Qu’est-ce que le gaz de schiste ?
Largement exploité aux États-Unis depuis une quinzaine d’années, le gaz de schiste est un gaz naturel issu de la famille des gaz non conventionnels. Ses réserves importantes à l’échelle mondiale constituent un réel enjeu énergétique et économique pour les pays qui en sont dotés, notamment la France. Néanmoins, l’extraction de ce gaz dit « de roche-mère » basée sur la technique de fracturation hydraulique est sujette à controverse, pour des raisons principalement écologiques. Qu’est-ce exactement que le gaz de schiste ? Comment est-il exploité ? Quels sont les impacts environnementaux et enjeux économiques liés à son extraction ? Choisir.com fait le point pour vous sur le gaz de schiste.

Qu’est-ce que le gaz de schiste ?
Le gaz de schiste, ou shale gas en anglais, est un gaz dit « naturel », puisque naturellement présent dans le sous-sol terrestre.
Caractéristiques géologiques
Le gaz de schiste est présent à grande profondeur (en général, entre 2 000 et 4 000 mètres), dans certaines roches argileuses et sédimentaires, riches en matières organiques et structurées en bancs horizontaux épais et feuilletés, appelées schistes (ou shales).
Ces couches sédimentaires sont d’épaisseur variable (en général, quelques dizaines de mètres) et s’étendent sur plusieurs centaines de mètres de long. Le schiste y est faiblement concentré.
L’argile présente dans la roche schisteuse lui confère un caractère imperméable et très peu poreux. Le gaz de schiste est ainsi « piégé » dans la roche qui lui a donné naissance, c’est pourquoi il est aussi appelé « gaz de roche-mère ». Cette imperméabilité rocheuse a pour effet de rendre l’extraction du gaz complexe.
Quelles différences entre gaz de schiste et gaz conventionnel ?
À l’instar des gaz naturels conventionnels, le gaz de schiste est un hydrocarbure essentiellement constitué de méthane (CH4) et principalement utilisé pour le chauffage et la production d’électricité.
La différence réside non pas dans la composition des gaz, mais dans leur emplacement géologique et, par conséquent, leur technique d’extraction.
Les gaz conventionnels
En effet, les gaz naturels conventionnels se sont formés dans des roches sédimentaires, avant de migrer en hauteur dans le sous-sol et de s’accumuler dans des structures géologiques naturelles, appelées « poches-réservoirs ».
Présents en grande quantité et de manière localisée dans ces poches situées à plus faible profondeur, ils sont facilement exploitables grâce aux techniques de forage traditionnelles (forage vertical).
Les gisements de gaz conventionnels constituent la principale source d’alimentation du réseau de gaz naturel en France.
Les gaz non conventionnels
Les gaz non conventionnels, dont fait partie le gaz de schiste, ont la particularité de nécessiter des méthodes d’extraction plus complexes (et par conséquent, plus coûteuses).
L’ensemble de ces hydrocarbures sont des « gaz de réservoir compact », car ils sont contenus dans des couches de roches très peu poreuses et très peu perméables, à l’inverse des gaz conventionnels qui sont, eux, concentrés dans une cavité rocheuse. Cette particularité géologique les rend particulièrement difficiles à exploiter.
Taux de récupération
En ce qui concerne le gaz de schiste, les difficultés d’exploitation sont liées à sa présence diffuse et étendue dans la roche-mère schisteuse : un puits de forage traditionnel ne drainant qu’un faible volume de roche, il n’est donc pas suffisant pour extraire le gaz en grande quantité.
En raison de leur faible concentration en gaz et de leur structure étendue, les gisements de gaz de schiste présentent un taux de récupération (c’est-à-dire un rapport entre les volumes produits et les réserves disponibles) faible : 20 % à 40 % en moyenne, tandis que celui des gisements de gaz conventionnel oscille entre 60 % et 95 %.
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Exploitation du gaz de schiste : aspects techniques
Comme pour tout hydrocarbure, l’exploitation du gaz de schiste se décompose en deux phases : une phase préalable d’exploration des sols, suivie d’une phase d’extraction.
Exploration des gisements de gaz de schiste
Cette étape est réalisée par la compagnie gazière ayant obtenu une licence d’exploration, généralement à la suite d’un appel d’offres lancé par l’État.
Il s’agit, ici, de repérer et valider la présence d’un gisement, ainsi que de vérifier son caractère exploitable (et rentable), par le biais de nombreuses mesures et analyses.
Les méthodes d’exploration employées dans la recherche de gaz de schiste sont similaires à celles utilisées pour les gisements de gaz naturel conventionnel. Basées sur des techniques de cartographie et de sismographie (imagerie sismique grâce à la génération d’ondes), elles sont mises en œuvre par des ingénieurs, des géophysiciens et des géologues qui vont étudier la composition et la structure du sous-sol, et ainsi établir une sorte d’échographie de celui-ci.
Lorsque la présence d’un gisement de gaz de schiste est confirmée et que celui-ci semble prometteur, la compagnie gazière peut décider de poursuivre les recherches par un forage d’exploration. Il s’agit d’un véritable pari financier : ce type de forage est très coûteux (minimum 3 millions d’euros), mais ne confirme la faisabilité d’une exploitation que dans un tiers des cas.
Extraction du gaz de schiste
La méthode traditionnelle d’extraction d’un hydrocarbure consiste à réaliser un forage vertical jusqu’au réservoir, afin que le gaz puisse remonter naturellement, sous l’effet de la différence de pression.
En raison de la présence diffuse et étendue du gaz dans la roche, cette méthode n’est pas applicable au gaz de schiste. Son extraction, plus complexe, nécessite de combiner la technique du forage dirigé à celle de la fracturation hydraulique.
Le forage dirigé
Cette première étape dure environ 2 mois.
- Après la pose d’un derrick en surface (le bâti métallique qui supporte le trépan servant à forer), présentant une emprise au sol d’un hectare environ, on fore un puits vertical jusqu’à atteindre le gisement situé à grande profondeur.
- Grâce à une tête de forage rotative inclinable, le forage se poursuit ensuite horizontalement, sur plusieurs centaines de mètres (jusqu’à 2 kilomètres). Cette méthode permet d’optimiser la surface du puits en contact avec le gisement de gaz, sans augmenter l’emprise au sol.
- Pour limiter le risque de contamination de la nappe phréatique, un tubage en acier est installé sur toute la partie verticale du puits.
- Dans sa partie horizontale, le tubage est perforé grâce à de petites charges explosives, afin de permettre la récupération du gaz de schiste, une fois le puits mis en production.
La fracturation hydraulique
Faiblement concentré et piégé sous forme de microbulles dans des roches schisteuses peu perméables, le gaz de schiste ne peut remonter naturellement dans le puits : sa remontée en surface nécessite donc d’être « stimulée ».
C’est le rôle que va jouer la fracturation hydraulique, également appelée hydrofracturation ou fracking.
Cette étape dure plusieurs jours. Elle consiste à injecter dans la roche de l’eau additivée à très haute pression (300 à 600 bars), afin de provoquer un nombre important de micro-fractures. Grâce à l’injection de sable à faible granulométrie dans les microfissures de la roche, celles-ci sont maintenues ouvertes.
Le schiste, devenu poreux, permet au gaz de circuler plus facilement jusqu’au puits et d’être ainsi récupéré en surface.
L’opération est répétée de nombreuses fois (en moyenne, 30 fois pour un puits horizontal d’un kilomètre de long).
Une fois cette étape terminée, l’eau injectée est pompée pour être traitée.

Les procédés d’extraction alternatifs
La fracturation hydraulique combinée au forage dirigé est le procédé le plus largement utilisé pour faciliter l’extraction du gaz de schiste. Celui-ci présente néanmoins l’inconvénient majeur d’être extrêmement consommateur en eau.
D’autres techniques d’extraction du gaz de schiste sont donc à l’étude. En France, elles ont d’ailleurs fait l’objet dès 2013 d’un rapport de l’OPECST (Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques).
Parmi ces procédés d’extraction alternatifs :
- la fracturation de la roche au propane ou au fluoropropane ;
- la fracturation sèche à base d’hélium chaud (ou fracturation exothermique non hydraulique), solution développée en région arctique où l’eau gèle facilement, et présentée comme la plus respectueuse de l’environnement en raison de l’absence d’utilisation d’explosifs, de solvants ou encore d’acides ;
- le chauffage de la roche ;
- la stimulation par arc électrique.
Production du gaz de schiste
Une fois les étapes de forage dirigé et de fracturation hydraulique terminées, le puits peut alors entrer dans sa phase de production.
Le gaz naturel remonte, est éjecté à la surface du puits, stocké dans un réservoir puis acheminé vers un pipeline avant d’être livré.
Cette phase de production « passive » peut durer une dizaine d’années. Il est parfois nécessaire, pour réactiver la remontée du gaz de schiste, de répéter régulièrement l’opération de fracturation hydraulique : on parle alors de multifracking.
Lorsque l’exploitation d’un gisement est arrivée à son terme, le forage est refermé par de grandes quantités de ciment, pouvant mesurer jusqu’à 100 mètres d’épaisseur.
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Les enjeux économiques du gaz de schiste
Ressource naturelle présente en quantités très importantes un peu partout dans le monde, le gaz de schiste revêt des enjeux économiques considérables.
Les réserves mondiales de gaz de schiste
Si l’on sait que les réserves mondiales de gaz de schiste sont abondamment réparties dans le sous-sol terrestre, il est impossible de les chiffrer avec précision. En effet :
- il n’existe pas de norme d’évaluation commune à tous les pays ;
- dans les zones où le gaz de schiste est déjà exploité, les données chiffrées sont transmises par les industries gazières privées, qui possèdent chacune leur propre méthode de calcul ;
- en fonction de l’existence ou non de recherches exploratoires approfondies, les données liées à la présence de gisements sont simplement hypothétiques ou, au contraire, certaines et précisément évaluées ;
- il est probable que tous les gisements de gaz de schiste n’aient, à ce jour, pas encore été découverts.
Typologie des réserves de gaz de schiste
Comme pour tous les autres gaz naturels, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) répertorie les réserves de gaz de schiste en trois catégories :
- les « réserves possibles » désignent les quantités de gaz supposées d’après les données géologiques à notre disposition, mais qui n’ont pas encore fait l’objet d’une exploration approfondie ;
- les « réserves probables » concernent les gisements qui ont été explorés mais ne sont pas encore exploités, et qui présentent un potentiel de rentabilité économique d’au moins 50 % ;
- les « réserves prouvées » désignent les quantités de gaz dont l’existence n’est pas contestable et qui présentent un fort potentiel de rentabilité économique (supérieur à 90 %).
État des lieux des réserves dans le monde
Dans son rapport « Golden Rules for a Golden Age of Gas » portant spécifiquement sur les gaz non conventionnels, l’AIE estime le volume global de gaz de schiste techniquement récupérable à 208 000 milliards de mètres cubes, répartis principalement comme suit :
Zone géographique | Réserves de gaz de schiste techniquement récupérables (en milliards de mètres cubes) |
---|---|
Monde | 208 000 |
Chine | 36 000 |
Amérique Latine | 33 000 |
Afrique | 30 000 |
États-Unis | 24 000 |
Europe (OCDE) | 16 000 |
Europe de l’Est / Eurasie | 12 000 |
Canada | 11 000 |
Les pays les plus gros détenteurs de gaz de schiste sont la Chine, l’Argentine, l’Algérie ainsi que les États-Unis.
En Europe, la France et la Pologne possèdent les ressources les plus importantes. Les réserves françaises, situées dans les quarts nord-est et sud-est de l’hexagone, ont été évaluées à plus de 5 000 milliards de mètres cubes par l’Agence américaine d’information sur l’énergie, en 2014.
Les principaux acteurs du gaz de schiste
En raison de la complexité de son extraction, le gaz de schiste a longtemps été délaissé au profit de gaz naturels conventionnels, plus facilement exploitables.
Face à l’épuisement progressif des réserves d’hydrocarbures traditionnels et à leur répartition inégale sur le globe, de nombreux scientifiques se sont attelés à mettre au point des procédés innovants, permettant d’exploiter de façon rentable des gisements jusqu’alors inaccessibles.
Les États-Unis, pionniers dans l’exploitation du gaz de schiste
Les pionniers en la matière sont les compagnies d’énergie américaines : les forages de gaz de schiste utilisant le procédé de fracturation hydraulique se développent réellement à partir de 2006, et connaissent dès lors une croissance vertigineuse.
Ainsi, alors qu’il ne constituait qu’une infime partie de la production gazière en 2000 (1 % seulement), le gaz de schiste représente 23 % de la production de gaz américaine globale dès 2010, et pourrait atteindre 50 % d’ici l’année 2030.
Ce boom du gaz de schiste a permis au pays de redevenir en 2018 exportateur net de gaz, pour la première fois depuis 1957.
Les compagnies gazières engagées dans l’exploitation du gaz de schiste
Les premiers forages à fracturation hydraulique ont été réalisés par des entreprises innovantes de taille modérée. Rapidement, devant la manne financière que représentait cette ressource naturelle désormais plus aisément exploitable, les grandes industries gazières américaines se sont, elles aussi, lancées dans la production de gaz de schiste. Parmi elles, on compte ExxonMobil, ConocoPhillips ou encore Devon Energy.
Depuis une dizaine d’années, les compagnies européennes exploitant du gaz naturel conventionnel cherchent également à investir dans la production de gaz de schiste. Le français Total, par exemple, a obtenu une licence d’exploration pour un gisement situé en Ardèche (annulé en 2011 par l’État) et acquis une participation de 25 % dans le gisement texan de Barnett Shales.
Les autres parties prenantes
Parmi les autres acteurs du gaz de schiste, on compte notamment :
- GASH, un consortium européen de recherche interdisciplinaire sur le gaz de schiste, créé en 2009 et ayant vocation à établir une base de données européenne sur les schistes noirs ;
- le Gas Exporting Countries Forum, un forum intergouvernemental regroupant les pays exportateurs de gaz ;
- CEDIGAZ, une association internationale à but non lucratif ayant pour rôle de recueillir des données de marché précises et des analyses sur le gaz naturel, et notamment sur le gaz non conventionnel.
Enjeux géostratégiques
Alors que les réserves de gaz naturel conventionnel sont concentrées sur quelques pays seulement (notamment la Russie, qui en détient 20 %), la présence du gaz de schiste un peu partout sur la planète rebat les cartes du marché mondial de l’énergie.
L’exploitation des ressources naturelles en gaz de schiste est perçue par ses défenseurs comme un excellent moyen, pour les pays jusqu’alors petits producteurs de gaz, de réduire leur dépendance énergétique vis-à-vis des autres pays.
Plus globalement, la production croissante et rapide de gaz de schiste américain a eu des conséquences sur l’ensemble du marché de l’énergie. En voici un exemple :
- aux États-Unis, les producteurs de gaz de schiste ont rudement concurrencé les producteurs américains de charbon, qui se sont vus contraints d’écouler leurs excédents à l’international ;
- en conséquence, en Europe et notamment en France, les prix du charbon ont baissé, conduisant à une augmentation de la consommation de ce combustible (et par ricochet, des émissions de gaz à effet de serre).
À l’heure actuelle, le gaz de schiste est essentiellement produit aux États-Unis. Les questions écologiques que l’exploitation de ce gaz soulève ont, pour l’instant, freiné les autres pays à s’engager dans une production intensive. Si ces freins venaient à être soulevés dans les années à venir, on imagine aisément le bouleversement que cela représenterait en matière de géopolitique gazière et énergétique.
La question de la rentabilité économique
Pour pondérer ces propos, il convient néanmoins d’évoquer la rentabilité réelle et supposée du gaz de schiste, si celui-ci venait à être exploité dans d’autres territoires, tels que la France.
En effet, plusieurs facteurs peuvent influer sur la rentabilité de cette nouvelle industrie :
- les quantités réelles des ressources ne peuvent être connues qu’après la réalisation de coûteux forages. Le caractère très hypothétique des réserves de gaz de schiste disponibles rend les investissements risqués. Ainsi, après une première étude en 2013 estimant la valeur actuelle nette du gaz de schiste sur le territoire français à 224 milliards d’euros, l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) a révisé son estimation de façon spectaculaire deux ans plus tard, la chiffrant à 15 milliards d’euros seulement, soit 15 fois moins !
- une réglementation plus stricte ;
- des oppositions plus fortes de la part des mouvements et associations environnementales ;
- des réseaux routiers moins adaptés aux infrastructures (routes moins larges) ;
- une plus forte densité de population, obligeant les producteurs gaziers à adapter leurs installations, ce qui engendrerait des coûts supplémentaires ;
- une fiscalité différente (la fiscalité américaine, avantageuse lors de la première année de production, convient parfaitement à l’exploitation de ce gaz dont le rendement est décroissant) ;
- etc.
Ainsi, en prenant compte les différents paramètres, un puits européen coûterait deux à trois fois plus cher qu’un puits américain, à production équivalente : de quoi impacter la rentabilité de l’opération.
Dans les pays européens produisant déjà du gaz de schiste (Grande-Bretagne, Pologne ou encore Danemark), les premiers retours semblent d’ailleurs mitigés, aussi bien en matière de coûts et de délais de mise en œuvre, que de création d’emplois.

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faire une simulationGaz de schiste : où en est-on en France ?
Dans notre pays, le sujet du gaz de schiste fait l’objet de vives controverses, entre partisans d’un libéralisme énergétique et fervents opposants à la fracturation hydraulique et à ses conséquences néfastes sur l’environnement.
La réglementation française
Si les gouvernements successifs ont eu des positions parfois contradictoires, il n’en demeure pas moins que la France a été le premier pays européen à interdire l’exploration et l’exploitation des mines hydrocarbures liquides ou gazeux par fracturation hydraulique, avec la loi Jacob du 13 juillet 2011 (confirmée par le Conseil constitutionnel à l’automne 2013), rendant de facto la production de gaz de schiste impossible sur le territoire.
La promulgation de cette loi a également entraîné l’abrogation de 3 des 64 permis d’exploration délivrés l’année précédente par Jean-Louis Borloo, alors ministre de l’Écologie.
Une opposition forte
L’opinion publique est globalement en défaveur de l’exploitation du gaz de schiste : dans un sondage BVA réalisé en 2014, plus de 6 Français sur 10 ont déclaré y être opposés (dont 31 % fermement opposés).
Depuis 10 ans, les militants écologiques n’ont de cesse de dénoncer les risques environnementaux, sanitaires et sismiques induits par la production de ce gaz non conventionnel.
En outre, ils craignent que l’exploitation du gaz de schiste en France soit un frein aux investissements pour le développement des énergies renouvelables, si nécessaire à la transition énergétique et à l’atteinte des ambitions portées par la loi Énergie-Climat (loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat), fixant notamment :
- la part des énergies renouvelables à hauteur de 33 % du mix énergétique d’ici 2030 ;
- une diminution de 40 % de l’utilisation des énergies fossiles d’ici 2030 (par rapport à 2012).
Malgré l’interdiction de la fracturation hydraulique dans notre pays, le gaz de schiste est entré sur le territoire par une porte dérobée : en effet, la France importe du gaz de schiste américain (sous forme de gaz naturel liquéfié, appelé GNL) depuis l’automne 2018. Elle en est même le premier importateur à l’échelle européenne.
Pour conclure : quels sont les avantages et inconvénients du gaz de schiste ?
L’exploitation du gaz de schiste, ressource fossile présente en quantités abondantes dans le sous-sol terrestre, fait l’objet de nombreuses controverses. Elle suscite à la fois l’enthousiasme des acteurs de la filière et de ses partisans politiques qui y voient une véritable manne financière et un moyen efficace pour tendre vers l’indépendance énergétique, et de vives inquiétudes chez ses opposants qui dénoncent des impacts environnementaux désastreux.
Alors, le gaz de schiste, véritable opportunité ou non-sens écologique ? Il n’y a de réponse unilatérale à cette question. Afin que chacun puisse se faire sa propre opinion, faisons le point de façon objective sur les différents avantages et inconvénients liés à l’exploitation de cet hydrocarbure.
Les avantages du gaz de schiste
Pour les pays disposant de cette ressource naturelle, l’exploitation du gaz de schiste revêt de nombreux atouts.
Avantages géologiques
Le premier atout du gaz de schiste est l’importance de ses réserves : à l’échelle mondiale, on estime la quantité de gaz de schiste présent dans le sous-sol terrestre à 208 000 milliards de mètres cubes, soit près d’un tiers de la quantité totale de gaz.
Par ailleurs, tandis que seuls quelques pays détiennent des réserves de gaz naturel conventionnel (les États-Unis, la Russie, le Qatar, l’Iran et le Canada en détiendraient la moitié à eux-seuls), les réserves de gaz de schiste sont réparties un peu partout dans le monde.
En Europe, par exemple, des gisements ont été identifiés dans 14 pays différents. La France et la Pologne disposent des ressources les plus importantes. Dans l’hexagone, l’exploitation des réserves (évaluées à plus de 5 000 milliards de mètres cubes) pourrait permettre d’alimenter le pays en gaz naturel pendant plusieurs décennies.
Avantages stratégiques et économiques
Il découle de cet état de fait de nombreux bénéfices potentiels pour les pays concernés, à la fois géostratégiques et économiques.
Moins de dépendance énergétique
L’exploitation du gaz de schiste est, pour les pays disposant de réserves importantes, une solution inespérée pour tendre vers l’indépendance énergétique. Les États-Unis, qui produisent cet hydrocarbure depuis une quinzaine d’années déjà, pourraient atteindre cet objectif d’autonomie dès 2035.
En France, la quasi-totalité du gaz naturel que nous consommons est importée : 99,5 % en 2020, d’après le Service de la donnée et des études statistiques (SDES). En effet :
- notre pays a produit seulement 2,4 TWh PCS (térawattheures en pouvoir calorifique supérieur) de gaz naturel ;
- il en a importé 534 TWh PCS, principalement depuis la Norvège et la Russie.
L’exploitation des réserves françaises de gaz de schiste constituerait donc une véritable opportunité pour réduire la dépendance de l’État vis-à-vis des pays grands producteurs de gaz.
Les prix de l’énergie en baisse
Produire du gaz de schiste, c’est augmenter l’offre d’énergie et donc, mécaniquement, faire baisser les prix.
En cette période de crise énergétique, tandis que le cours du gaz atteint des records et que le gouvernement a décidé la mise en œuvre d’un bouclier tarifaire pour préserver le budget des ménages, développer l’exploitation de nouvelles ressources fossiles telles que le gaz de schiste peut s’avérer économiquement pertinent.
Les États-Unis en sont le meilleur exemple : en 2014, moins de 10 ans après le démarrage massif de l’exploitation des gisements de gaz de schiste américains, cette énergie représentait déjà 25 % du total de la production gazière du pays. Conséquence : le prix du gaz y était facturé jusqu’à 4 fois moins cher qu’en Europe.
Mais la loi de l’offre et de la demande dépasse les frontières des pays exploitants, et le reste du monde – notamment l’Europe – a également profité de cette baisse des prix, par le biais des mécanismes des marchés de gré à gré du gaz naturel. Ainsi, les consommateurs français ont, dès les années 2010, bénéficié de façon indirecte du développement du gaz de schiste outre-Atlantique.
Dynamisme des territoires et compétitivité des entreprises
Exploiter le gaz de schiste en France générerait, selon ses partisans, la création d’environ 200 000 emplois très diversifiés : ouvriers, techniciens, commerciaux, chercheurs, etc. De quoi dynamiser les territoires concernés, d’autant que les collectivités locales profiteraient également de belles recettes fiscales.
En 2015, l’OFCE estimait la valeur nette des réserves françaises à 15 milliards d’euros : les gains pour les entreprises extractrices pourraient donc être considérables, si l’État français décidait d’autoriser l’exploitation du gaz de schiste sur son sol.
Enfin, de manière plus générale, une baisse des prix du gaz naturel ferait profiter l’ensemble de la filière industrielle française et améliorerait la compétitivité des entreprises tricolores.
Avantages écologiques
Les opposants au gaz de schiste soulignent ses effets néfastes sur l’environnement. Mais, à cela, ses partisans répondent que le gaz naturel est le combustible fossile le moins émetteur de gaz à effet de serre : en effet, sa combustion génère moins de CO2 que celle du charbon ou du pétrole. Partant du principe que la production d’énergies renouvelables est à ce jour insuffisante pour répondre à l’ensemble des besoins, l’exploitation du gaz de schiste serait donc un moindre mal.
Autre atout : produire et consommer du gaz de schiste localement, c’est réduire les émissions de CO2 liées au transport.
Avantages « éthiques »
Enfin, on peut considérer comme plus moral le fait qu’un pays produise sa propre énergie, au lieu d’exploiter les ressources naturelles d’un autre pays.
En outre, en produisant sur place, ce sont ceux qui bénéficient des avantages du gaz de schiste qui en subissent également les contraintes : impacts environnementaux, risques sanitaires, etc. Les exemples de régions dévastées par l’exploitation des hydrocarbures dont les populations locales n’auront pas profité sont malheureusement légion. Dans le delta du Niger où l’on exploite massivement le pétrole depuis les années 1950 sans véritable réglementation, les nappes phréatiques sont désormais polluées, la pêche et l’agriculture devenues impossibles : une véritable catastrophe écologique et humaine.
Par ailleurs, on peut considérer qu’en France, les compagnies exploitantes seraient soumises à une législation plus stricte en matière de respect de l’environnement que dans bon nombre de pays en voie de développement ; l’extraction du gaz serait y serait donc plus « propre ».
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Les inconvénients du gaz de schiste
Faisons désormais le point sur les aspects négatifs de l’exploitation du gaz de schiste.
Les inconvénients techniques
Nous l’avons vu précédemment : si les réserves de gaz de schiste sont très importantes, leur extraction combinant la technique du forage dirigé à celle de la fracturation hydraulique est particulièrement complexe, donc plus coûteuse que celle des gaz naturels conventionnels.
Notons également que tous les gisements ne sont pas exploitables : seulement un forage d’exploration sur trois confirme la faisabilité d’une exploitation. Cette première étape nécessite pourtant d’importants investissements (au moins 3 millions d’euros), qui sont donc faits à pure perte dans deux tiers des cas. En Pologne, deux compagnies américaines exploitantes (Marathon Oil et Talisman Energy) en ont fait les frais : après avoir creusé 43 puits et constaté que seuls 12 d’entre eux étaient viables, elles ont choisi de se retirer.
Enfin, lorsque le forage d’exploration aboutit à une exploitation du gisement, le taux de récupération du gaz de schiste est relativement faible : entre 20 % et 40 % seulement des réserves disponibles sont réellement extraites, tandis que les données oscillent entre 60 % et 95 % pour le gaz conventionnel.
Les inconvénients économiques
D’un point de vue économique, on peut donc se poser la question de la rentabilité réelle de l’extraction du gaz de schiste : les recettes réelles n’étant pas toujours à la hauteur de celles espérées et des sommes investies.
Il faut rappeler que le volume de production du gaz de schiste est très important au lancement de l’exploitation, mais chute ensuite rapidement et de façon continue : on parle de « rendements décroissants ». En cela, la courbe de production de cette énergie se distingue de celle du gaz naturel conventionnel, qui reste stable dans la durée.
Conserver une production importante de gaz de schiste sur le long terme n’est possible qu’en creusant sans cesse de nouveaux puits : une méthode coûteuse et énergivore. Le taux de retour énergétique (TRE) du gaz de schiste, c’est-à-dire le ratio entre l’énergie produite et celle dépensée à des fins de production, est donc faible.
Enfin, précisons que si cet hydrocarbure devait être exploité en France, différents facteurs pourraient réduire fortement la rentabilité des opérations. Citons notamment :
- une réglementation plus contraignante qu’aux États-Unis ;
- une fiscalité plus forte ;
- de nombreux investissements nécessaires pour s’adapter au réseau routier français et à une densité de population importante.
Les impacts environnementaux directs
Il s’agit des arguments les plus avancés par les opposants à l’exploitation du gaz de schiste en France : ses impacts négatifs sur l’environnement.
Une méthode d’extraction très consommatrice en eau
Le procédé de fracturation hydraulique implique l’utilisation d’eau dans des proportions gigantesques : selon un rapport du Sénat sur le gaz de schiste datant de 2013, entre 10 et 20 millions de litres d’eau en moyenne sont nécessaires pour chaque gisement.
Bien qu’une partie de cette eau soit recyclée (80 % tout au plus), on peut s’interroger sur la pertinence d’un tel procédé au regard de la raréfaction de cette ressource vitale pour notre planète.
Notons également qu’une consommation intensive peut générer des conflits avec les usagers de l’eau à proximité de l’exploitation, notamment les agriculteurs, en particulier dans les régions semi-arides ou souffrant régulièrement de sécheresse (Texas, par exemple). Dans certaines régions des États-Unis où le gaz de schiste est fortement exploité, la nappe phréatique a baissé d’une centaine de mètres en quelques années seulement.
La pollution de l’eau et des sols
Afin d’optimiser l’efficacité du processus de fracturation hydraulique, l’eau utilisée est additivée avec :
- des biocides : leur rôle est de diminuer la prolifération bactérienne susceptible d’impacter la qualité du gaz et de corroder et dégrader les équipements ;
- des détergents : ils permettent d’accroître la désorption (par opposition à l’absorption) du gaz et ainsi d’augmenter la productivité du puits ;
- du sable, dont les grains permettent d’éviter la fermeture des interstices créés par la fracturation hydraulique ;
- des lubrifiants, facilitant la pénétration du sable dans ceux-ci.
À chaque opération de fracturation hydraulique, 300 m³ d’eau contenant 30 tonnes de sable sont ainsi injectés dans le sous-sol.
Seule une partie de cette eau chargée en produits chimiques (80 % dans les meilleurs cas) est pompée et récupérée afin d’être traitée puis recyclée, le plus souvent, dans d’autres puits de forage. Une quantité non négligeable reste donc dans le sous-sol terrestre et contamine peu à peu les nappes phréatiques. S’y ajoutent des polluants utilisés lors du forage, ainsi que, parfois, des fuites de gaz de schiste le long des tubages, en raison d’un défaut de cimentation.
Le risque sanitaire pour les populations locales est donc réel.
Les importantes émissions de gaz à effet de serre
Bien que la combustion du gaz de schiste génère moins de CO2 que celle d’autres combustibles fossiles (tels que le charbon, par exemple), le bilan carbone global de cet hydrocarbure est très négatif si l’on prend en compte le risque de fuite de méthane dans l’air : ce gaz à effet de serre est, en effet, nettement plus nocif pour le climat que le CO2 (son potentiel de réchauffement climatique étant 20 à 70 fois supérieur !).
Or, ces fuites sont avérées : chaque forage laisse échapper inévitablement un peu de méthane (jusqu’à 8 % de gaz perdu dans la nature d’après Robert Howarth, professeur à l’université américaine de Cornell), même en fonctionnement normal, en raison de l’étanchéité imparfaite des gazoducs.
Compte tenu de ces fuites, toujours selon le chercheur, le gaz de schiste participerait deux fois plus à l’effet de serre que le charbon.
Par ailleurs, plusieurs études menées depuis 2015 ont démontré que cette pollution atmosphérique ne s’arrêtait pas au seul périmètre de proximité du gisement, mais pouvait affecter la qualité de l’air à grande distance.
Les risques sismiques
La technique de fracturation hydraulique crée des microfissures dans la roche, ce qui a pour effet de la fragiliser. Les opposants à l’exploitation du gaz de schiste dénoncent, notamment, le risque sismique important qu’elle génère.
Le lien entre extraction de gaz de schiste et résurgence de séismes d’intensité variable est évident, au regard de ce qui a pu être observé ces dernières années au Canada ou aux États-Unis. Parmi les nombreux exemples existants, celui de l’Oklahoma est particulièrement probant : dans cet État américain où l’on produit intensivement du gaz de schiste depuis une quinzaine d’années, le nombre de tremblements de terre de magnitude 3 ou plus a augmenté de façon spectaculaire, passant de 21 au total en 35 ans (sur la période 1973 à 2008) à 900 sur la seule année de 2015 !
Plus globalement, les phases d’exploration et d’extraction du gaz de schiste impactent de façon importante les sous-sols des territoires exploités :
- cimentation massive (les installations de surface devant reposer sur des sols entièrement bétonnés et reliés au réseau de transports routiers) ;
- risque d’affaissement des terrains ;
- etc.
Les impacts négatifs sur les paysages, la faune et la flore
Les régions dans lesquelles le gaz de schiste est massivement exploité voient leurs paysages fortement impactés : dégradation et cimentation des sols, perte de végétation, pollution visuelle…
Pendant la période de forage, l’emprise au sol de chaque puits vertical est d’un hectare environ (elle est réduite au tiers après la phase de forage).
Il faut bien noter que, pour être rentable, l’exploitation d’un gisement de gaz de schiste nécessite un maillage dense du réseau de puits verticaux (un puits tous les 500 à 4 000 mètres environ), qui doivent être reliés entre eux pour permettre la circulation des engins et véhicules. C’est pourquoi on peut parler de mitage du paysage (le mitage se définissant comme la construction d’édifices ou d’infrastructures dispersés dans un paysage naturel).
Les paysages alentour sont donc fortement modifiés : dégradation des terres, déforestation et, de façon plus générale, perturbation des écosystèmes. Cela n’est également pas sans conséquence pour la faune locale, les animaux étant contraints de modifier leurs comportements. Par exemple, il a été observé dans certaines régions que l’exploitation du gaz de schiste avait conduit au chamboulement des voies migratoires empruntées par les oiseaux.
Les impacts environnementaux indirects
L’exploitation des gisements de gaz de schiste impacte également l’environnement de façon indirecte :
- les producteurs de charbon américain, subissant de plein fouet la concurrence des producteurs de gaz de schiste, ont été contraints d’exporter leur production à l’international, ce qui a fait baisser le cours du charbon (y compris en France). Afin de réduire leurs coûts de fonctionnement, les industriels ont eu davantage recours à ce combustible devenu bon marché, mais particulièrement émetteur de gaz à effet de serre ;
- le développement du gaz de schiste peut être considéré comme un frein potentiel aux investissements dans la transition énergétique : pour les politiques comme pour les acteurs de la filière, le recours aux énergies renouvelables était, au fil des années, de plus en plus perçu comme un moyen de pallier la fin annoncée des ressources fossiles (en plus d’être un choix écologique). La manne financière que représente le gaz de schiste pourrait retarder le développement des énergies vertes (investissements dans la recherche, la construction d’infrastructures de production, etc.).
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