À la Réunion, des déchets pour produire de l’électricité

Traitement des déchets et production d’électricité. Voilà deux thématiques a priori différentes qui pourtant se croisent à la Réunion, pour un projet favorisant la transition énergétique. Début avril, c’est la construction d’une nouvelle chaudière qui a été lancée dans le nord-est de l’île. Son objectif : transformer les déchets produits en électricité, ce qui permettra de diminuer l’enfouissement de ces derniers.

déchets entassés

Réunion : une future unité de valorisation énergétique pour transformer les déchets insulaires en électricité

Le 10 avril dernier à Saint-André, sur l’île de la Réunion, un pas important vers la transition écologique de cette collectivité française d’outre-mer a été réalisé. Le producteur d’énergies renouvelables Albioma a posé la première pierre d’une future chaudière bien particulière. Il s’agira exactement d’une unité de valorisation énergétique (UVE) dont l’intérêt sera de :

  • transformer les déchets en énergie ;
  • réduire de 50 %, par cette action, l’enfouissement de ceux-ci dans le nord-est du territoire réunionnais.

Le traitement des déchets est en effet une véritable problématique sur cet espace de la France ultramarine. Faute de place et d’autres solutions, c’est par l’enfouissement que les quelque 600 000 tonnes de déchets par an de l’île sont traitées. La construction de cette UVE, appelée aussi chaudière CSR (pour combustible solide de récupération), représente donc une réelle avancée d’un point de vue écologique et énergétique.

Un événement majeur auquel de nombreux représentants et élus ont assisté, comme Frédéric Moyne, le président national du groupe Albioma. L’entreprise est localisée à la Réunion depuis plus de 30 ans, avec notamment deux grandes centrales thermiques exploitées. Était également présente Emmanuelle Wargon, la présidente de la CRE, la Commission de régulation de l’énergie.

En réalité, ce projet avait été initié dès 2017 par le Syndicat mixte de traitement des déchets du Nord et de l’Est (SYDNE). Toutefois, jusqu’en avril 2024, le chemin avait été plutôt long et mouvementé. Quelques mois après son lancement, le début de la construction du centre de valorisation multi-filières (CVMF) avait pourtant bel et bien eu lieu à Sainte-Suzanne. Son but :

  • permettre la réduction des déchets enfouis dans le nord-est de l’île, estimés à 140 000 tonnes par an ;
  • en valoriser plus de 70 % :
    • pour 20 % par la valorisation organique, avec le compostage des végétaux et les biodéchets,
    • pour 50 %, par la production de CSR, provenant du compactage des déchets. Ce combustible est doté d’un pouvoir calorifique véritablement important.

Le souci, c’est que sept ans après le lancement du projet, les deux autres infrastructures qui doivent permettre à ce système tripartite de fonctionner n’existent toujours pas, à savoir :

  • l’UVE d’Albioma, qui doit brûler le CSR pour générer de l’électricité. Jusque-là, ce combustible est bien produit au CVMF mais automatiquement enfoui sous terre, faute d’autre possibilité ;
  • l’ISDU, installation de stockage des déchets ultimes, destinée à accueillir les déchets non valorisés au bout de la chaîne.

Voilà pourquoi c’est une avancée essentielle qui a eu lieu début avril à Saint-André pour la concrétisation de ce programme vert.

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Mise en service courant 2026 pour la chaudière CSR, pour un investissement de 150 millions d’euros

Comment expliquer le retard pris dans ce projet réunionnais ? Évidemment, la crise du Covid a eu un impact évident. Des problèmes et démêlés administratifs et judiciaires l’ont également considérablement ralenti, ces derniers ne trouvant une solution qu’en 2022.

Albioma a donc finalement pu accélérer son action tandis que le centre d’enfouissement local sera saturé en 2028. 90 % de l’investissement prévu sera versé par le groupe, pour 10 % à la charge de l’État et une somme totale conséquente de 150 millions d’euros. L’UVE de Saint-André doit entrer en service d’ici 2026, alors que l’emplacement du futur ISDU devrait être connu vers mi-août 2024.

Des mots d’Emmanuelle Wargon, ce projet de production d’électricité décarbonée doit être « un vrai motif de fierté pour les Réunionnais ». Effectivement, le maire de la commune, Joé Bédier, s’est dit « fier ». Pour lui, cette future installation aura deux avantages :

  • « permettre de produire de l’électricité sur notre territoire » ;
  • « consolider notre modèle énergétique local ».

La volonté de ce dernier est également de développer la « pédagogie » à destination du grand public. Son but : faire comprendre le fonctionnement de la chaudière CSR comme la stratégie de traitement des déchets locale, mais aussi inciter à en produire moins.

Du côté du président du SYDNE, Daniel Alamélou, il s’agit d’« un nouveau départ pour la transition écologique ». Emmanuelle Wargon en a aussi profité pour souligner que la CRE est « peut-être le plus important partenaire de la Réunion pour lui permettre d’accomplir sa transition énergétique ». L’occasion pour elle d’expliciter un peu plus en détail comment fonctionne le marché ainsi que la spécificité réunionnaise. « Le coût de production de l’électricité, ici comme dans tous les outre-mer, est plus élevé qu’en métropole ». Cela s’explique par la situation géographique même de ces espaces, puisque ce sont « des systèmes insulaires avec énormément de contraintes ». Par contre « les tarifs réglementés de vente de l’électricité (TRVE) sont nationaux » et les mêmes « sur la totalité du territoire français ».

Cela implique que 700 millions d’euros par an du budget de l’État sont utilisés pour financer le système électrique réunionnais, afin de garantir cette égalité des prix. Emmanuelle Wargon y voit là une preuve de « la solidarité nationale » dont la CRE est le garant dans toutes les régions françaises, Réunion y compris.

Dans ce cadre, elle a aussi précisé que c’était le régulateur qui avait donné son accord sur le projet et l’investissement d’Albioma. Voilà pourquoi sa présidente juge que « in fine, cet investissement est bien payé par la solidarité nationale ».

Dernièrement, l’entreprise énergétique a déjà investi 130 millions d’euros à la Réunion pour réaliser la conversion du charbon à la biomasse, grâce aux pellets. Ainsi, la production de CSR doit aussi permettre de diminuer de 13 % la part des pellets importés, en plus de brûler environ 50 % des déchets du secteur. Toutefois, pour Pascal Langeron, directeur d’Albioma Océan Indien, l’UVE « n’est pas un incinérateur » car il ne s’occupera « pas des ordures ménagères brutes ». La future chaudière CSR sera équipée de systèmes de gestion des cendres et des fumées spécifiques. Elle produira de l’électricité grâce à la vapeur issue du combustible des déchets.

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