L’énergie marémotrice

Actuellement, des projets d’usines marémotrices sont en développement dans de nombreux pays pour diminuer l’impact environnemental des activités humaines, et ainsi effectuer une transition vers des énergies renouvelables peu polluantes. Cette énergie hydraulique a un potentiel intéressant, mais présente aussi des contraintes non-négligeables.

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Qu’est-ce que l’énergie marémotrice ?

Parmi les méthodes de production d’électricité utilisant la puissance de la mer, l’énergie marémotrice est la plus connue et celle qui fait le plus parler d’elle.

Comme son nom le sous-entend, cette énergie exploite le phénomène des marées. Celui-ci est dû à l’action combinée des forces gravitationnelles de la Lune et du Soleil : ces deux corps exercent une attraction très puissante sur la Terre et tout ce qui se trouve à sa surface. Ces forces sont suffisamment puissantes pour déplacer de grandes étendues d’eau qui, en un point fixe, semblent « monter et descendre ». La différence de niveau de l’eau entre une marée haute et la marée basse suivante correspond au marnage, plus il est élevé en un endroit, plus les marées sont visibles.

Une définition simple de l’énergie marémotrice est l’utilisation des déplacements réguliers et prévisibles d’une grande quantité d’eau qui ont lieu en surface (montée et descente) et en profondeur (création de courants forts) pour produire de l’électricité.

Énergies marémotrice et houlomotrice, quelle différence ?

Bien que ces deux méthodes de production d’électricité utilisent la mer, c’est n’est pas le même phénomène qui est mis à profit.

L’énergie houlomotrice est produite grâce à la houle qui se forme au large sous l’action du vent et se transforme en vagues à proximité des côtes. Celles-ci peuvent déplacer de manière répétitive des flotteurs connectés à un générateur et ainsi produire de l’électricité.

Fonctionnement d’une usine marémotrice

Il existe deux types de centrales marémotrices actuellement en exploitation :

  • les hydroliennes immergées à 30-40 mètres de profondeur dans des zones de fort courant sont de grandes hélices, comme des éoliennes sous-marines actionnées par les courants ;
  • l’usine marémotrice fait la plupart du temps référence à un barrage construit sur un bras de mer ou un estuaire de fort marnage. Équipé de vannes et turbines, il utilise les différences de niveau de la mer pour générer de l’électricité au passage de l’eau.

Les barrages marémoteurs peuvent produire de l’électricité soit lors du passage de l’eau de la mer vers le bassin de rétention, soit lors du vidage de ce bassin à marée basse, soit dans les deux sens. De plus, ces infrastructures incluent souvent un système de pompage puissant, voire parfois un bassin artificiel supplémentaire. Ces ajouts permettent de stocker le « potentiel » d’une marée lorsque celle-ci se produit en période de faible demande (au milieu de l’après-midi ou de la nuit par exemple), pour produire l’électricité lorsqu’elle sera utile.

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L’énergie marémotrice dans le monde

Si la France a longtemps été pionnière dans le domaine de l’énergie marémotrice, d’autres pays ont fortement investi dans ce domaine ces dernières décennies ; plusieurs barrages ont été construits, et il existe d’autres projets en cours.

En France

C’est en France qu’a été construite la première usine marémotrice moderne, il s’agit du barrage de la Rance, inauguré en 1966. Le site, qui se trouve dans les Côtes d’Armor entre Dinard et Saint-Malo, est connu pour avoir un marnage parmi les plus grands au monde. Ce barrage mesure 750 mètres et comprend 24 turbines réversibles (produisant de l’électricité dans les deux sens) pour une capacité totale de 240 mégawatts (MW). Jusqu’en 2011, soit pendant 45 ans, l’usine marémotrice de la Rance était la plus puissante au monde.

D’autres projets similaires ont été à l’étude en France, notamment dans le Finistère, les Côtes d’Armor et dans la baie du Mont-Saint-Michel, mais ils ont pour le moment été abandonnés, principalement du fait de contraintes techniques et environnementales trop importantes.

Comme nous l’avons vu précédemment, l’utilisation du potentiel des marées ne se limite pas à la création de barrages. Dans le domaine des hydroliennes aussi la France s’est impliquée en installant une turbine au large de l’île d’Ouessant en 2015 et en expérimentant dans la zone de Paimpol-Bréhat entre 2008 et 2017.

À l’étranger

La France a été le premier pays à investir dans l’énergie marémotrice au 20e siècle, mais elle n’est pas aujourd’hui le pays le plus ambitieux ni le plus impliqué dans le développement de cette méthode de production d’électricité.

Le Canada a tiré parti des très fortes marées (dépassant fréquemment 16 m de marnage) qui se produisent dans la baie de Fundy avec la mise en service d’un barrage marémoteur en 1984. Cette centrale se trouve à Annapolis Royal, en Nouvelle-Écosse et est à ce jour la seule usine de ce type en Amérique du Nord. Le Canada possède d’autres lieux bien adaptés à des installations marémotrices avec des amplitudes de marée élevées dans la Baie d’Ungava, et dans les estuaires de Colombie-Britannique, mais ils ne sont pour le moment pas exploités.

Le Royaume-Uni aussi dispose de nombreux lieux favorables à l’exploitation du potentiel des marées, et ce pays a fait le choix d’investir plutôt dans les hydroliennes que dans les barrages. On peut citer notamment :

  • un projet-test qui a été mis en place à Strangford Lough, un lac avec une ouverture étroite sur la mer d’Irlande, en Irlande du Nord où deux turbines ont été en fonctionnement de 2008 à 2017 ;
  • le projet de Bluemull Sound, dans les îles Shetland (en Écosse), où trois turbines ont été installées sur le fond océanique en 2016 et 2017 ;
  • le site de production MeyGen qui se trouve lui aussi en Écosse et qui a été installé à partir de 2016 avec 4 turbines pour une capacité totale de 6 mégawatts.

La Grande-Bretagne n’a toutefois pas abandonné l’idée de construire des barrages pour exploiter le potentiel énergétique des marées, et plusieurs projets sont actuellement à l’étude, entre autres :

  • un barrage sur l’estuaire de la Severn entre l’Angleterre et le Pays de Galles ;
  • une digue de 10 km dans la baie de Swansea, au Pays de Galles ;
  • un projet de création de lagon à Cardiff impliquant la construction d’une digue de 22 km.

Barrage ≠ lagon

Contrairement à la construction d’un barrage sur un estuaire, la formation d’un lagon implique de créer un bassin d’eau de toutes pièces. Une digue est alors construite en mer pour « isoler » du large une grande surface d’eau. Des turbines sont placées dans cette digue, et les variations de hauteur d’eau dues aux marées sont exploitées de la même manière qu’avec un barrage classique.

La Corée du Sud a aussi décidé d’investir dans l’énergie marémotrice :

  • elle possède aujourd’hui la centrale marémotrice la plus puissante au monde, il s’agit de l’usine de Sihwa Lake mise en service de 2011 avec une puissance de 254 MW (contre 240 MW pour la centrale de la Rance) ;
  • un projet a été envisagé près d’Incheon pour une capacité de 1 320 MW, soit plus de 5 fois la production de la Rance ! Le chantier n’a pas encore démarré, car des préoccupations environnementales très fortes entourent cette réalisation qui ne verra probablement jamais le jour.

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En chiffres

En 2016, la capacité totale des centrales marémotrices en activité dans le monde était de 536 MW, dont 90 % provenaient des usines de Sihwa Lake (254 MW) et de la Rance (240 MW). En 2021, la situation reste semblable et le secteur n’a pas connu de très forte croissance.

À l’échelle planétaire, on estime que l’énergie des marées qu’il est technologiquement possible de récupérer s’élève à 380 TWh chaque année, soit un peu moins de 2 % de la consommation mondiale annuelle. Ce chiffre paraît faible, mais il convient de le contextualiser : il s’agit d’une moyenne, et les valeurs varient fortement d’un pays à un autre. De plus, cela ne reflète pas le potentiel total des marées dans le monde, mais seulement l’énergie qu’il serait possible de produire avec les technologies actuelles. Autrement dit, cette estimation est plutôt pessimiste, et des avancées techniques futures pourraient faire augmenter la part d’énergie qu’il est possible de produire grâce aux marées dans le monde.

En 2013, le Royaume-Uni estimait que 20 % de ses besoins en électricité pouvaient être générés grâce aux marées. En effet, ce pays insulaire dispose de nombreux sites adaptés à des installations marémotrices, et leur puissance totale est estimée à 380 TWh par an, soit 25 fois la production de l’usine de la Rance. Attention toutefois, cette donnée est très optimiste et inclut de nombreux sites sur lesquels il est pour le moment impossible d’envisager l’implantation d’une installation marémotrice. Cela explique que ce nombre soit aussi élevé (autant que l’estimation pessimiste à l’échelle mondiale !), il n’est aujourd’hui pas possible d’utiliser l’intégralité de ce potentiel présent au Royaume-Uni.

En 2016, l’Union européenne annonçait quant à elle que 10 % de sa consommation pourrait être couverte par l’énergie des marées d’ici 2050. Cette méthode de production d’électricité a donc un potentiel évident dans certaines zones, mais les technologies nécessaires en sont encore à leurs débuts et ont besoin d’être perfectionnées.

Avantages et inconvénients de l’énergie marémotrice

Les atouts de la production d’électricité par les marées sont nombreux, entre autres :

  • la prévisibilité parfaite des marées qui ne dépendent aucunement des conditions atmosphériques ;
  • la propreté de cette énergie dont la production ne rejette que très peu de gaz polluants ;
  • la possibilité de réguler la production d’électricité dans le temps pour complémenter d’autres sources d’énergies renouvelables ;
  • la création de nouvelles capacités portuaires ou voies routières ;
  • la protection du rivage contre l’érosion et la prévention des crues.

Cependant, des freins au développement de ces infrastructures existent, en particulier :

  • les investissements initiaux nécessaires qui sont très élevés pour certains projets, et les coûts d’exploitation qui restent parfois considérables ;
  • les impacts environnementaux liés à la modification des écosystèmes, à la présence de turbines en rotation et au bruit créé par ces installations ;
  • l’envasement des zones isolées de la mer gêne la navigation et peut déstabiliser les écosystèmes en place ;
  • la corrosion importante due à l’eau salée peut poser des problèmes et augmente les coûts de maintenance ;
  • dans le cas d’une digue sur un estuaire, la pollution provenant de l’amont peut se concentrer dangereusement dans la retenue, un projet a notamment dû être abandonné pour cette raison en Inde.

Histoire de l’énergie marémotrice

L’idée d’utiliser la puissance des marées pour assister et faciliter les activités humaines n’est pas nouvelle. Bien qu’on ne connaisse pas la date de création exacte des premiers moulins à marée, on sait qu’il en existait à l’époque romaine sur les berges de la Fleet à Londres ; leur origine est peut-être encore bien plus ancienne.

Au Moyen Âge, il semble que ces bâtiments aient été construits le long de plusieurs estuaires et côtes maritimes en Europe. En Irlande, deux installations de ce type ont été retrouvées datant du 1er siècle de notre ère (630 et 787) et un autre datant du 6e siècle. On sait également qu’il en existait en Angleterre (à Douvre, Woodbridge et Thorrington), en Belgique (à Envers et Rupelmonde), en Écosse, au Pays de Galles, aux Pays-Bas, en Espagne, au Portugal (à Seixal) et en France (en Bretagne et Charente-Maritime).

La révolution industrielle a mis le charbon, et par la suite le pétrole et ses dérivés, au cœur des activités humaines. C’est dans la seconde moitié du 20e siècle que l’intérêt pour la production d’énergie grâce aux marées a lentement repris, et il reste très fort aujourd’hui. En effet, les conséquences du changement climatique se font ressentir et de nombreux pays se tournent activement vers les énergies renouvelables.

Les sources de production d’électricité se sont fortement diversifiées ces dernières années, avec la construction de barrages hydroélectriques, l’apparition de fermes solaires et éoliennes, et l’exploration de nouvelles énergies (marémotrice et houlomotrice par exemple). Les consommateurs peuvent aussi participer à ce changement en choisissant de souscrire un contrat d’électricité verte.

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