Agrivoltaïsme : des panneaux solaires sur un verger de l’Hérault

publié le 24/06/2024 à 14h25 | mis à jour le 24/06/2024 à 14h25 | par Johann Sonneck

Huit rangées de panneaux solaires sur une parcelle de pommiers dans l’Hérault dès cet été

Marsillargues est une ville de 6 000 habitants située en zone rurale, dans l’Hérault. Cet été, 8 rangées de panneaux solaires seront installées dans une de ses parcelles de pommiers, d’une superficie de 1 000 m². Leur utilité sera multiple :

• bien sûr, permettre la production d’électricité ;
• mais aussi apporter une ombre nécessaire aux plants du verger face aux intenses chaleurs estivales.

Allier la production d’énergie solaire à l’agriculture est une pratique encore assez méconnue appelée l’agrivoltaïsme. Un protocole d’accord a d’ailleurs été signé en mars 2023 pour pousser la production d’énergie renouvelable dans le milieu agricole entre :

• la FNSEA, Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles, le principal syndicat du secteur ;
• et le Syndicat des énergies renouvelables (SER).

Philippe Cavalier est le président de SudExpé, pôle de recherche et développement sur les fruits et légumes du Midi-Méditerranée, participant au projet. Il est conscient du grand intérêt que peuvent apporter les panneaux photovoltaïques solaires aux parcelles agricoles, du fait des canicules toujours plus nombreuses et sévères. « Parfois, la température peut dépasser les 36 degrés », indique-t-il. Un niveau réellement important car il s’agit « d’un seuil au-delà duquel le végétal bloque sa croissance ».

Le réchauffement climatique pose donc un problème de taille pour les pomiculteurs, comme pour beaucoup de cultivateurs de fruits et de légumes. En effet, les pommiers sont par exemple des arbres étant :

• très gourmands en eau ;
• donc extrêmement sensibles à la chaleur et fragiles face à la hausse de plus en plus prononcée des températures.

D’après un rapport de l’Organisation des Nations unies (ONU), celle-ci pourrait être de l’ordre de +3 °C dans le monde à la fin du siècle. À quoi ressembleront alors les vergers et les activités agricoles à cette date si un tel scénario se réalise ?

Une étude menée sur trois années sur la cohabitation entre production électrique et production fruitière

Pour limiter les effets de l’urgence climatique, les pays signataires du texte final de la COP28 de Dubaï se sont engagés à tripler la production d’énergies renouvelables d’ici 2030. Un rapport récent de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) appelle d’ailleurs à accélérer le déploiement des renouvelables dans le monde pour tenir cet engagement.

En tout cas, l’installation de nouvelles capacités électriques décarbonées est une tâche possible à toutes les échelles, preuve en est à Marsillargues. Plusieurs acteurs sont à l’initiative de ce projet de pose de panneaux sur ses vergers, nommé EVAPORE :

• EDF Renouvelables, qui installera les panneaux solaires et en assurera l’exploitation ;
• SudExpé, chargé de l’expertise technique et scientifique sur les pommes produites ;
• l’entreprise Cybeletech qui a été victorieuse d’un appel à projets organisé en 2023 par l’ADEME, l’Agence de la transition écologique. Son thème : « Recherche Énergie Durables ». Son rôle est ainsi de développer des outils de modélisation pour l’agriculture.

Sofiane Boukebbous est le directeur Zone Sud-Est et Outre-mer d’EDF Renouvelables. Selon lui, ce projet est d’autant plus essentiel que « les terrains utilisés par l’homme et sur lesquels on peut installer des panneaux photovoltaïques se raréfient ». Ainsi, il explique que « nous devons […] nous ouvrir à de nouveaux terrains pour accompagner la transition énergétique ».

Ce sera donc une nouvelle ferme solaire qui verra le jour dans ce verger de l’Hérault à compter de cet été, sous forme de démonstrateur d’agrivoltaïsme. Le début de la production d’électricité verte est attendu pour la rentrée de septembre.

La future installation de la commune de Marsillargues sera aussi équipée de capteurs. Leur but : mesurer différents paramètres climatiques majeurs tels que l’humidité du sol. Une modélisation en temps réel du comportement des arbres pourra permettre d’ajuster le positionnement des panneaux afin de réguler l’ombrage sur le verger au besoin. De plus, leur implantation ne gênera en rien le passage et l’activité des engins agricoles entre les pommiers.

Pour EDF, il s’agit d’un « projet innovant et collectif ». Celui-ci donnera lieu à une étude précise sur la cohabitation entre production fruitière et électrique sur trois années, de 2025 à 2027. Plusieurs espèces de pommes seront testées, comme les célèbres Pink Lady ou Granny Smith.

Pour les acteurs engagés, « la promesse d’une agriculture à la fois productive et durable »

Cet aménagement héraultais illustre en tout cas la dynamique renouvelable en France, avec de multiples projets œuvrant en faveur de la décarbonation de l’économie :

• 2023 a été synonyme de boom du recyclage des panneaux solaires dans l’Hexagone ;
• début avril 2024, un décret relatif au développement de l’agrivoltaïsme a été publié au Journal officiel ;
• début mai, la plus grande centrale géothermique sur nappe phréatique de France a été inaugurée à Montpellier, également dans l’Hérault ;
• en juin, c’est une grande centrale de 42 000 panneaux solaires qui ouvrira près du Mans, dans la Sarthe ;
• un grand plan vient aussi d’être lancé pour produire 1 million de pompes à chaleur (PAC) par an en France d’ici 2027.

À Marsillargues, Christophe Shaw, président-directeur général de Cybeletech, rappelle le « double bénéfice » du projet EVAPORE :

• « la production d’énergie renouvelable ;
• et l’adaptation de la culture de pommiers dans un contexte de changement climatique ».

Sofiane Boukebbous a également tenu à se montrer rassurant. Ce projet d’agrivoltaïsme, comme tous les autres menés par EDF, se fera « dans le respect des usages agricoles et de leur pérennité ». L’énergéticien précise que la volonté est de « développer une technique éprouvée » permettant de trouver une solution face aux multiples difficultés rencontrées par les pomiculteurs :

• « le gel ;
• le trop fort ensoleillement ;
• et la consommation d’eau ».

Christophe Shaw voit finalement dans EVAPORE « la promesse d’une agriculture à la fois productive et rentable ».

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