2016. À leur suite, de multiples États leur ont emboîté le pas, dont la France en octobre 2022, sur l’annonce du président Emmanuel Macron. Les autres pays concernés sont :

  • les Pays-Bas ;
  • l’Espagne ;
  • la Pologne ;
  • l’Allemagne ;
  • le Luxembourg ;
  • la Slovénie ;
  • le Portugal.

Dernièrement, c’est le Royaume-Uni, fin février 2024, qui a annoncé son retrait du traité. Il est alors devenu le onzième État à prendre cette décision.

Un départ du TCE pour l’UE… mais pas pour tous ses membres

L’idée de sortie du TCE visait à un départ de l’Union européenne dans son ensemble. Nouvelle présidente de l’UE depuis le 1er janvier, la Belgique a donc pris l’initiative pour concrétiser ce projet.

Début mars, les ambassadeurs des pays membres ont donné leur accord à ce sujet. Il s’ensuivit une adoption formelle, validée le lendemain, de la part des ministres de l’Énergie de l’UE.

La prochaine étape : le vote par le Parlement à propos de cette sortie, sans doute en avril 2024, ce qui ne devrait former qu’une formalité. En effet, dès 2022, les députés européens s’étaient exprimés en faveur d’un retrait de l’UE. Ce dernier sera alors effectif 12 mois après la notification officielle de cette décision.

Anna Cavazzini est eurodéputée allemande des Verts/ALE. Pour elle, ce choix forme une excellente nouvelle car le TCE « détruit le climat ». Pour autant, un détail dans la décision que vient de prendre l’institution continentale est important. Ce départ du Traité sur la charte de l’énergie n’implique pas la sortie automatique de chacun de ses membres. Le retrait de l’UE sera seulement effectué en tant qu’organisation régionale.

Cela signifie que chaque État de l’Union pourra choisir, s’il le souhaite, de rester dans le traité. Ce sera ainsi sans doute le cas, par exemple :

  • de Chypre ;
  • de la Belgique, malgré son action pour la sortie de l’UE en tant que présidente, rôle exercé jusqu’à fin juin 2024.

Ce compromis était en réalité nécessaire pour trouver un consensus entre :

  • les pays plaidant pour une sortie totale des membres de l’Union du TCE ;
  • et ceux préférant y demeurer afin de travailler à sa modernisation.

En tout cas, aux yeux d’Anna Cavazzini, cette porte ouverte est tout sauf un signal positif. Elle déplore en effet « qu’il n’y ait pas de majorité en faveur d’un retrait coordonné de tous les États membres ». Selon elle, ce départ collectif complet aurait eu un avantage de taille : permettre « une plus grande sécurité juridique ».

Même s’il n’est pas aussi total que beaucoup d’observateurs l’espéraient, cette sortie européenne du TCE reste une bonne nouvelle pour le climat. De votre côté, vous voulez également agir en faveur de sa protection ? Avez-vous déjà pensé à souscrire un contrat de gaz ou d’électricité verte ? Un tel choix peut permettre de participer au déploiement des énergies renouvelables en France. En plus, en utilisant le Comparateur Énergie de Choisir.com, vous pouvez opter pour une nouvelle offre facilement, en quelques clics seulement !

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