Alliance du nucléaire : vers 150 GW installés en 2050 en Europe ?

L’« Alliance du nucléaire ». Tel est le nom que s’est donné le groupe de pays, membres de l’Union européenne (UE), partisan du développement du nucléaire en Europe. Créé à l’initiative de la France au début de l’année 2023, il regroupe désormais 14 États différents. Ceux-ci se sont d’ailleurs réunis le 16 mai dernier à Paris pour de nouvelles discussions. L’occasion d’affirmer leurs volontés et de mettre en place une feuille de route du nucléaire en Europe. L’objectif de cette alliance : atteindre, à l’horizon 2050, 150 gigawatts (GW) de puissance atomique installée sur le continent. Choisir.com revient sur cette réunion à laquelle ont aussi pris part deux pays invités, dont le Royaume-Uni.

alliance du nucleaire

Troisième réunion pour l’« Alliance du nucléaire », qui désire développer l’atome en Europe

Le mardi 16 mai 2023 matin, 14 ministres et représentants d’États membres de l’Union européenne (UE) se sont rassemblés à Paris. Créé par la France il y a quelques mois, ce groupe de l’« Alliance du nucléaire » prend de plus en plus de poids. C’est d’ailleurs à l’invitation d’Agnès Pannier-Runacher, ministre française de la Transition énergétique, que cette réunion a eu lieu.

Il s’agit de la troisième réunion regroupant ces pays qui veulent œuvrer en faveur du développement du nucléaire sur le Vieux Continent :

  • la première rencontre avait eu lieu fin février à Stockholm, tandis que la Suède tenait le rôle de présidente de l’UE. Alors, 11 États avaient pris part à la formation de cette « Alliance du nucléaire » ;
  • la deuxième réunion s’était tenue à la fin du mois de mars à Bruxelles, à l’occasion d’un Conseil européen de l’énergie. À ce moment, le groupe passa de 11 pays à 13.

C’est d’ailleurs quasiment au même moment que l’UE avait pris de nouveaux engagements de sobriété énergétique.

Ce 16 mai, il s’agissait en fait du premier rendez-vous de l’« Alliance du nucléaire » organisé sans aucun autre évènement parallèle. Force est d’ailleurs de constater que ce « club » favorable à l’atome est de plus en plus important. En effet, il regroupe désormais 14 États européens : la France, la Belgique, la Bulgarie, la Croatie, la Finlande, la République Tchèque, la Hongrie, les Pays-Bas, la Pologne, la Roumanie, la Slovénie, la Slovaquie, l’Estonie et la Suède. C’est cette dernière qui vient de rejoindre officiellement l’alliance, après avoir assisté aux derniers rassemblements en restant neutre.

Le compte est en fait simple : ce groupe réunit aujourd’hui la moitié des pays de l’Union européenne, ce qui démontre bien son importance croissante. En plus de ces 14 États, deux autres pays ont également assisté à la réunion parisienne :

  • l’Italie, qui était présente en tant qu’« observatrice » ;
  • le Royaume-Uni, pourtant sorti de l’Union européenne, en tant qu’« invité spécial ».

La présence britannique peut surprendre. Elle a été expliquée par le cabinet d’Agnès Pannier-Runacher. Celui-ci a fait savoir que « le groupe [de l’« Alliance du nucléaire »] est ouvert aux pays qui font le choix de maintenir, créer ou relancer des projets liés à l’énergie nucléaire ». En effet, le Royaume-Uni développe actuellement plusieurs projets de réacteurs nucléaires nouvelle génération, les EPR2. Le représentant britannique était le secrétaire d’État en charge du nucléaire, Andrew Bowie. Après la réunion, il a déclaré que celle-ci fut « une occasion fantastique pour le Royaume-Uni de s’impliquer et d’apprendre de nos homologues européens ».

Êtes-vous sûr de ne pas payer votre énergie trop cher ?

faire une simulation

Le nucléaire, la question qui fracture toujours plus l’UE en deux

Ces 16 États européens ont pu échanger puis, à la fin de la réunion, signer une déclaration commune. Celle-ci porte leur volonté de mettre au point une feuille de route en faveur du développement d’une filière nucléaire européenne intégrée. Le but : que la puissance nucléaire installée dans l’UE atteigne 150 gigawatts (GW) à l’horizon 2050. Aujourd’hui, la filière atomique continentale totalise 100 GW de puissance installée.

Pour que cette vision pro-nucléaire puisse se réaliser, l’« Alliance du nucléaire » demande à la Commission européenne d’encourager cette politique « dans la stratégie énergétique de l’UE ». D’ailleurs, était également présente à Paris Kadri Simson, Commissaire européenne à l’Énergie. En parlant des États représentés, celle-ci a indiqué s’être rendue à la réunion « pour écouter leurs préoccupations ».

Des préoccupations et des volontés pro-atomiques exprimées qui, en se renforçant, ne font que diviser encore plus l’UE en deux groupes :

  • celui des « pro-nucléaires », porté par la France ;
  • celui des « anti-nucléaires », dominé par l’Allemagne.

Il est vrai que cette réunion de Paris s’est tenue dans un contexte où, outre-Rhin, les dernières centrales nucléaires allemandes viennent de fermer. Le renforcement de l’« Alliance du nucléaire » a donc comme impact de creuser davantage le fossé entre Paris et Berlin sur la question énergétique.

Le cabinet de la ministre de la Transition énergétique indiquait, en amont de ce troisième rendez-vous, qu’« il s’agit non seulement d’une alliance d’intérêts industriels mais aussi une vraie alliance diplomatique pour peser beaucoup plus au sein de l’Union européenne et faire valoir nos intérêts sur le sujet ». Un sujet qui fait donc apparaître une ligne de fracture de plus en plus nette au sein de l’Union. Par cette alliance, la volonté française est aussi de s’opposer à l’Allemagne qui, malgré la guerre en Ukraine, continue à miser sur le gaz.

Les 16 pays rassemblés à Paris souhaitent que l’UE crée « de meilleures conditions » et « un meilleur accès au financement ». Leur désir est que les technologies nucléaires innovantes soient reconnues, tel l’éolien ou le solaire, comme nécessaires à la décarbonation de l’industrie européenne. Agnès Pannier-Runacher a effectivement indiqué : « nous voulons faire en sorte que le nucléaire soit considéré comme un outil de décarbonation en Europe ». Reconnaissance à laquelle s’opposent l’Allemagne et les pays de l’Union anti-nucléaire.

Plusieurs moyens envisagés pour atteindre 150 GW de puissance nucléaire installée en Europe en 2050

Selon Agnès Pannier-Runacher et la déclaration commune signée, le fait d’atteindre les 150 GW de nucléaire opérationnel dans l’UE en 2050 aurait de nombreux avantages :

  • permettre de maintenir la part actuelle du nucléaire dans la production électrique européenne, à savoir 25 % ;
  • générer « une augmentation de la contribution de l’industrie nucléaire au PIB [Produit intérieur brut, richesse générée à l’intérieur de l’UE] de 92 milliards d’euros supplémentaires ». Parmi cette somme, l’Union profiterait d’un excédent commercial à hauteur de 33 milliards d’euros ;
  • engendrer le recrutement de 450 000 postes partout en Europe pour la filière atomique.

« C’est gigantesque » s’est exclamée la ministre de la Transition énergétique. Pour elle, ces recrutements seraient synonymes :

  • de création de plus de 300 000 emplois directs et indirects d’ici 2050, en tenant compte des départs à la retraite ;
  • parmi ces postes, de mise en place de 200 000 emplois qualifiés.

Toutefois, pour parvenir à 150 GW en 2050, quelles solutions existent ? La volonté des 16 pays présents à la réunion de l’« Alliance du nucléaire » est bien sûr de mettre en commun leurs savoir-faire en matière d’atome. Pour Agnès Pannier-Runacher, deux leviers fondamentaux doivent également être actionnés pour atteindre cet objectif :

  • la poursuite d’exploitation des installations existantes. C’est effectivement une volonté forte du gouvernement français, même si la prolongation des réacteurs après 60 ans reste à étudier ;
  • la « construction de 30 à 45 nouveaux grands réacteurs et le développement de petits réacteurs modulaires (SMR) dans l’UE ». En anglais, SMR signifie Small Modular Reactor.

La ministre a expliqué que ces chiffres viennent « de la revue des différents projets qui sont envisagés dans les réflexions que nous avons sur le rehaussement de nos trajectoires carbone ». La mutualisation des forces, notamment dans le développement de ces SMR, est donc envisagée. La volonté est également de travailler à des processus de « standardisation du design des nouveaux réacteurs nucléaires ». L’alliance s’est aussi engagée à mettre en place des « programmes communs d’échanges entre techniciens et ingénieurs ». En même temps, les 16 États signataires ont enjoint la Commission européenne à soutenir le développement « d’initiatives conjointes ».

Enfin, le dernier objectif de ce groupe pro-atomique est de se pencher sur les moyens pour « aider les pays européens, qui sont encore dépendants de la Russie, à réduire leur dépendance ». Quel rapport avec les centrales nucléaires ? Des pays comme la Hongrie, la Slovaquie et la Bulgarie ont le désavantage de :

  • disposer de réacteurs de construction russe ;
  • voir ces réacteurs être alimentés par du combustible russe.

Après la crise énergétique née en 2022, le but est donc d’œuvrer afin de développer la sûreté et la sécurité d’approvisionnement de la filière. Selon Agnès Pannier-Runacher, pour que ces pays l’atteignent pleinement, il faudra « probablement une petite dizaine d’années ».

De son côté, le ministre de l’Énergie bulgare, Rossen Hristov, s’est félicité que ce sujet « représente un grand pas en avant pour faire progresser notre sécurité en matière d’énergie propre ».

La volonté de l’« Alliance du nucléaire » est désormais de préciser ses ambitions et les actions à lancer dans une feuille de route détaillée. Il devrait se réunir de nouveau le 19 juin 2023, à l’occasion du prochain Conseil de l’énergie européen au Luxembourg.

Nos experts énergie vous aident à économiser jusqu’à 200 € sur votre facture gaz et électricité