Les tarifs réglementés du gaz seront-ils réellement supprimés en 2023 ?

Courant mai 2022, 2,8 millions de foyers raccordés au gaz naturel ont reçu un troisième courrier d’information concernant la disparition prochaine des tarifs réglementés de vente (TRV). Entérinée par la loi énergie-climat en novembre 2019, elle sera normalement effective le 1er juillet 2023. Alors que les prix de l’énergie s’envolent depuis l’été dernier, nombreux sont ceux qui déplorent la suppression à venir d’une offre de gaz naturel réglementée et dont les tarifs sont régulés par l’État. La récente décision du gouvernement de prolonger le bouclier tarifaire sur les prix du gaz jusqu’à décembre 2022 démontre d’ailleurs le rôle des pouvoirs publics dans la préservation du budget des ménages. Si la crise de l’énergie sera – selon toute probabilité – encore d’actualité en 2023, on peut donc s’interroger : faut-il réellement supprimer les TRV gaz ? L’État peut-il décider de reporter leur disparition ? Une telle décision est-elle légalement applicable ? Choisir.com fait le point.

Quid de la fin TRV gaz

Le tarif réglementé du gaz naturel : de quoi s’agit-il ?

Le tarif réglementé de vente du gaz (ou TRVG) est l’unique offre de fourniture de gaz naturel dont les prix sont régulés et fixés par les pouvoirs publics. Il est commercialisé par le fournisseur historique Engie (ex-GDF) sur 95 % du territoire et par les entreprises locales de distribution (ELD) sur les 5 % restants.

Pour comprendre son origine, il faut revenir à 2007, date de la libéralisation du marché du gaz en France pour les clients particuliers. Avec l’ouverture à la concurrence, les opérateurs historiques ont perdu leur monopole et de nouveaux acteurs alternatifs se sont alors lancés dans la fourniture d’énergie en commercialisant leurs propres offres dites « à prix de marché ».

Cette libéralisation était une mesure nécessaire pour que la France soit en conformité avec le droit européen, après l’adoption de la directive 98/30/CE visant à créer un marché du gaz unique à l’échelle de tous les pays membres de l’Union. Toutefois, l’État français a souhaité conserver un rôle dans la régulation des prix de l’énergie à travers le maintien de tarifs réglementés de vente du gaz naturel. Ceux-ci avaient vocation à assurer aux consommateurs une certaine stabilité des prix, malgré la forte volatilité des cours du gaz sur les marchés de gros.

Aujourd’hui, selon la Commission de régulation de l’énergie (CRE), sur les 10,7 millions de foyers raccordés au gaz, plus de 2,8 millions ont choisi le TRV, soit 26,5 % (données au 31 décembre 2021).

Ses tarifs sont fixés par l’État et révisés maximum une fois par mois, sur proposition d’Engie et après avis de la CRE.

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Suppression du TRV gaz : une décision du Conseil d’État qui doit prendre effet le 1er juillet 2023

Pourquoi les tarifs réglementés de vente du gaz naturel sont-ils amenés à disparaître ?

En juillet 2017, après avoir été saisi par les fournisseurs alternatifs regroupés au sein de l’Association nationale des opérateurs détaillants en énergie (A.N.O.D.E), le Conseil d’État a jugé que le tarif réglementé du gaz constituait une entrave à la réalisation d’un marché du gaz naturel concurrentiel tel qu’il était souhaité à l’échelle européenne : le TRV gaz a donc été jugé non conforme au droit européen.

La disparition du tarif réglementé pour tous les sites résidentiels et professionnels a alors été intégrée dans la loi PACTE adoptée en avril 2019, puis réaffirmée dans la loi énergie-climat promulguée le 8 novembre de la même année.

Dès le 20 novembre 2019, le tarif réglementé de vente du gaz naturel n’était plus disponible à la souscription : depuis, pour les consommateurs qui choisissent de résilier leur contrat, la décision est donc irréversible.

La disparition définitive du TRV gaz pour les clients résidentiels (particuliers et petites copropriétés) est actée au 1er juillet 2023 (pour les professionnels, le TRV est d’ores et déjà supprimé depuis 2020).

Les pouvoirs publics ont décidé d’un calendrier précis afin d’informer clairement l’ensemble des consommateurs concernés. Au total, cinq courriers d’information officiels doivent être envoyés entre mai 2020 et mars 2023.

fin TRV gaz

En mai et juin 2022, les souscripteurs du TRV ont donc tous reçu un troisième courrier, les enjoignant à souscrire un nouveau contrat gaz en offre de marché avant le 30 juin 2023.

courrier d'information fin TRV gaz
Troisième courrier d’information sur la fin des tarifs réglementés du gaz
Source : Ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires

Les tarifs réglementés de vente de l’électricité vont-ils également disparaître ?

Les TRV de l’électricité (communément appelés « Tarif Bleu d’EDF ») sont, à l’instar de ceux du gaz, fixés par l’État après consultation de la CRE et commercialisés uniquement par les fournisseurs historiques (EDF et les entreprises locales de distribution). Si les tarifs réglementés de vente du gaz ont été jugés par le Conseil d’État non conformes au droit européen – car faisant entrave au jeu de libre concurrence – il n’en est pas de même pour ceux de l’électricité. Saisie à ce sujet par l’Anode, l’institution publique a déterminé en mai 2018 que l’électricité étant un bien de première nécessité, ses tarifs réglementés de vente poursuivaient un objectif d’intérêt général et concouraient à « garantir aux consommateurs un prix plus stable que les prix de marché ». À ce jour, les clients résidentiels peuvent donc souscrire un contrat d’électricité aux tarifs réglementés, le résilier et y revenir à tout moment.

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Avec la crise de l’énergie, la fin des tarifs réglementés du gaz pourrait-elle être reportée ?

A priori, nulle raison que les tarifs réglementés de vente du gaz naturel ne disparaissent pas définitivement en juillet 2023, d’autant que cette disposition est inscrite dans la loi.

Pourtant, la crise mondiale inédite que traverse le secteur de l’énergie depuis l’été 2021 pourrait remettre en cause cette décision. Avec l’envolée des prix du gaz et de l’électricité sur les marchés de gros, le pouvoir d’achat des ménages est plus que jamais au cœur des préoccupations. Début 2022, la guerre en Ukraine est venue aggraver une situation déjà très préoccupante.

La mise en place du bouclier tarifaire facilitée par l’existence d’un tarif réglementé du gaz

Dès l’automne dernier, les pouvoirs publics ont souhaité mettre en place des mesures pour limiter l’impact de la crise de l’énergie sur la facture de gaz des Français, en gelant le 1er novembre 2021 les tarifs réglementés de vente à leur niveau d’octobre 2021 (décret n° 2021-1380 du 23 octobre 2021). Rappelons que les foyers avaient précédemment vu leur budget énergétique s’envoler, les prix du gaz ayant subi une hausse de 57 % sur un an.

Ce gel des tarifs, également appelé « bouclier tarifaire », a été initialement fixé jusqu’au 30 juin 2022. Il concerne :

  • les contrats aux tarifs réglementés de vente (26,5 % des foyers abonnés au gaz) ;
  • et, par extension, les contrats indexés sur les tarifs réglementés de vente (13 % environ), qui doivent mécaniquement répercuter les mesures prises par le gouvernement.

En revanche, la mise en place d’un bouclier tarifaire ne profite pas aux particuliers ayant souscrit une offre de gaz à prix fixe ou une offre indexée sur les marchés de gros.

Selon le gouvernement, sans cette mesure, le niveau moyen des TRV en juin 2022 aurait été supérieur de 48,70 % TTC par rapport au niveau en vigueur en octobre 2021.

Le bouclier tarifaire prolongé jusqu’à la fin de l’année 2022

Par arrêté du 25 juin 2022 modifiant la date de fin de gel des tarifs réglementés de vente du gaz naturel, les pouvoirs publics ont décidé de prolonger la durée du bouclier tarifaire jusqu’au 31 décembre 2022. On peut même supposer qu’il sera encore d’actualité en 2023, Emmanuel Macron ayant fait la promesse de l’appliquer « aussi longtemps que nécessaire » lors de l’entre-deux-tours de l’élection présidentielle.

Si le gel des tarifs du gaz naturel a été une mesure réellement bienvenue pour le budget des Français, sa mise en application aurait été très complexe en l’absence de l’existence de tarifs réglementés de vente. C’est en tout cas ce qu’affirme l’association nationale de défense des consommateurs et usagers CLCV (Consommation logement cadre de vie), dans un communiqué de presse publié le 13 mai 2022 : « En substance, c’est grâce à l’existence de l’outil TRV gaz que le gouvernement a pu très vite installer en pratique un bouclier tarifaire. Comparativement, les consommateurs de fioul domestique, où il n’existe pas de TRV, n’ont pas bénéficié de cette protection et ont été exposés aux grands vents du marché. »

La suppression des TRV en période de crise de l’énergie : une décision « malavisée » selon la CLCV

L’association le rappelle : si le Conseil d’État a décidé en 2017 de l’extinction des tarifs réglementés de vente, c’est parce qu’il a considéré que ces derniers n’apportaient pas de valeur ajoutée particulière en matière de protection des consommateurs contre les fluctuations du marché (principalement parce que les TRV sont calculés selon les variations du prix de gros et que la France n’étant pas productrice de gaz naturel, elle a peu de marge de manœuvre).

Précisons qu’à cette époque, les prix de gros étaient bas et stables. Le Conseil d’État jugeait alors les offres à prix fixes sur plusieurs années plus protectrices que les tarifs réglementés, notamment en cas de flambée des prix.

Or, la crise de l’énergie a démontré le contraire : face à l’envolée des prix de gros, l’intervention de l’État s’est avérée nécessaire. Selon la CLCV, c’est bien l’existence des TRV qui a permis son intervention : « le Conseil d’État a sous-estimé que le TRV, loin d’être seulement une formule de calcul, pouvait constituer un outil juridique et opérationnel puissant si en temps de crise un gouvernement souhaite maîtriser la facture des Français. »

La suppression à venir des tarifs réglementés serait donc une « décision malavisée », puisqu’elle « induirait de très fortes perturbations sur le marché de détail que l’État et le régulateur ne parviendront pas à résoudre. »

Selon le journal Le Monde, l’association UFC-Que Choisir va également dans ce sens, considérant que les TRV, en tant que référence fixée par les pouvoirs publics, constituent un pivot tarifaire, comme un « phare dans la nuit ».

Dans une période où le marché est très chahuté, le maintien de tarifs réglementés de vente du gaz naturel au-delà du 30 juin 2023 apparaît nécessaire pour François Carlier, délégué général de la CLCV. Dans une interview accordée à Ouest-France le 27 juin dernier, celui-ci proposait de prolonger les TRV jusqu’en 2025 : « En 2019, la loi avait donné un délai de quatre ans pour que le marché s’organise. Mais dans ce contexte de crise exceptionnelle, les pouvoirs publics peuvent accorder deux ans supplémentaires afin que la situation s’apaise. Je ne pense pas que l’Union européenne y trouvera à redire. »

Notons par ailleurs que dès mars 2022, les sénateurs communistes ont appelé l’exécutif à renoncer à l’extinction du TRV en 2023.

Le gouvernement peut-il changer d’avis ?

Pour l’instant, la disparition à venir des tarifs réglementés du gaz n’a pas été remise en cause et les pouvoirs publics respectent le calendrier officiel.

Dès lors, une question se pose : l’État pourra-t-il continuer à intervenir dans la régulation des prix (et à maintenir le bouclier tarifaire) si les TRV disparaissent ?

À ce sujet, les opinions divergent. Si pour la CLCV, la réponse est non, ce n’est pas l’avis de l’Anode (l’association regroupant les principaux fournisseurs d’énergie alternatifs à l’origine, rappelons-le, de la saisine du Conseil d’État ayant abouti à la décision de supprimer le TRV). Pour Naïma Idir, sa présidente, la fin des TRV n’est pas incompatible avec une intervention de l’État. C’est d’ailleurs ce qui se passe déjà du côté des logements alimentés par un chauffage collectif au gaz ou par un réseau de chaleur urbain, qui bénéficient également du gel des tarifs depuis un décret publié en avril 2022 : « L’État verse aux fournisseurs un montant en euros par mégawattheure en fonction du différentiel entre le prix du contrat et le niveau auquel il souhaite le plafonner, puis les fournisseurs le reversent sur la facture aux clients concernés ».

Il n’en reste pas moins que les tarifs réglementés de vente ont permis une mise en œuvre rapide du gel tarifaire et qu’en période de confusion sur le marché de l’énergie, l’annulation ou, a minima, le report de l’extinction du TRV apparaît plausible.

En appelant à faire perdurer les TRV jusqu’à la fin de la crise, la CLCV peut jouer un rôle déterminant dans la décision du gouvernement, comme elle l’a fait au printemps dernier concernant le gel tarifaire sur le gaz en comptage collectif.

Cela est-il faisable d’un point de vue législatif ?

L’extinction des tarifs réglementés de vente du gaz naturel ayant été inscrite dans la loi, son annulation nécessiterait donc le vote d’une nouvelle loi. Mais cela est tout à fait envisageable !

La France ne peut toutefois décider seule d’une telle mesure : elle doit au préalable obtenir l’aval de la Commission européenne qui, rappelons-le, ne juge pas l’existence de tarifs régulés d’un très bon œil, au motif qu’ils nuisent à la libre concurrence du marché européen. Cependant, la situation inédite peut amener cette dernière à changer de position. Elle vient d’ailleurs d’approuver le retour à un tarif réglementé du gaz en Espagne et au Portugal. Si cette décision concerne uniquement le gaz naturel servant à la production d’électricité, elle constitue un signe positif pour tous les défenseurs des TRV en France et, en premier lieu, les abonnés concernés.

Les abonnés doivent-ils dès à présent résilier leur contrat gaz aux tarifs réglementés de vente ?

Les clients qui bénéficient actuellement d’une offre TRV sont assurés de profiter du gel tarifaire jusqu’au 31 décembre 2022. La CLCV leur recommande donc de patienter avant d’envisager de changer de fournisseur, leur offre actuelle leur garantissant « sécurité et tranquillité contractuelle ». Pour rappel, tout consommateur choisissant de quitter les tarifs réglementés de vente ne pourra y revenir, les TRV étant fermés à la souscription depuis 2020.

En revanche, pour les consommateurs bénéficiant actuellement d’une offre à prix de marché, la vigilance s’impose plus que jamais. En effet, la crise de l’énergie a pleinement rebattu les cartes du marché français et de nombreux opérateurs ont revu leurs offres pour faire face à l’envolée des prix. Ainsi, un contrat avantageux l’année dernière ne l’est plus nécessairement aujourd’hui. Selon Caroline Keller, cheffe du service information du Médiateur national de l’énergie, sur la trentaine d’offres actuellement disponibles, seulement cinq proposent actuellement des tarifs au moins aussi compétitifs que ceux des TRV.

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