Énergie : l’Allemagne sort officiellement du nucléaire

Durant le week-end du 15 et 16 avril dernier, les trois derniers réacteurs nucléaires encore en activité en Allemagne ont été déconnectés. Ce qui forme un « grand succès » pour Greenpeace marque l’aboutissement de plus de trente ans de désengagement politique volontaire dans ce domaine. Il s’agit donc d’un tournant historique. Désormais, l’objectif allemand est de développer massivement le recours aux énergies renouvelables pour atteindre la neutralité carbone d’ici 2045. Toutefois, l’utilisation du charbon outre-Rhin est encore importante. Choisir.com revient donc sur une décision qui posera, à l’avenir, de grands défis à l’Allemagne… comme à la France.

sortie du nucléaire en Allemagne

Les trois derniers réacteurs nucléaires allemands déconnectés du réseau

Devant la célèbre porte de Brandebourg, à Berlin, un dinosaure est renversé sur des fûts de déchets. Cette statue réalisée par un sculpteur de Düsseldorf se trouvait au cœur de la capitale allemande lors du week-end du 15 et 16 avril 2023. Entourée d’une centaine de personnes, elle était surmontée d’un « soleil antinucléaire en position de vainqueur » d’après Greenpeace. Pour l’ONG environnementale, ce moment est en effet synonyme de « grand succès » : celui de la fin du nucléaire en Allemagne.

C’est effectivement le samedi 15 avril dernier que les trois derniers réacteurs nucléaires germaniques connectés au réseau ont été débranchés, à savoir ceux :

  • d’Isar 2, au sud-est du pays ;
  • d’Emsland, au nord-ouest ;
  • de Neckarwestheim 3, au sud-ouest.

Cet événement, marquant la fin de décennies d’utilisation de l’atome, forme la conclusion de nombreuses années de négociations entre les autorités et le puissant mouvement antinucléaire allemand. Pour lui, le nucléaire est « une technologie dangereuse, non durable et coûteuse ».

L’énergéticien allemand RWE a, quant à lui, tweeté qu’il s’agissait là de « la fin d’une ère […] après environ 60 ans » de production électrique nucléaire en Allemagne. Un tournant qui a été fêté dans plusieurs villes importantes, comme Munich ou Berlin donc. La statue de dinosaure qui s’est alors trouvée devant la porte de Brandebourg symbolisait effectivement la « préhistoricité » de l’énergie atomique.

Pour le député Jürgen Trittin, l’un des leaders du parti des Verts, la sortie du nucléaire « arrive trop tard et non trop tôt ». Dès le samedi soir, il a également affirmé que le 15 avril était, malgré tout, une « date historique ». Un communiqué gouvernemental, publié dès le jeudi 13 avril, a certifié que, malgré ces fermetures, « la grande disponibilité de l’approvisionnement énergétique reste assurée en Allemagne ».

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Une décision un peu à contre-courant… avec des conséquences pour la France ?

La fermeture des centrales nucléaires allemandes est le fruit d’une prise de conscience antinucléaire particulièrement marquée en Allemagne. Dès 1986, la catastrophe nucléaire de Tchernobyl avait fait naître, outre-Rhin et partout en Europe, de multiples interrogations sur le devenir de l’atome. Un calendrier de sortie de ce type d’énergie avait par la suite été fixé en Allemagne pour fin 2022. En 2011, suite à la nouvelle catastrophe de Fukushima, au Japon, la chancelière Angela Merkel avait alors pris un engagement officiel : celui de respecter, coûte que coûte, ce calendrier.

Aujourd’hui, on peut donc dire que ce planning a été (quasiment) respecté. En effet, le contexte de crise énergétique qui a éclaté en 2022, généré par la guerre en Ukraine, n’a pas aidé. À cause de cela, un délai d’activité supplémentaire de trois mois avait été accordé à ces trois réacteurs, après la date initiale prévue pour le 31 décembre 2022.

Un délai qui a été autorisé, pour certains, sous l’influence de la France, en difficulté durant l’hiver face à l’arrêt forcé d’une grosse partie de son parc nucléaire. Dès octobre passé, Jürgen Trittin se montrait d’ailleurs critique à l’égard de sa voisine : « À cause de la guerre de Poutine et du désastre de l’industrie nucléaire française, toute l’Europe doit produire comme une folle pour alimenter la France ». Il est vrai que, en fin d’année, la France a dû faire appel à l’aide de ses voisins pour assurer ses besoins en électricité. La situation du nucléaire français et d’EDF, qui vient de geler ses embauches, est également préoccupante pour 2023. L’arrêt du nucléaire allemand pourrait-il alors avoir un impact sur les capacités françaises à alimenter en électricité ses foyers et ses entreprises ?

Il est également intéressant de noter que cette décision allemande va en contre-sens :

  • des pratiques de nombreux pays européens. La France, notamment, est dans une logique contraire de fort développement de la filière nucléaire. Six autres pays d’Europe centrale, dont la Pologne frontalière, ont aussi entamé la construction de nouvelles centrales ;
  • de l’opinion publique nationale. En effet, d’après un sondage, 65 % des Allemands restent favorables à la poursuite de l’exploitation atomique, sans remettre en cause la décision d’abandon qui a été actée.

La fin du nucléaire allemand… au profit du charbon et du gaz ?

Aujourd’hui, deux problématiques actuelles semblent en effet s’opposer de plus en plus dans l’esprit de la population :

  • la sécurité énergétique ;
  • la protection de l’environnement.

« Nous sommes toujours en période de guerre, ce qui a des conséquences importantes sur l’approvisionnement et nous commande d’être prudents ». Tels sont les propos de Konrad Stockmeier, député FDP. Ce parti était membre de la coalition qui désirait, en vain, prolonger encore la production nucléaire.

La fermeture des trois centrales s’explique malgré tout fort logiquement. En effet, la part de l’énergie atomique dans le mix énergétique allemand n’a cessé de se réduire au fil des années :

  • en 1997, le nucléaire représentait 30,8 % de ce mix ;
  • en 2022, cette part avait fondu à 6 %.

L’importance de la production nucléaire était donc aujourd’hui très minime en Allemagne. Au contraire, la production provenant d’énergies renouvelables (EnR) s’élevait, l’année passée, à 46 %. Désormais, l’objectif de Berlin est de développer encore plus massivement le recours à ces énergies vertes pour décarboner son économie à l’horizon 2045. Le chancelier Olaf Scholz a d’ailleurs demandé récemment l’installation de « quatre à cinq éoliennes par jour » pour les prochaines années. De son côté, l’ONG Agora s’est réjoui qu’il y ait, en ce moment, une « forte demande sociétale en faveur de la transition énergétique ».

Reste que pour atteindre celle-ci, le chemin est encore long pour l’Allemagne. En effet, si sa production renouvelable est remarquable, et bien meilleure que la France qui est (encore) en retard dans ce domaine, certaines questions se posent. Surtout concernant le charbon, qui représente encore un tiers (33 %) de la production énergétique allemande.

Les centrales thermiques au charbon sont donc encore beaucoup utilisées outre-Rhin. La sortie du charbon est « idéalement » prévue pour 2038. Toutefois, la forte part de ce combustible dans la production outre-Rhin a généré, en 2022, l’émission de 761 millions de tonnes de CO2 ! Un chiffre énorme qui indique que la route est encore longue pour l’Allemagne afin d’atteindre cette transition énergétique désirée par beaucoup.

Un avis partagé par Nicolas Goldberg, spécialiste des questions énergétiques au sein du cabinet de conseil Colombus Consulting. Selon lui, un autre problème se pose même car, pour sortir du charbon, « l’Allemagne prévoit d’ouvrir de nouvelles centrales électriques au gaz ». Soit, pour mettre fin à une énergie fossile, avoir recours… à une autre énergie fossile, ce qui est évidemment paradoxal. « Il aurait mieux fallu fermer les centrales à charbon que les derniers réacteurs nucléaires, mais il n’y a pas de consensus politique autour de ce sujet en Allemagne » a indiqué Nicolas Goldberg.

Ces prévisions posent donc la question du réel développement des EnR qui aura lieu, à l’avenir, en Allemagne. Au contraire, ne sont-ce pas davantage le charbon et le gaz qui tireront profit de l’arrêt du nucléaire, au détriment de l’environnement ? Seul l’avenir nous le dira. Dans tous les cas, si le sujet du déploiement des énergies vertes vous tient à cœur, sachez que tout le monde peut apporter sa pierre. En tant que consommateur, cela peut passer par le fait de choisir un fournisseur d’électricité et/ou de gaz renouvelable par exemple. Dans ce but, le Comparateur Énergie de Choisir.com vous sera fort utile pour faire le tri entre les offres du marché et voir celle qui pourrait le mieux vous convenir. Ainsi, vous aurez toutes les informations nécessaires pour réaliser un choix fort en faveur de la planète.

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