Énergies fossiles : le « déni climatique » du patron de la COP28

La COP28, 28e Conférence internationale consacrée au climat, a débuté le 30 novembre dernier à Dubaï. À peine ouvert, cet événement d’importance planétaire s’est trouvé cependant au cœur d’une controverse majeure. Cette dernière a été déclenchée par les déclarations de son président, Ahmed Al-Jaber, révélées le 3 décembre mais datant d’avant l’ouverture de la COP. Ils témoignent de la position d’un homme, également directeur de l’ADNOC, la compagnie pétrolière nationale des Émirats arabes unis, qui ne compte pas renoncer aux énergies fossiles. Quels ont été exactement les commentaires du sultan Al-Jaber amenant à penser qu’il « frise le déni climatique » ? En quoi est-ce à ce point alarmant et consternant face à l’urgence climatique et le besoin d’une rapide transition écologique mondiale ? Entre remise en cause de la science et menace d’un retour « à l’âge des cavernes », Choisir.com revient sur des propos qui n’ont pas fini de faire réagir.

climat cop28

Pour Ahmed Al Jaber, « aucune science » ne prouve que la sortie des énergies fossiles permettra de tenir les objectifs climatiques internationaux

Voilà des révélations qui mettent à mal la crédibilité (déjà critiquée) de la COP28 de Dubaï.

Le 3 décembre, le journal britannique The Guardian a mis en ligne une vidéo datée du 21 novembre 2023. On y voit un échange houleux opposant le sultan Al-Jaber, président de la grande réunion internationale (normalement) en faveur du climat, à Mary Robinson. Ex-présidente irlandaise et ancienne envoyée spéciale des Nations unies pour le changement climatique, celle-ci dirige désormais les Elders. Il s’agit d’une association œuvrant pour la défense des droits humains et d’une planète durable.

Les propos d’Ahmed Al-Jaber ont de quoi choquer les plus fervents écologistes et partisans de la transition écologique. « Aucune science ne dit que l’élimination progressive des combustibles fossiles permettra d’atteindre 1,5 °C », a-t-il affirmé. Cette barre de hausse des températures à ne pas dépasser à la fin du siècle avait été fixée lors de la COP21 de Paris en 2015. Moins de dix ans après, les grands espoirs suscités par cet accord jugé alors historique semblent bien loin.

Ahmed Al-Jaber est en fait aussi le dirigeant de la compagnie pétrolière émiratie ADNOC. Cette fonction explique pourquoi sa nomination comme président de la COP28 a été considérée par beaucoup comme un très paradoxal conflit d’intérêts. Dès le mois de mai, il avait d’ailleurs déjà déclaré que l’arrêt des énergies fossiles n’était pas prévu dans un avenir prévisible.

« Je suis contre toute discussion alarmiste », s’est défendu celui-ci face à l’insistance de son interlocutrice le 21 novembre dernier. Pourtant, il serait peut-être temps. A priori, Ahmed Al-Jaber doit être l’une des seules personnes sur la planète à ne pas voir (ou reconnaître) l’urgence climatique actuelle. Les rapports récents sont par ailleurs nombreux à tirer le signal d’alarme environnemental, dont ceux du Giec (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat), référence dans ce domaine. Rien qu’en novembre 2023, l’Organisation des Nations unies (ONU) a ainsi révélé que :

Tout ce que se dit prêt à accepter Ahmed Al-Jaber est une réduction des énergies fossiles, et non leur suppression. Or, de telles mesures seraient loin d’être suffisantes d’après les spécialistes. Le 1er décembre, le secrétaire général de l’ONU lui-même, António Guterres, l’affirmait. « La science est claire : la limite de 1,5 °C n’est possible que si nous arrêtons de brûler tous les combustibles fossiles. Pas réduire, ni diminuer. Une suppression progressive, avec un calendrier clair »

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En cas d’arrêt des énergies fossiles, le monde serait ramené à l’âge « des cavernes », selon Al-Jaber

De l’avis d’Ahmed Al-Jaber, « une réduction progressive des énergies fossiles […] est inévitable, essentielle, mais nous devons être sérieux, réalistes et pragmatiques à ce sujet ». Avant de développer plus en avant son point de vue climatosceptique quelques minutes plus tard, cédant à l’énervement. « Aidez-moi, s’il vous plaît, montrez-moi la feuille de route pour une élimination progressive des combustibles fossiles qui permettra un développement socio-économique durable, à moins que vous ne vouliez ramener le monde dans les cavernes »

Dévoilées en pleine COP28 qu’il préside, ces déclarations ont suscité la polémique ainsi que des réactions fortes. Elles ont été qualifiées d’« incroyablement préoccupantes » par des scientifiques. Bill Hare est le directeur de Climate Analytics, une ONG spécialisée dans le changement climatique. À ses yeux, l’échange mis en ligne est « extraordinaire, révélateur, inquiétant et belliqueux ». De telles paroles et remises en cause de la science dénotent d’une opinion qui, pour lui, « frise le déni climatique ».

La climatologue Friederike Otto, de l’Imperial College de Londres, est pourtant plus que catégorique. « La science du changement climatique est claire depuis des décennies : nous devons cesser de brûler des combustibles fossiles », a-t-elle affirmé en réaction des propos d’Al-Jaber. Celle-ci met aussi en garde contre les conséquences d’un échec de l’élimination progressive des combustibles fossiles lors de la COP28. Cela « placerait plusieurs millions de personnes supplémentaires vulnérables dans la ligne de mire du changement climatique ». Tandis que la COP s’est ouverte avec l’adoption d’un fonds pour les pertes et les dommages climatiques des États les plus vulnérables, ce serait « un terrible héritage ».

Une polémique en pleine COP28

Invité à réagir, un porte-parole de la COP28 estime que le déni climatique prêté à Al-Jaber est « une fausse représentation de notre position ». « Les scénarios d’1,5 °C de l’AIE (Agence internationale de l’énergie) et du Giec (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) indiquent clairement que les combustibles fossiles devront jouer un rôle dans le futur système énergétique, même s’il est moindre. Le président de la COP citait la science et les principaux experts du climat. » La même source va jusqu’à dénoncer « un effort continu visant à saper les réalisations tangibles de la présidence de la COP ».

Ahmed Al-Jaber, le 4 décembre, a tenté lui aussi de se défendre et d’éteindre la polémique. Le tout, lors d’une conférence de presse organisée au côté de Jim Skea, président du Giec, convié pour l’occasion. Ainsi, selon le patron de la COP28, « nous sommes ici parce que nous croyons et nous respectons la science ».

Toutefois, face à la volonté émiratie de simplement réduire la production de pétrole, de gaz naturel et de charbon, Friederike Otto se montre une nouvelle fois inflexible. Pour tenir la barre des 1,5 °C, cela « requiert une sortie progressive complète des énergies fossiles, pas une vague réduction ». Elle met aussi en garde contre les « technologies non fiables », prônées par certains comme des solutions pour la neutralité carbone, tel que le stockage et la compensation de CO2.

Une polémique qui intervient alors que, le 2 décembre, 116 pays du monde se sont engagés à tripler leur production d’énergies renouvelables d’ici 2030. Parmi eux se trouvent :

  • les membres de l’Union européenne ;
  • les États-Unis ;
  • le Canada ;
  • le Japon.

Objectif : atteindre une capacité mondiale de production électrique verte de 11 000 gigawatts. Aujourd’hui, cette capacité ne s’élève qu’à environ 3 400 GW. À noter également que la prise de cet engagement n’a aucune valeur contraignante. Face à l’urgence environnementale et au déni climatique de certains, espérons que ces États tiennent leur promesse.

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