Crise énergétique : séparer les prix de l’électricité de ceux du gaz ?

C’est le 16 janvier 2023 qu’a été publié, sur le site du think tank progressiste Terra Nova, un rapport intitulé : « Décorréler les prix de l’électricité de ceux du gaz : mission impossible ? ». Les auteurs de ce rapport, Antoine Guillou et Nicolas Goldberg, sont des spécialistes de l’énergie. Ce dernier, responsable du pôle énergie de Terra Nova, s’est ensuite entretenu sur le sujet avec Reporterre.net, le média dédié à l’écologie. Il explique les différentes mesures proposées pour parvenir à protéger plus efficacement les consommateurs contre de nouvelles flambées des tarifs et crises de l’énergie. Avec un objectif principal : parvenir à dissocier prix de l’électricité de ceux du gaz, dont la corrélation est la source de bien des problèmes.

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Corrélation entre le prix de l’électricité et du gaz : pour quelles raisons ?

C’est la grande question que de multiples ménages et entreprises se posent sans doute. Après avoir vu, pendant l’été 2022, les prix du gaz et de l’électricité flamber en même temps, chacun des deux tarifs sont ensuite redescendus progressivement. En revanche, ils sont malgré tout restés fixés à des niveaux bien élevés. Alors, pourquoi un tel lien, une telle corrélation entre les prix de ces deux sources d’énergie qui, de prime abord, semblent différents ?

Interrogé par le média écologiste Reporterre.net, Nicolas Goldberg, responsable du pôle énergie de Terra Nova, a expliqué la raison de l’existence d’une telle corrélation. Ce dernier a d’ailleurs rédigé un rapport sur le sujet avec Antoine Guillou, ingénieur, économiste de l’énergie et adjoint (PS) à la mairie de Paris. Publiée depuis le 16 janvier dernier, l’étude est consultable sur le site de Terra Nova, un think tank français se voulant progressiste.

La raison de la corrélation entre les prix du gaz et de l’électricité est en fait simple. La production d’électricité est parfois (voire souvent) gérée par des centrales au gaz. Pour assurer l’équilibre sur le réseau, ces dernières ont d’ailleurs été fortement mises à contribution. De ce fait, les centrales au gaz calent leur prix de production d’électricité sur le prix du gaz, d’où le lien entre les deux tarifs.

En 2022, les tensions géopolitiques nées de l’invasion russe de l’Ukraine ont créé de gros problèmes au niveau de l’approvisionnement en gaz. Ce qui a eu pour conséquence de faire augmenter ses tarifs, donc les tarifs de l’électricité également, et de déclencher une grave crise énergétique.

En France, le nucléaire a peu aidé face à cette inflation. En effet, à cause des problèmes fonctionnels du parc nucléaire français, la production d’électricité a été très faible en 2022. Elle n’a donc pas pu amortir cette flambée des prix de l’énergie. D’après Nicolas Goldberg, notre pays utilise aussi « des centrales à gaz et importe de l’électricité produite à partir de gaz ». Cela a donc généré cette volatilité parallèle des prix de l’électricité et du gaz. D’ailleurs, si cette corrélation a été si marquée en 2022, « c’est sans doute que les centrales à gaz sont appelées trop souvent à la rescousse pour équilibrer le réseau », juge Nicolas Goldberg.

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Dissocier les prix du gaz de ceux de l’électricité : comment faire ?

Le danger de cette corrélation est évident : précipiter de plus belle l’Europe et ses habitants dans une nouvelle crise de l’énergie en cas de flambée des prix de l’un qui entraînerait vers le haut les prix de l’autre. D’ailleurs, pour Nicolas Goldberg, cette situation menaçante révèle deux problèmes :

  1. celui de la pénurie de gaz naturel, que l’Union européenne a cherché à compenser en faisant exploser ses importations de GNL en 2022 ;
  2. la trop forte dépendance au gaz du continent et de la France.

Nicolas Goldberg explique que l’électricité « s’y achète et s’y vend au jour le jour à prix fluctuants ». La cause, au moins en partie : la difficulté de stockage de cette énergie. Cela empêche la nécessaire visibilité sur le long terme dont auraient besoin les producteurs et les investisseurs.

Pour y remédier, le rapport émet plusieurs propositions. La première viserait à instaurer, entre l’État et les producteurs d’électricité, des « contrats pour différence ». Avec ce type de contrat, le producteur vendrait toujours sa production sur le marché de gros au prix de marché. Toutefois :

  • si le prix de marché est inférieur au prix négocié entre les producteurs et l’État, ce dernier lui reverserait la différence ;
  • si le prix de marché s’envole, c’est le producteur qui reverserait la différence à l’État.

Avec ce type de contrat et l’amélioration de la visibilité à long terme des producteurs, Nicolas Goldberg estime qu’on pourrait :

  • augmenter la production d’électricité décarbonée ;
  • réduire la dépendance au gaz ;
  • et donc limiter la corrélation entre les prix du gaz et ceux de l’électricité.

Ensuite, pour protéger le prix au détail, payé par le consommateur, du prix de gros, le rapport préconise la création d’un autre levier. Celui-ci prendrait la forme de « contrats à long terme », signé entre les fournisseurs et les producteurs d’énergie. Ces contrats auraient comme avantages :

  • de permettre aux fournisseurs de s’approvisionner en électricité à prix fixe ;
  • de leur éviter ainsi d’être exposés à la volatilité des prix du marché ;
  • et donc, au bout du réseau, de protéger également les clients et leurs factures.

Le but d’une telle mesure serait aussi d’éviter le développement de situations de faillites auxquelles les plus fragiles fournisseurs d’énergie sont exposés. Par ricochet, les consommateurs sont d’ailleurs aussi les victimes de ces évolutions dramatiques.

L’énergie, un sujet de tensions politiques

Ces mesures peuvent-elles concrètement entrer en vigueur dans le droit français et européen ? De manière assez pessimiste, Nicolas Goldberg indique que, pour que cela arrive, il faudrait « une bifurcation idéologique de la Commission européenne ». La raison d’une telle opinion ? C’est en réalité la Commission européenne qui a souhaité que les prix de gros soient répercutés sur les prix au détail. Difficile alors de croire que l’exécutif européen soit enclin à appliquer ces propositions opposées à ses idées.

Pour certains syndicats et partis politiques français, la solution viendrait de la sortie du pays du marché européen de l’électricité et la restauration d’un monopole. Néanmoins, pour Nicolas Goldberg, « le marché de gros européen fonctionne très bien pour optimiser le réseau à moindre coût ». De plus, selon lui « le monopole ne permettrait pas de résoudre la question des investissements dans de nouveaux moyens de production ».

En France, les grands groupes énergétiques tardent à réellement développer la production d’énergies renouvelables. Le recours à d’autres opérateurs peut donc avoir un intérêt dans ce sens. En revanche, le responsable énergie de Terra Nova indique malgré tout qu’il faudrait « moins de fournisseurs éparpillés ». Il en existe en effet plus de 80 en France aujourd’hui !

Au niveau européen, le marché de l’énergie est quand même appelé à évoluer. En effet, une « réforme structurelle » de ce marché, porté par la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, doit être présentée d’ici fin mars 2023. D’après Nicolas Goldberg, cette réforme risque de n’être cependant que « de court terme » du fait des élections européennes qui auront lieu en 2024. Il faudra donc sans doute attendre cette échéance pour qu’une réelle réforme de fond, capable de protéger les consommateurs européens contre de futures crises énergétiques, voie le jour. Dans ce but, la France et d’autres pays européens comme l’Espagne défendent des mesures plutôt similaires à celles proposées dans le rapport. Dans notre pays, espérons également que la remise en service récente de nombreux réacteurs nucléaires puisse améliorer la situation en 2023.

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