Nucléaire : vers la fin de la transition énergétique en France ?
C’est un changement de cap majeur dans la politique énergétique française. Depuis le 17 janvier 2023, le Sénat procède à l’examen en première lecture d’un nouveau projet de loi déposé par le gouvernement. Ce texte a pour but d’accélérer la construction de nouveaux réacteurs nucléaires de nouvelle génération dans le pays. Cette lecture fait également suite à un amendement déposé par ce même gouvernement. Amendement qui devrait, si la loi est adoptée en l’état, porter un coup fatal à la loi de transition énergétique de 2015. Celle-ci devait en effet permettre la réduction de la part du nucléaire dans la production d’électricité nationale. Choisir.com revient sur ce revirement de l’exécutif qui n’est pas sans poser question.
Un projet de loi pour « simplifier » les mesures administratives dans le développement du nucléaire ?
C’est donc le 17 janvier 2023 dernier que la première lecture de l’examen d’un nouveau projet de loi a débuté au Sénat. Il s’agit d’un projet de loi relatif à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires. Ce texte vise à accélérer la construction de six EPR2 ainsi que de petits réacteurs modulaires.
Un EPR2 est en réalité la nouvelle génération de réacteur nucléaire, beaucoup plus puissant que les anciens. Cependant, si ce projet prévoit la construction de nouveaux réacteurs, cela ne concernerait que des sites nucléaires existants. Les deux premiers EPR2 devraient d’ailleurs voir le jour à Penly, en Normandie.
Ce nouvel examen intervient quelques jours après l’adoption, le 11 janvier dernier par l’Assemblée nationale, du projet de loi sur les énergies renouvelables. Le gouvernement a assuré que le but de son texte :
- est de permettre une « simplification » des mesures administratives, extrêmement longues, pour que ce type de projet aboutisse ;
- n’est pas de procéder à une « programmation » de la part du nucléaire dans le futur bouquet énergétique français.
L’objectif du gouvernement serait donc uniquement de pouvoir accélérer les procédures administratives afin de gagner deux à trois ans sur la construction de futurs EPR2. Élaboré par Agnès Pannier-Runacher, ministre de la Transition énergétique, ce projet est un « texte horriblement technique », de l’aveu même de cette dernière.
Le souhait de l’exécutif, une fois cette loi appliquée, serait de pouvoir mettre en service le premier de ces nouveaux réacteurs à l’horizon 2035-2037, soit dans plus de dix ans malgré tout. La date de mi-2027 a même été annoncée pour le début des travaux, soit avant la fin du quinquennat d’Emmanuel Macron. Toutefois, Agnès Pannier-Runacher a reconnu que cette échéance arriverait « plus sûrement fin 2027 qu’au milieu. »
Dans tous les cas, ce texte est-il réellement purement technique et vise-t-il seulement à accélérer les démarches administratives ? Plusieurs éléments peuvent permettre d’en douter.
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faire une simulationUn amendement qui renonce à l’objectif de réduction de la part du nucléaire dans la production d’électricité
En effet, suivant l’avis de la Commission des affaires économiques du Sénat, délivré le 11 janvier, le gouvernement a déposé un amendement à ce projet de loi le 16 janvier. Ce dernier vise tout simplement à supprimer l’objectif de réduction à 50 % de la part du nucléaire dans la production d’électricité nationale. Fixée par la loi de transition énergétique adoptée en 2015, il s’agissait d’une mesure phare du quinquennat de François Hollande.
Il est d’ailleurs frappant de se rendre compte à quel point l’exécutif n’a cessé, depuis plusieurs années, de repousser cet objectif pour y renoncer finalement totalement aujourd’hui :
- en 2015, l’échéance pour atteindre cet objectif de réduction à 50 % était fixée à l’horizon 2025 ;
- en 2019, et alors que le candidat Emmanuel Macron avait promis de « garder le cadre » de cette loi pendant la campagne présidentielle, cela avait été reporté à 2035 ;
- aujourd’hui, cet amendement a pour finalité de totalement supprimer la réduction chiffrée du nucléaire dans la part de la production d’électricité (actuellement estimée à plus de 75 %).
En l’état, l’amendement ne mentionne donc plus d’objectif chiffré mais appelle vaguement à « diversifier le mix électrique en visant à un meilleur équilibre entre le nucléaire et les énergies renouvelables. » Dans les faits, si ce projet de loi est adopté en l’état, il apporterait sans doute un coup de grâce à la volonté de transition énergétique qui avait été actée en 2015.
Un revirement total qui n’est pas sans poser question
La suppression de cet objectif de réduction du nucléaire a été motivée par la Commission des affaires économiques du Sénat par la volonté de donner au texte une « vision politique ». Il est vrai aussi que ce projet de loi peut encore être amené à évoluer. Après le Sénat, il devra effectivement être examiné puis adopté par les députés de l’Assemblée nationale.
Il n’en demeure pas moins que plusieurs éléments et décisions de la Commission des affaires économiques, auxquelles ne s’est pas opposé le gouvernement, interrogent :
- l’amendement qui a suivi ne se contente en effet pas de supprimer l’objectif de réduction de production nucléaire. Au contraire, dans le texte a été intégré la volonté de « maintenir la part du nucléaire dans la production électrique à plus de 50 % à l’horizon 2050 » ;
- le plafond de 63,2 GW de capacité nucléaire installée, prévue par la loi de 2015, a également été supprimé. Cela implique que, dans cet objectif de construction de nouveaux EPR, la fermeture d’autres réacteurs pour respecter ce plafond n’est plus nécessaire ;
- enfin, le Sénat a également avancé la volonté de construire « 14 réacteurs pressurisés européens ». La loi de 2015 supposait, a contrario, la fermeture de 12 réacteurs sur les 56 présents dans les centrales nucléaires françaises.
Tout cela montre bien que l’objectif n’est pas seulement de « simplifier des mesures purement administratives ». Le but est plutôt de modifier en profondeur la politique énergétique française en renforçant la place du nucléaire dans le pays.
Une démarche qui pose question tout comme le timing de l’exécutif. En effet, un débat public sur la place du nucléaire en France est encore en cours. Celui-ci est organisé par la Commission nationale du débat public (CNDP), saisie mutuellement par EDF et RTE. Il ne devrait prendre fin qu’en février 2023. Pourtant, cela n’empêche donc pas le gouvernement de vouloir accélérer et faire voter cette loi sans même attendre la fin de cette démarche démocratique.
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