Décarbonation de l’industrie française : un rythme trop lent ?

Pour la réalisation de l’indispensable transition écologique en France, la décarbonation des secteurs d’activité les plus émetteurs de CO2 est une absolue nécessité. L’industrie fait partie de ces domaines, avec un objectif de baisse de ses émissions fixé à 35 % pour 2030. Toutefois, plusieurs facteurs laissent penser qu’il sera difficile d’atteindre ce chiffre ambitieux à la fin de la décennie. Quels sont-ils ? Choisir.com vous dit tout.

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Décarbonation industrielle française : un essoufflement qui inquiète

Le plan français de décarbonation des entreprises les plus émettrices de gaz à effet de serre (GES) fonctionne-t-il aussi bien que prévu ? Cet énorme chantier, lancé par l’État il y a environ trois ans, ne peut se réaliser que sur le long terme. C’est dans ce cadre qu’Emmanuel Macron lui-même avait dévoilé, en mai 2023, les contours du projet de loi industrie verte, promulgué en octobre dernier. Son but est de permettre la réindustrialisation du pays tout en faisant de lui le leader de l’industrie verte sur le continent.

Dernièrement, le gouvernement a assuré que la dynamique d’investissements en faveur de cette démarche, essentielle pour la réussite de la transition écologique, se maintiendrait pour 2024. Avec 18 % du total, l’industrie est en effet actuellement le troisième secteur d’activité le plus émetteur de CO2 en France :

  • derrière les transports et l’agriculture ;
  • devant le bâtiment.

La stratégie bas carbone française est en réalité calquée sur celle tracée par l’Union européenne (UE). L’objectif de cette dernière est de viser une réduction des émissions de CO2 de 90 % en Europe d’ici 2024. Au niveau national, les engagements sont ainsi :

  • de réduire les émissions totales de GES de 55 % pour 2030 ;
  • d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050, comme le demande Bruxelles.

Dans cette évolution d’envergure, l’industrie doit jouer un rôle majeur. L’objectif fixé pour ce domaine est une baisse de ses émissions de 35 % à l’horizon 2030. L’atteinte de ce chiffre est-elle vraiment faisable ? L’industrie française est-elle dans les temps ? Les doutes et les craintes sont actuellement de plus en plus nombreux.

Certes, le 21 mars, le Centre interprofessionnel technique d’étude de la pollution atmosphérique dévoilait des résultats provisoires que l’on peut voir comme plutôt positifs. D’après eux, entre 2022 et 2023, les émissions de CO2 dans l’industrie française ont reculé de 8 %. Sauf que cette régression s’explique en fait moins par les efforts de décarbonation du secteur que par la baisse constatée de production industrielle en 2023. En cause, le ralentissement économique de ces derniers mois qui a impacté les branches à l’empreinte carbone la plus importante, telles que celles :

  • du ciment ;
  • de la chimie ;
  • de la sidérurgie.

Force est donc de constater qu’à moins de 6 ans de l’objectif, les inquiétudes sont de mises quant au rythme de décarbonation de l’industrie nationale.

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Différents facteurs comme obstacles de taille ralentissant la décarbonation de l’industrie en France

La difficulté vécue par le secteur industriel à se trouver son rythme de croisière de décarbonation s’explique par de multiples facteurs :

  • la faible croissance économique actuelle ;
  • les incertitudes au niveau des prix de l’énergie ;
  • l’instabilité géopolitique depuis l’invasion russe de l’Ukraine ;
  • le manque de soutien de l’exécutif.

Autant d’éléments ressentis comme des vents contraires ralentissant cette mue industrielle pourtant indispensable. Ces derniers temps, plusieurs décisions gouvernementales ont pris la forme de coups de frein aux ambitions de décarbonation, avec l’annonce de :

Des mesures qui posent question alors qu’une industrie plus verte signifie aussi une augmentation des coûts évidente, difficile à assumer sans soutien de l’État.

Autre facteur d’essoufflement, rendant très délicate la réalisation des objectifs officiels : la chute des prix de la tonne de CO2 dans l’UE. Entre les mois de février 2023 et 2024, cette dernière a fondu :

  • de 95 € ;
  • à 52 €.

En quoi cette forte diminution est-elle un problème ? C’est Anaïs Voy-Gillis, universitaire spécialiste de l’industrie travaillant pour la société de chimie française Humens qui nous l’explique. Selon elle, « si ce niveau de prix devait durer, certaines entreprises pourraient se dire qu’à ce tarif, il vaut mieux payer un droit à polluer plutôt qu’investir dans un projet de décarbonation ».

Le prix de l’électricité nucléaire en France constitue également un élément de fragilité. Au bout de longues et d’âpres négociations, un accord a bien été trouvé entre EDF et l’État en novembre 2023. Il se fixerait autour de 70 € le mégawattheure (MWh) à partir de 2026. Toutefois, de multiples industriels ne le jugent ni assez stable, ni assez compétitif. Or, ce flottement autour du tarif de l’électricité nucléaire forme « un obstacle structurel pour la décarbonation de l’industrie ». Voilà l’avis d’Eric Bergé, expert industriel pour le groupe de réflexion The Shift Project.

Guillaume de Goys est le PDG d’Aluminium Dunkerque, l’un des 50 sites industriels tricolores les plus émetteurs de CO2. De son point de vue, le secteur entre dans une certaine forme d’urgence. « Il faut que l’industrie y voie plus clair dans les mois qui viennent », demande-t-il. Faute d’obtenir satisfaction, le risque est, selon lui, « de ne pas tenir collectivement le calendrier de 2030 ». Alors que la décarbonation du gaz naturel devrait aussi être plus longue que prévu, ce serait là un autre coup de frein malvenu en défaveur du climat. Comme un énième signal laissant penser que la France est incapable de respecter le moindre engagement vers la réalisation de la transition énergétique. Rappelons qu’en question de déploiement des énergies renouvelables, le compte n’y est (toujours) pas dans l’Hexagone en 2024.

D’ailleurs, pour décarboner l’économie, l’industrie n’est pas le seul domaine à devoir réaliser des efforts soutenus. À l’échelle de l’UE, on cherche des pistes pour décarboner l’agriculture d’ici 2040. L’activité agricole est en effet responsable de 11 % des émissions carbone européennes et de 19 % des émissions françaises.

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