Quel succès pour le plan de déploiement du Très Haut Débit ?
Avec 13,3 milliards investis par les autorités publiques depuis 2013, le plan France très haut débit (PFTHD) s’est révélé particulièrement efficace dans l’approvisionnement des Français en accès ultrarapide à Internet. Explications d’un succès à la française par la rédaction de Choisir.com.

Le plan de déploiement du très haut débit
Dès les années 1980, l’État cherche à équiper les foyers français d’une connexion Internet la plus rapide qui soit. Toutefois, ses premières initiatives dans le domaine restent un échec. Le plan câble cherchait notamment à poser 10 millions de prises sur le territoire français pour un montant atteignant 30 milliards de francs, soit environ 4,5 milliards d’euros. Ses dernières, peu utilisées et rapidement dépassées par l’arrivée de la technologie de l’ADSL, on relégué cet investissement à la case d’un échec majeur.
Face à son retard technologique au regard de ses voisins européens en termes de connexions très haut débit, l’Etat français souhaite améliorer la qualité de son réseau. Grâce au déploiement de la fibre optique, le plan France très haut débit (PFTHD) a permis de passer de 17% à 51% d’abonnements Internet fixes à très haut débit. Ce plan a ainsi amélioré la qualité de la connexion à Internet de dizaines de millions de foyers en multipliant par 5 le nombre de locaux éligibles à la fibre de bout en bout entre 2016 et 2021. Parallèlement, des connexions offrant une moindre qualité de connexion comme celles dotées d’une terminaison en câble coaxial ont attiré moins d’abonnés. Avec la crise sanitaire, la demande de raccordement à la fibre a augmenté, en lien avec le développement du télétravail et du besoin de bénéficier d’une connexion efficace.
Quelle réussite ?
Après ces années de plan Très Haut Débit et après être revenu sur les origines de ce plan à grande échelle, il s’agit maintenant d’évaluer ce que France Stratégie qualifie de “succès”.
Une gestion efficace des investissements publics couplée à une couverture réseau optimale
Le plan a permis d’améliorer de manière exponentielle la couverture du territoire en matière d’accès à internet. Du 26ème rang européen, la France a atteint la 12ème place et la 1ère en ce qui concerne la fibre optique.
Le plan haut débit mené par l’Etat a réussi à mener à bien ses objectifs sans dépasser l’enveloppe initiale de 13,3 milliards d’euros. Les financements vinrent pour les trois-quarts des collectivités territoriales. Le reste du solde étant partagé entre l’Etat et l’Union européenne.
Un impact positif sur les investissements des opérateurs télécoms
A partir de la fin de l’année 2021, 99% des ménages et entreprises sur le territoire français avaient la possibilité d’accéder à un réseau de très haut débit. Le plan prévoit même une généralisation de la fibre optique possible aux alentours de 2025. Selon les données récentes de l’Arcep 33,1 millions de locaux étaient déjà éligibles à une offre comprenant la fibre optique à la fin de l’été 2022, soit 77% du territoire. Cette réussite a envoyé un signal positif aux opérateurs télécoms privés qui ont accru en conséquence leurs investissements, notamment dans les zones dites d’initiative publique. 10 milliards se sont ainsi ajoutés aux 13 milliards du PFTHD, mobilisant au total environ 36 milliards d’euros.
Concernant les conséquences à long-terme sur l’attractivité de l’économie française, il est encore difficile d’évaluer les effets positifs d’un tel plan. Néanmoins, de récents travaux de recherche ont démontré la corrélation positive entre très haut débit [THD] et dynamisme économique des territoires. Selon leurs résultats, certaines zones pourraient bénéficier d’une hausse de la valeur ajoutée du secteur marchand de 18% après cinq ans. Une hausse des effectifs couplée à l’arrivée d’une population plus jeune et d’une hausse du nombre de transactions immobilières pourraient être des effets positifs de cette meilleure connexion à Internet
Une qualité du réseau encore insatisfaisante
Si les infrastructures de réseau se sont bel et bien développées, l’appropriation de cette nouvelle technologie par les utilisateurs des territoires reste à améliorer. De nombreuses entreprises, particulièrement les TPE, ne bénéficient pas encore d’une connexion à la fibre. Seulement 55% des entreprises sur le territoire y seraient connectées. L’enjeu reste d’accélérer la transition de ces entreprises.
Par ailleurs, la qualité du réseau n’est pas encore parfaite dans toutes les zones. Beaucoup d’abonnés ont fait part de leurs connexions pouvant s’interrompre inopinément, de points de mutualisation dégradés, de pannes de longue durée… A noter que 20% à 30% des nouveaux raccordements n’aboutissent pas, que ce soit pour des problèmes liés à la prise de rendez-vous ou pour des soucis techniques liés à la fibre optique elle-même. Par dépit, certains sont mêmes revenus à l’ADSL. Selon l’Arcep, certaines difficultés pourraient venir d’un recours massif à la sous-traitance. Certains points de mutualisation du réseau ont pu être détériorés par les interventions successives de sociétés agissant pour différents opérateurs. L’entreprise XP Fibre, filiale d’Altice, a notamment été pointée du doigt par l’Arcep. Elle est en charge de déployer des réseaux fibres sur lesquels des opérateurs tel que SFR peuvent raccorder leurs abonnés.
Il est également nécessaire de penser l’évolution de la technologie de la fibre optique sur le long-terme. Concernant le réseau cuivre, utilisé pour les anciennes lignes téléphoniques et les connexions ADSL, il est primordial d’avoir réussi à faire passer la totalité des abonnés du territoire à la fibre optique avant de pouvoir envisager la fermeture du réseau. Or, Orange a déjà précisé que ce chantier serait particulièrement coûteux, difficile et prendrait environ une décennie.
Certains opérateurs de télécoms et investisseurs appellent à l’élaboration d’un plan de résilience afin de se préparer en amont à ces nouveaux enjeux, notamment aux risques climatiques pouvant impacter le réseau de fibre optique.
Des inégalités régionales de débit
Le déploiement de la fibre optique s’est réalisé avec plus ou moins de difficultés selon la densité de population des départements. Paris et sa banlieue proche bénéficient d’une couverture à plus de 80%. En effet, les opérateurs ont tendance à plus investir dans les zones urbaines où leurs recettes sont plus élevées et amortissent leurs coûts de déploiement. En revanche, certains départements présentent plus de difficultés, notamment en cas de raccordements complexes lorsqu’il s’agit de poser des câbles sur de longues distances. C’est le cas de Brive qui fait face à des retards conséquents en termes de raccordement à la fibre optique. Confié à Orange dès 2010, le chantier corrézien aurait dû se terminer en 2020. Pourtant, 12% des foyers restent sans accès à cette technologie. La collectivité locale a ainsi engagé une procédure contre l’opérateur télécom et cherche dorénavant à récupérer ce chantier. Selon le maire de Brive, d’autres collectivités pourraient être incitées à engager des démarches similaires contre Orange. Plus globalement, on note que la plupart des départements ruraux ne sont couverts qu’à moins de 50%.