Nucléaire : une prolongation des réacteurs après 60 ans à étudier
Depuis mi-janvier 2023, le gouvernement et le Sénat ont clairement montré leur volonté de développer la place du nucléaire dans le mix énergétique français. Pour cela, l’objectif serait de construire de nouveaux réacteurs tout en se basant sur les capacités déjà existantes du parc nucléaire français. Toutefois, beaucoup de centrales vieillissent. Le 23 janvier dernier, Bernard Doroszczuk, le président de l’Autorité de sûreté nucléaire, s’est ainsi montré très clair sur le sujet. Il a effectivement fait savoir que l’hypothétique prolongation de fonctionnement des réacteurs au-delà de 60 ans devrait être étudiée et anticipée par EDF. Il a même fixé l’échéance de fin 2024 pour que l’ASN puisse ensuite travailler sereinement sur cette éventualité. Cette dernière pose en effet également la question de la sûreté de ces installations ou encore, notamment, du traitement épineux des déchets nucléaires.

Un parc nucléaire national dont le vieillissement est de plus en plus prononcé
La crise énergétique que traversent la France et l’Europe entière depuis de longs mois a replacé le nucléaire au centre de beaucoup d’attentions. Dès février 2022, le président Emmanuel Macron avait clamé son objectif en la matière. Le chef de l’État avait effectivement indiqué vouloir que six nouveaux réacteurs nucléaires dernière génération, les EPR2, soient construits en France. Huit EPR2 supplémentaires seraient également souhaités par l’exécutif. Dans ce sens, le parlement étudie d’ailleurs depuis peu un projet de loi du gouvernement qui vise à renforcer la part du nucléaire dans la production énergétique française.
Dans le cadre de cette politique nucléaire qui reste à définir, EDF souhaiterait pouvoir également prolonger la durée de fonctionnement de ses plus anciennes centrales. C’est dans ce contexte que, le 23 janvier 2023, Bernard Doroszczuk a fait entendre sa voix. Le patron de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), en quelque sorte le gendarme français du nucléaire, présentait effectivement ses vœux à la presse.
Pour lui, c’est clair : il est hors de question d’autoriser un prolongement des vieilles centrales françaises sous prétexte qu’on ne saurait pas s’en passer. « Dans le cadre du débat actuel sur le nucléaire, les questions de sûreté et de radioprotection doivent être revues globalement par anticipation et de manière systémique pour l’ensemble des installations nucléaires. »
Un travail qui est devenu d’autant plus nécessaire que le parc nucléaire national vieillit de façon sensible et générale. Les réacteurs nucléaires les plus anciens datent de la fin des années 1970 et de la décennie 1980. Cela implique que beaucoup d’entre eux prennent de l’âge et se détériorent en même temps, au même rythme. Cette situation avait nécessité de la part d’EDF, en 2022, des opérations de maintenance sur un nombre important de ses installations.
Aujourd’hui, beaucoup de réacteurs approchent ou ont atteint la quarantaine d’années, ce qui représente en fait leur durée de fonctionnement initialement prévue. Le vieillissement du parc nucléaire français est un fait, et cette situation ne peut donc pas se régler par une simple mesure de prolongement de fonctionnement. « Le prolongement des réacteurs ne peut pas être une variable d’ajustement d’une politique énergétique mal anticipée » a prévenu Bernard Doroszczuk.
Certaines données font ainsi comprendre pourquoi le traitement de ce vieillissement est à effectuer sans tarder. En effet, en 2043, soit dans vingt ans :
- 25 des 56 réacteurs nucléaires français auront atteint 60 ans ou plus ;
- seuls 6 nouveaux EPR2, dans les projections les plus optimistes, seront alors opérationnels.
À peine quelques années plus tard, en 2050 :
- 47 réacteurs auront atteint 60 ans ou plus ;
- 11 d’entre eux seront même âgés de 70 ans ou encore davantage.
Service gratuit choisir.com
Êtes-vous sûr de ne pas payer votre énergie trop cher ?
faire une simulationLa nécessité d’un travail approfondi pour réaliser l’étude de la prolongation éventuelle des réacteurs après 60 ans
Déjà en 2021, l’Autorité de sûreté nucléaire avait acté le principe de l’allongement de la durée de fonctionnement après 40 ans, avec des travaux de maintenance nécessaires. Cela concernait alors 32 réacteurs. L’accord de l’ASN avait été délivré :
- avant même que l’examen de la situation de chaque réacteur concerné n’ait pu être effectué ;
- alors que plusieurs de ces installations avaient déjà passé le cap des 40 ans.
C’est peut-être pourquoi « l’ASN souhaite que l’hypothèse d’une poursuite de fonctionnement des réacteurs nucléaires jusqu’à et au-delà de 60 ans soit étudiée et justifiée par anticipation par EDF d’ici fin 2024 ». Voilà ce qu’a indiqué, le 23 janvier dernier, son président aux journalistes.
Pourquoi fixer une échéance qui peut être perçue comme si courte ? Le patron du gendarme du nucléaire explique en fait que la question d’une éventuelle prolongation des réacteurs les plus anciens doit être envisagée « avec au moins 10 ou 15 ans d’anticipation ». Le calendrier envisagé par l’ASN est donc le suivant :
- à l’horizon fin 2024, EDF devra lui avoir fourni tous les éléments techniques nécessaires à son travail ;
- jusqu’à fin 2026, l’ASN réalisera alors « une instruction approfondie débouchant sur une prise de position […] sur cette éventuelle possibilité de poursuivre l’exploitation. »
À ce moment-là, nous nous situerons bien une quinzaine d’années avant le début des années 2040 pendant lesquelles un certain nombre de réacteurs atteindront les 60 ans. Voilà pourquoi Bernard Doroszczuk a insisté sur cette nécessaire « anticipation » et sur le fait que cette hypothétique prolongation devait être envisagée « dans les 3 à 4 ans qui viennent. »
Et pourquoi ne pas, tout simplement, prolonger ces réacteurs sans se poser plus de questions ? Comme l’a rappelé le patron de l’ASN, la tâche qui les attend n’est pas « une étude de coin de table. » Au contraire, il s’agit « d’un travail très approfondi, consistant à analyser le comportement de pièces non remplaçables et d’autres difficilement remplaçables. » C’est une évidence : les réacteurs nucléaires vieillissants sont touchés, fort logiquement, par l’usure, et ce n’est pas un point à négliger. Si, dans une centrale nucléaire, de nombreuses pièces peuvent être changées au fil des décennies, ce n’est pas le cas de toutes, et non des moindres, comme :
- l’enceinte de béton entourant le réacteur nucléaire ;
- la cuve du réacteur ;
- certaines parties soudées sur la cuve…
Pour la sûreté de tous, une étude qui comporte de multiples enjeux
On l’a bien compris : l’objectif est de pouvoir continuer à mener une politique énergétique nucléaire sans pour autant rogner sur la sécurité et la sûreté dont l’ASN et l’État sont les garants.
C’est pourquoi Bernard Doroszczuk a aussi suggéré que l’obligation, pour EDF, d’étudier la question d’ici fin 2024 soit inscrite dans la loi de programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE). Cette dernière devrait être examinée par le parlement durant l’été 2023.
Le président de l’ASN a enfin souligné que toutes ces réflexions devaient également porter sur deux autres sujets importants :
- d’abord, « la gestion dans des conditions sûres des déchets associés. » En effet, la problématique du traitement des déchets est véritablement un enjeu actuel de la filière. En l’état et à terme, le risque d’un engorgement de celle-ci n’est pas inenvisageable. Cela pourrait forcer à arrêter certains réacteurs, faute de pouvoir gérer leurs déchets ;
- ensuite, la problématique causée par l’impact du réchauffement climatique sur le bon fonctionnement de l’activité nucléaire. Les sécheresses à répétition ont effectivement une réelle incidence, sur le refroidissement des centrales notamment. Elles provoquent également le réchauffement des cours d’eau auprès desquelles les réacteurs sont souvent implantés. On compte par exemple rien que 5 centrales nucléaires au bord du Rhône.
« Pour la première fois depuis 2003, l’ASN a dû, en 2022, accorder à 5 réacteurs des dérogations aux limites thermiques des rejets des réacteurs » a ainsi fait savoir Bernard Doroszczuk. Autant de mesures d’adaptation du parc nucléaire, au climat ou au temps qui passe, qui ne doivent effectivement pas faire oublier l’essentiel : la sûreté et la sécurité de tous ces sites à haut risque.

Êtes-vous sûr de ne pas payer votre énergie trop cher ?
En 30 secondes simulez votre consommation pour trouver les meilleures offres et comparer avec votre fournisseur actuel.
faire une simulation