Power-to-Power ou comment stocker l’électricité renouvelable grâce à l’hydrogène ?
Les énergies renouvelables sont amenées à connaître un essor sans précédent dans les années à venir. La programmation pluriannuelle de l’énergie prévoit notamment une baisse de 35 % de la consommation primaire d’énergies fossiles par rapport à 2012 à horizon 2028. Elle fixe également l’objectif de 33 % d’énergies renouvelables dans le bouquet énergétique français d’ici 2030. Le développement des énergies renouvelables fait cependant face à une limite majeure : leur intermittence, corrélée à la difficulté à les stocker. Le stockage de l’électricité grâce à l’hydrogène, aussi appelé power-to-power, est l’une des pistes envisagées pour dépasser cette limite. Comment s’effectue-t-il ? À quel stade en est aujourd’hui cette technologie ? Quelles sont ses perspectives de développement ? On vous dit tout.
Stockage de l’électricité par l’hydrogène : de quoi parle-t-on ?
Utilisé dans de nombreux domaines, comme la pétrochimie, l’aérospatial ou les transports, l’hydrogène commence à intéresser de plus en plus les spécialistes du stockage de l’électricité. Son utilisation, via un double dispositif électrolyseur/pile à combustible, pourrait en effet apporter une réponse à l’intermittence des énergies solaires et éoliennes.
Les applications industrielles habituelles de l’hydrogène
L’hydrogène est un gaz qui offre de nombreuses applications industrielles. Très utilisé dans le secteur pétrolier ou chimique, il sert notamment de réactif pour faciliter la transformation de pétroles bruts en carburants ou en biocarburants. Il permet également de produire de l’ammoniac et du méthanol et peut-être utilisé dans l’industrie du verre, l’électronique ou la métallurgie.
Ce gaz très léger, dont la combustion ne dégage que de la vapeur d’eau, peut aussi être utilisé comme carburant. Un kilogramme d’hydrogène contient en effet 3 fois plus d’énergie qu’un kilogramme d’essence. C’est pourquoi ce gaz, associé sous forme liquide à de l’oxygène, est notamment utilisé pour arracher à la gravité terrestre les fusées européennes Ariane 5.
Dans les transports, l’hydrogène peut aussi être utilisé pour propulser des véhicules individuels, des engins de chantier, des véhicules de transports, des bateaux et peut-être un jour des avions. Il est alors utilisé comme vecteur d’énergie pour produire de l’électricité via une pile à combustible embarquée à bord. Le véhicule est ensuite propulsé par un moteur électrique.
L’hydrogène : une solution de stockage de l’électricité ?
Avec le développement de l’éolien et du solaire, l’utilisation de l’hydrogène pour stocker de l’électricité suscite de plus en plus d’intérêt. Ces sources d’énergies renouvelables présentent en effet un handicap majeur : elles ne produisent pas toujours de l’électricité quand on en a le plus besoin. Le recours à l’hydrogène pourrait permettre de différer l’utilisation de l’électricité produite par une éolienne ou un panneau en la stockant quelques heures ou plusieurs jours.
L’idée est simple et emploie des technologies déjà éprouvées. Dans un premier temps, on utilise le surplus de production électrique d’une éolienne ou d’un panneau solaire pour produire de l’hydrogène par électrolyse. Cet hydrogène est ensuite stocké à très basse température sous forme liquide. Dans un second temps, quand la demande en électricité surpasse les capacités de production, une pile à combustible permet de « convertir » l’hydrogène stocké en électricité.
Une réponse à la problématique du stockage de l’électricité d’origine renouvelable ?
Le stockage de l’énergie éolienne ou solaire grâce à l’hydrogène est l’une des innovations les plus prometteuses pour accélérer encore la transition énergétique. Elle permet en effet d’apporter une réponse aux principaux freins au développement des énergies renouvelables : leur intermittence et leur saisonnalité, ainsi que la difficulté à les stocker.
Le problème de l’intermittence des énergies renouvelables
La performance des actifs renouvelables, comme les éoliennes et les panneaux solaires, est aujourd’hui très variable et difficile à prévoir. Elle dépend en effet des conditions météorologiques. Une éolienne produira davantage d’électricité lors d’une journée venteuse. De la même manière, un panneau solaire photovoltaïque produira plus d’électricité pendant une journée très ensoleillée que pendant une journée où le temps est couvert. C’est pourquoi on considère les énergies éolienne et solaire comme des énergies intermittentes.
Les énergies renouvelables ont également une saisonnalité. À titre d’exemple, une centrale solaire en France produira en moyenne quatre fois plus d’électricité en août qu’en décembre.
Cette saisonnalité joue en défaveur du développement des énergies renouvelables. En moyenne, ces actifs produisent en effet plus d’électricité pendant les périodes où la demande globale en électricité est la plus faible. C’est par exemple en été que les centrales solaires fournissent le plus d’énergie. Il s’agit néanmoins de la saison où la consommation énergétique des bâtiments est la plus faible. En pratique, on associe donc souvent à un champ d’éolienne ou à un parc photovoltaïque une centrale thermique qui peut prendre le relais quand la production baisse.
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faire une simulationLes perspectives offertes par l’hydrogène
Sans solution de stockage, l’électricité produite par une éolienne ou un panneau solaire qui n’est pas immédiatement utilisée est définitivement perdue. La question du stockage d’électricité est donc un enjeu majeur pour le développement des énergies renouvelables et l’amélioration de leur rendement. Or, stocker de l’électricité n’est pas chose aisée. On ne peut pas la mettre simplement dans une citerne, comme avec n’importe quelle carburant, et l’utiliser quand on en a besoin.
Aujourd’hui, le mode de stockage le plus utilisé de l’électricité est l’usage de batteries lithium-ion (mais il commence à y avoir des innovations qui voient le jour comme les batteries à sable). Ces batteries permettent de stocker des quantités d’électricité faibles à moyennes, sur une durée allant de quelques heures à quelques jours. Elles ne permettent pas de stocker l’électricité à l’échelle de mois ou de saison. Si leur rendement est relativement élevé (de l’ordre de 70 à 80 %), leur coût et leurs capacités de stockage restreintes en volume et en durée en font une alternative limitée.
Le stockage d’électricité à l’aide d’hydrogène représente une alternative de premier choix. Il permet en effet stocker de l’électricité pendant plusieurs mois, et en quantité bien plus importante. D’après l’article « Stockage de l’électricité, où en est-on ? » paru sur Le Monde de l’Energie, il est ainsi possible de stocker jusqu’à 10 GWh grâce au Power-to-Power. Cela correspond à la consommation en électricité d’environ 100 000 habitants, pendant deux semaines.
IFP Energie Nouvelles (anciennement appelé l’Institut français du pétrole) va alors jusqu’à affirmer dans Tout savoir sur l’hydrogène que « le stockage d’énergie sous forme d’hydrogène permet de pallier l’intermittence des énergies renouvelables (éolien et solaire) en optimisant la capacité de production électrique ».
Comment s’effectue le stockage de l’électricité par hydrogène ?
Regardons maintenant comment il est possible de transformer l’électricité renouvelable en hydrogène, puis de retransformer l’hydrogène en électricité dans le but de la consommer.
Comment fabriquer de l’hydrogène à partir d’électricité ?
Aujourd’hui, la quasi-totalité de l’hydrogène est produite à partir d’énergies fossiles. Il peut notamment être issu du vaporeformage de gaz naturel ou de la gazéification du charbon de bois. Ce procédé très polluant et fortement émetteur de gaz à effet de serre représentait début 2023 près de la moitié des volumes produits.
Beaucoup moins polluant, on peut également produire de l’hydrogène à partir d’électricité et d’eau
grâce à un électrolyseur. On appelle ce procédé l’électrolyse de l’eau.
Pour comprendre comment ça fonctionne, revenons sur la composition d’une molécule d’eau : H2O. En décortiquant cette formule chimique, on constate qu’elle est constituée de deux atomes d’hydrogène et d’une molécule d’oxygène. En « cassant » cette molécule, on peut donc obtenir de l’hydrogène. C’est exactement ce qu’il se passe quand de l’électricité circule dans de l’eau.
Comment fabriquer de l’électricité à partir d’hydrogène ?
À l’inverse, il est possible de fabriquer de l’électricité à partir d’hydrogène grâce à une pile à combustible. Les piles à combustible sont également appelées piles à hydrogène.
Comme le rappelle le Commissariat à l’énergie atomique (CEA) dans Comment ça marche ? L’électrolyseur et la pile à combustible, la pile à combustible est un générateur d’électricité qui permet de convertir de l’énergie chimique en énergie électrique. Il existe différentes sortes de piles à combustible permettant de produire de l’électricité grâce à l’hydrogène.
La pile à combustible à membrane échangeuse de protons, dite PEMFC, est la plus courante. Elle comporte deux électrodes, l’anode et la cathode. On y trouve également une membrane. Le dihydrogène (H2) est introduit dans la pile au niveau de l’anode à l’état gazeux.
Une réaction chimique s’y produit et permet de rompre la molécule de dihydrogène. La rupture provoque un dégagement d’électrons et de protons. Cette réaction est appelée une oxydation. Bloqués par la membrane, les électrons rejoignent la cathode via un autre chemin.
Ce déplacement d’électrons crée un courant électrique. L’électricité stockée précédemment peut ainsi être restituée. Les protons traversent eux la membrane sans difficulté, puis retrouvent les électrons et l’oxygène au niveau de la cathode. Une molécule d’eau H2O est alors créée.
Stockage et transport de l’hydrogène : des problématiques au cœur du développement du Power-to-Power
Entre le moment où l’hydrogène est produit par électrolyse de l’eau et le moment où il est retransformé en électricité, il doit être stocké, ce qui n’est pas chose aisée. L’hydrogène doit notamment être transformé de façon à augmenter sa densité afin que son stockage occupe un volume raisonnable, soit :
- sous forme gazeuse, à haute pression ;
- sous forme liquide, à très basse température puisque la température de l’hydrogène liquide avoisine les -250 °C ;
- sous forme solide.
Il est notamment possible d’emmagasiner l’hydrogène dans des cavités salines souterraines. Cette méthode est au cœur du projet Stor’Hy, lancé par Storengy – une filiale d’Engie – en mai 2021 près de Nancy.
L’hydrogène doit également pouvoir être acheminé depuis son lieu de production jusqu’à son lieu d’utilisation. La fiche de l’Association française pour l’hydrogène et les piles à combustibles dédiée au transport d’hydrogène précise par quel moyens :
- par pipeline ;
- par transport routier ou ferroviaire ;
- par bateaux.
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Avantages et inconvénients du stockage de l’électricité par hydrogène
Plus durable que les batteries lithium-ion et moins gourmand en matière première, le stockage de l’électricité par hydrogène est souvent présenté comme une solution d’avenir. Il présente toutefois de nombreux inconvénients qui retardent son développement à grande échelle. Retrouvez ci-dessous la synthèse de ses principaux points positifs et négatifs.
Les principaux avantages du stockage de l’électricité par hydrogène
Une technologie « propre » : pour produire de l’hydrogène, un électrolyseur n’a besoin que d’eau et d’électricité. De même, la pile à combustible qui permet de convertir à nouveau l’hydrogène en électricité n’émet que de l’eau. Si au départ l’électricité utilisée pour produire de l’hydrogène est d’origine renouvelable, cette solution présente un bilan carbone très faible.
Un stockage sans limite de temps : une fois convertie en hydrogène, l’énergie électrique peut être conservée sans limite de temps, ce qui n’est pas le cas de la plupart des autres systèmes de stockage de l’électricité. Une batterie lithium-ion, par exemple, nécessite d’être chargée et déchargée régulièrement et dans un laps de temps assez court pour préserver sa durée de vie.
Des matières premières abondamment disponibles : la fabrication des différents appareils permettant de convertir de l’électricité en hydrogène, de stocker ce gaz puis de le restituer sous forme d’électricité nécessite peu de matières premières rares ou coûteuses. On ne peut pas en dire autant des batteries lithium-ion, dont la fabrication requiert l’utilisation des métaux rares.
Les principaux inconvénients du stockage de l’électricité par hydrogène
Un système assez complexe : stocker de l’électricité par hydrogène nécessite d’associer et de faire fonctionner ensemble un électrolyseur, un système de stockage de l’hydrogène sous forme liquide ou solide (à très basse température) et une pile à combustible pour pouvoir restituer l’électricité à la demande. Cela demande de la place et un certain savoir-faire.
Le difficile stockage de l’hydrogène : s’il n’est ni polluant, ni toxique pour l’homme et l’environnement, l’hydrogène est en revanche un gaz fortement inflammable. La moindre étincelle peut provoquer une puissante déflagration, même avec de faibles quantités de gaz. Stocker l’hydrogène en toute sécurité nécessite donc une installation adaptée et bien entretenue.
Un rendement faible : l’électrolyse ne permet de stocker sous forme d’hydrogène que 70% de l’électricité utilisée. À la sortie du système, la pile à combustible ne convertit quant à elle que 50% de l’énergie stockée sous forme d’hydrogène. Au final, à peine 25% de l’électricité apportée au départ est restitué, un chiffre très faible comparé au rendement d’une batterie lithium-ion.
Le coût élevé du kWh d’électricité restitué : Compte tenu des moyens à mettre en oeuvre pour produire de l’hydrogène par électrolyse, puis pour le stocker dans des réservoirs lourds et encombrants et du faible rendement de l’ensemble procédé, le coût du kWh d’électricité restitué est au total près de 10 fois plus élevé qu’un kWh produit par un réacteur nucléaire par exemple.
Stockage de l’électricité par hydrogène : quelles perspectives de développement ?
Malgré ses limites, le stockage d’électricité grâce à l’hydrogène semble avoir de beaux jours devant lui. Le développement de la filière hydrogène bénéficie en effet de nombreux appuis en France et dans l’Union européenne. Toutefois, cette technologie relativement coûteuse et complexe à mettre en œuvre demeure encore assez peu utilisée.
Un soutien affiché à l’échelle française et européenne
À l’échelle française, un plan hydrogène a été lancé en juin 2018 à l’initiative de Nicolas Hulot avec un objectif clair : 10 % de l’hydrogène devait être d’origine renouvelable à horizon 2023. Toutefois, l’enveloppe dédiée à l’époque à ce plan, trop modeste (100 millions d’euros), n’a pas pu permettre d’atteindre les volumes initialement espérés par la Ministère de la transition écologique.
Pour redonner un coup d’accélérateur à la filière hydrogène, le Gouvernement a prévu d’allouer 9 milliards d’euros au secteur via le plan France Relance 2030 dévoilé en octobre 2021 par Emmanuel Macron. Ces investissements importants prévoient notamment le développement de l’électrolyse qui doit permette de produire une part de plus en plus importante d’hydrogène vert.
À l’échelle européenne, la Commission européenne a communiqué en 2020 un certain nombre d’objectifs clairs relatifs au développement de la filière hydrogène. Ces objectifs sont les suivants :
- la création d’une infrastructure d’électrolyse de 6 GW au minimum. L’ambition est de produire jusqu’à 1 million de tonnes d’hydrogène vert entre 2020 et 2024 ;
- accroître la capacité des électrolyseurs et la porter à 40 GWh. L’objectif est encore une fois chiffré : produire au moins dix millions de tonnes d’hydrogène vert au sein de l’Union européenne entre 2025 et 2030.
Quels sont les freins au développement du power-to-power par l’hydrogène ?
L’essor du stockage d’électricité par l’hydrogène est aujourd’hui entravé par son coût, son faible rendement et la difficulté à transporter et à emmagasiner ce gaz.
L’hydrogène produit par hydrolyse est cher. Cette technique ne pourra se déployer qu’à condition de réduire les coûts sur l’ensemble de la chaîne de valeur, à commencer par le coût de production de l’électricité renouvelable (solaire, éolien) mais également par celui des électrolyseurs ou des piles à combustible. Pour ces dernières, leur coût élevé s’explique notamment par la rareté des métaux utilisés, comme le platine. La maintenance d’un électrolyseur est également très onéreuse.
L’efficacité énergétique du power-to-hydrogen est également limitée avec un rendement au mieux de 70%. À titre de comparaison, le rendement de la charge des batteries lithium-ion est proche de 100 %.
Le manque d’infrastructures de transport de gaz sur le territoire français nuit également au développement du stockage d’électricité par production d’hydrogène. Pour pouvoir être transporté, l’hydrogène doit en effet être soumis à haute pression ou compressé pour passer à l’état liquide. Il peut également être stocké sous forme solide. Ces processus de transformation sont coûteux et énergivores. Ils diminuent donc à la fois le rendement financier et le rendement énergétique de l’hydrogène.
Accélérer la transition énergétique et le développement des énergies renouvelables grâce aux offres d’électricité verte
Il existe aujourd’hui des systèmes combinés électrolyseur/pile à combustible qui permettent aux particuliers équipés de panneaux solaires de stocker leur surplus de production. La start-up australienne Lavo, notamment, propose une batterie à hydrogène « domestique ». Toutefois, cette technologie est encore très coûteuse et n’égale pas le rendement des batteries lithium-ion.
En attendant que les technologies de stockage de l’électricité se développent et rendent plus intéressant le recours à l’autoconsommation photovoltaïque, il est possible dès aujourd’hui de participer à votre niveau à la transition énergétique. En souscrivant une offre d’électricité verte, vous pouvez par exemple réduire l’empreinte carbone de vos consommations d’électricité.
Ces offres vous assurent qu’un certain pourcentage de votre consommation (variant de 5 à 100 % selon les fournisseurs) sera réinjecté sur le réseau de distribution sous forme d’électricité verte. Cette dernière est issue d’énergies renouvelables comme l’énergie éolienne, l’énergie solaire ou encore la géothermie. Sa production est donc bien moins polluante que celle de l’électricité fossile.
À titre d’exemple, le contenu en carbone d’un kWh d’électricité produite grâce au charbon est de 1 060 grammes (Base Carbone de l’ADEME). Il n’est que de 6 grammes pour un kWh d’électricité issu de l’énergie hydraulique.
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