Chaudière CSR à Marseille : Arkema renonce à son projet contesté
Il y a quelques mois, le groupe chimique français Arkema annonçait sa volonté de bâtir une chaudière CSR dans son usine de Marseille. Cette possible nouvelle chaufferie, alimentée par l’incinération de déchets, a toutefois fait l’objet d’une forte opposition des riverains, dénonçant un projet dangereux et polluant. Ces derniers peuvent se réjouir, car l’entreprise vient en effet d’officialiser son abandon.
La chaudière CSR d’Arkema, fonctionnant avec des déchets, ne verra pas le jour à Marseille
Il s’agissait, d’après la société Arkema, d’un nouvel incinérateur se voulant « vertueux » à l’est de Marseille. La construction de ce dernier était prévue à Saint-Menet, dans le 11e arrondissement de la cité phocéenne, dans son usine classée Seveso à hauts risques.
Depuis le lancement de ce projet, en septembre 2023, l’entreprise fait face à une opposition tenace de la part d’un collectif de riverains nommé « Marseille sans CSR ». Des mois de polémiques s’en sont suivis, trouvant un terme par l’annonce de la fin du projet fait par Arkema aux élus.
Myriam Janin est la porte-parole de « Marseille sans CSR ». Pour elle, « c’est une victoire ». Et ce « quelles que soient les raisons » ayant finalement amené l’entreprise chimique à renoncer.
Cette chaudière CSR, pour « combustible solide de récupération », devait être alimentée par l’incinération de déchets. C’est un aménagement de ce type qui est également en cours sur l’île de la Réunion, avec un but : que les déchets produisent de l’électricité. Il y avait le même objectif à Marseille, afin d’éviter d’utiliser du gaz pour générer de l’électricité.
Sur le territoire ultramarin français, ce projet a été vu par tous comme un pas majeur œuvrant en faveur de la transition écologique. Il n’en a pas été de la même manière dans la deuxième ville de France. Preuve en est, l’opposition acharnée de ce collectif rassemblant des habitants de la Millière et de Saint-Menet.
Créé en novembre 2023, son refus de voir cette nouvelle chaudière s’installer était motivé par la crainte de possibles risques sanitaires. Une pétition en ligne dénonçant le rejet dans l’air de fumées polluantes et nocives pour la santé a récolté plus de 2 000 signatures. En ayant pour but d’incinérer des « dérivés de bois, cartons et tissus souillés, divers plastiques, voire certains pneus », ce projet était « antiécologique » pour « Marseille sans CSR ». Le collectif avançait plusieurs arguments pour justifier sa position, comme le fait que :
- les fumées produites pollueraient beaucoup plus que le gaz, avec une grande difficulté pour filtrer ces fumées. Auraient par exemple été rejetés dans l’atmosphère du monoxyde de carbone, d’azote, du dioxyde de soufre ou encore de l’acide chlorhydrique. Ainsi, pour les riverains, « la combustion de ces CSR contribue tout autant au réchauffement climatique » ;
- un quartier résidentiel et plusieurs équipements publics jouxtent le site industriel. Des habitations se situent à 25 mètres, des crèches et des écoles à moins de 400 mètres ;
- cela se ferait « au détriment des filières de recyclage et de développement d’autres énergies renouvelables » ;
- le plan de prévention des risques technologiques (PPRT) imposé par la présence de l’usine d’Arkema empêche « toutes nouvelles constructions dans un périmètre de 450 mètres » autour du site. Il aurait été donc injuste que l’entreprise française soit exemptée de cette obligation.
Êtes-vous sûr de ne pas payer votre énergie trop cher ?
faire une simulationFace à l’opposition de riverains et d’élus, Arkema renonce… en évoquant d’autres raisons
Du côté d’Arkema, on soutenait que ce projet permettrait de réduire l’empreinte carbone du groupe. Des efforts provenant de chaque acteur économique sont en effet essentiels pour atteindre l’objectif français et européen de neutralité carbone d’ici 2050.
Prévue d’ici 2028, sous-traitée auprès de la filiale d’EDF Dalkia, la chaudière CSR devait :
- produire 140 000 mégawattheures (MWh) de vapeur chaque année ;
- faire diminuer la consommation de gaz naturel de l’usine d’approximativement 170 000 MWh par an.
L’entreprise rappelle que son but « était vraiment de permettre de réduire les émissions de CO2 du site ». De ce fait, elle soutient que les craintes et les arguments exprimés par le collectif ne forment pas « un élément qui a été pris en compte » dans sa décision.
En effet, aucune raison d’ordre environnemental ou liée à l’opposition locale n’a été invoquée pour expliquer l’abandon du projet. Selon Arkema, ce sont au contraire des considérations « purement technico-économiques » qui ont fait pencher la balance. « Le montant des investissements dédiés a fortement augmenté ». La faute à l’inflation qui aurait modifié « l’équilibre économique » du projet. À son lancement, l’enveloppe nécessaire pour un tel chantier était estimée à 40 millions d’euros, répartis entre Arkema et Dalkia sur vingt ans. Il a toutefois été réévalué à 60 millions d’euros dernièrement. En cause, d’après Philippe Gomez, directeur de l’usine, « la hausse du coût des matières premières, notamment l’électronique et le métal ».
Voilà donc la raison officielle expliquant l’enterrement de cette chaudière CSR de Saint-Menet. Chez le collectif de riverains règnent la joie… mais aussi l’incrédulité. Myriam Janin n’est que difficilement convaincue par les arguments proposés par Arkema. « C’est surprenant quand même après deux ans de réflexion », souligne-t-elle. De plus, « Marseille sans CSR » avait également une réunion prévue avec le préfet le jour même de l’annonce, finalement annulée à la dernière minute. « Je pensais qu’il avait annulé parce qu’il avait pris sa décision » d’autoriser la chaufferie CSR, confesse-t-elle.
Pour les habitants de ce côté des faubourgs de Marseille, c’est également un sentiment de délivrance qui prédomine. Une résidente vivant à quelques pas de l’usine explique qu’« Arkema, ce n’est pas rien ». Elle pointe du doigt la forte pollution dont est déjà responsable le site industriel actuel. « Vous savez qu’on est l’arrondissement où il y a le plus de cancers à Marseille ! Nous sommes quatre dans la famille, on a eu trois cancers ». Alors, pour elle, « c’est un grand soulagement ».
La forte mobilisation des riverains est assurément l’un des motifs de fierté de la porte-parole de « Marseille sans CSR ». Le travail de chacun a même permis de rallier à leur cause plusieurs élus marseillais. Ce fut le cas de Sébastien Barles, adjoint au maire chargé de la Transition écologique, qui s’est officiellement positionné contre ce projet. Ce dernier voit dans ce dénouement positif le résultat d’« une mobilisation collective d’abord des collectifs et des éluEs dans une démarche transpartisane ».
Hervé Menchon est adjoint en charge de la préservation des espaces marins à Marseille. Pour lui, « le bon déchet est celui que l’on ne produit pas, pas celui que l’on brûle ». Ainsi, à ses yeux, ce renoncement d’Arkema est une « victoire pour les opposants à l’incinérateur [et] pour Marseille ». Du côté d’un autre élu, Yannick Ohanessian, c’est « enfin une excellente nouvelle ». Quant au maire de secteur, Sylvain Souvestre, il s’est également félicité de la décision d’Arkema. Son souhait est que puissent désormais naître « d’autres projets bénéfiques et vertueux sur l’amélioration de la santé et de l’environnement ».
Vous aussi vous souhaitez que la transition énergétique devienne réalité le plus rapidement possible ? Des contrats verts et renouvelables, proposés par de multiples fournisseurs, vous permettent d’agir concrètement dans ce but. Prenez le temps de consulter leurs caractéristiques grâce au Comparateur Énergie de Choisir.com.
Envie de passer à l'énergie verte ?
Nos experts énergie vous aident à économiser jusqu’à 200 € sur votre facture gaz et électricité