Nucléaire : fissure profonde à la centrale de Penly

Médiatisée en ce début du mois de mars 2023, la nouvelle a de quoi inquiéter : EDF fait face à un nouveau problème de corrosion sous contrainte. Celui-ci touche le réacteur de Penly 1, en Seine-Maritime qui est actuellement à l’arrêt. Mais alors que les défauts précédents constatés sur d’autres réacteurs, dans ce domaine, n’étaient que des microfissures, il s’agit ici désormais d’une fissure profonde. Le problème que connaît Penly 1 et EDF est donc particulièrement important puisqu’un « risque de fuite » existe dorénavant. Alors que le géant de l’énergie sort d’une année noire en 2022, cette découverte n’est pas vraiment rassurante. L’ASN, l’Autorité de sûreté nucléaire, a ainsi déjà demandé à l’entreprise de « revoir sa stratégie » pour assurer définitivement la sécurité des installations de ses centrales. Choisir.com revient sur ces difficultés qui posent également question quant à l’avenir du parc nucléaire national et ses capacités à assurer une production électrique satisfaisante.

fissure réacteur EDF

Après les microfissures de 2022, une fissure de plus de 15 cm à Penly 1

En fin d’année 2022, EDF estimait être « sorti de la situation de crise concernant la corrosion sous contrainte ». Le moins que l’on puisse dire, c’est que le groupe énergétique dirigé par Luc Rémont s’est lourdement trompé.

En effet, EDF a publié le 24 février 2023 une note informant qu’un « défaut significatif de corrosion sous contrainte » a été découvert sur le site de Penly 1, en Seine-Maritime. Le problème a été détecté au cours d’« expertises métallurgiques » sur « une soudure déposée en janvier » 2023, d’après cette note. D’abord passée inaperçue, cette information a ensuite été largement médiatisée le 7 mars.

Des soucis de ce type, provoquant des microfissures, avaient déjà été détectés en octobre 2021 sur plusieurs réacteurs du parc français. Cela concernait d’ailleurs des réacteurs assez récents, comme à Chooz, dans les Ardennes, ou à Civaux, dans la Vienne. De manière logique, cette situation avait entraîné, en 2022 de nombreuses réparations pour régler ce problème sérieux. EDF avait d’ailleurs dû faire appel à l’un de ses partenaires américains pour effectuer les réparations nécessaires. Pour cela, les arrêts de réacteurs s’étaient multipliés, et les immobilisations repartent d’ailleurs aussi à la hausse en ce début 2023. Ces travaux de réparation avaient également contribué à l’année noire vécue par le groupe et, surtout, à son bilan très négatif en 2022. Les pertes d’EDF, immenses, se sont en effet élevées à 17,9 milliards d’euros l’an passé.

Ce qui est nouveau, dans le cas de Penly 1, c’est l’importance du problème détecté. En effet, il ne s’agit pas d’une simple microfissure, mais d’une fissure profonde, à l’ampleur jamais encore découverte. Celle-ci se situe sur une conduite de secours du réacteur qui a pour objectif de le refroidir en cas d’urgence. Pour parler très simplement, il s’agit donc d’une importante fissure décelée dans la tuyauterie du réacteur.

Importante comment ? Celle-ci s’étend en fait sur plus de 15 cm, exactement 15,5 cm. Cela représente « le quart de la circonférence de la tuyauterie » d’après l’ASN, l’Autorité de sûreté nucléaire. Cette dernière est, en quelque sorte, le gendarme du nucléaire en France. Elle indique également que la profondeur de la fissure « est de 23 mm, pour une épaisseur de tuyauterie de 27 mm ». Par conséquent, cette fissure est réellement majeure, d’où l’inquiétude qu’elle peut provoquer. « On était donc assez proche d’une fuite » a ainsi analysé Karine Herviou, invitée sur France Info. Cette dernière est la directrice générale adjointe de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (l’IRSN). C’est dire si l’inquiétude est réellement de mise même si, heureusement, le réacteur de Penly 1 était donc déjà à l’arrêt au moment de cette découverte.

Service gratuit choisir.com

Êtes-vous sûr de ne pas payer votre énergie trop cher ?

faire une simulation

Quelles conséquences pour une fissure de cette importance ?

Pour Yves Marignac, expert en énergie et membre des groupes permanents d’experts de l’ASN, la profondeur de cette fissure représente « 85 % de l’épaisseur du tuyau ». D’après les analystes, celui-ci aurait pu être fragilisé suite à une opération de maintenance ayant pour but de « réaligner » des circuits, effectuée dès la construction du réacteur. Ces circuits où se trouve la fissure sont essentiels en cas :

  • d’emballement du cœur nucléaire ;
  • ou de tout autre accident qui pourrait endommager le réacteur.

Si ce problème « n’a pas eu de conséquence sur le personnel ni sur l’environnement », l’ASN a malgré tout indiqué qu’« il affecte la fonction de sûreté liée au refroidissement du réacteur ». D’autant plus que la fissure détectée se situe « au sein de la zone radioactive, dans le bâtiment réacteur ». Voilà l’information qui figure sur le site de la centrale.

Pour comprendre la présence d’une telle fissure, l’hypothèse d’une soudure approximative est privilégiée par l’ASN. « Cette soudure a fait l’objet d’une double-réparation lors de la construction du réacteur » a ainsi fait savoir le gendarme du nucléaire. Son président, Bernard Doroszczuk, s’est d’ailleurs montré extrêmement critique en faisant mention d’une « approche qui n’est pas acceptable ». D’après lui, celle-ci « a consisté un peu à forcer les tuyauteries pour les aligner pour les souder, et il y a eu sur cette soudure des défauts qui ont conduit à une deuxième réparation ».

À cause de l’augmentation du risque d’une rupture de la tuyauterie, L’ASN a classé cet événement de sûreté « au niveau 2 de l’échelle internationale des événements nucléaires et radiologiques ». Dite échelle INES, celle-ci compte en fait 8 niveaux différents. Le 7 mars, l’ASN a également demandé à EDF de « réviser sa stratégie » pour enfin régler ces problèmes récurrents de corrosion sous contrainte touchant ses réacteurs.

Il est vrai que Penly 1 est en réalité à l’arrêt depuis maintenant près d’un an. La raison ? Un vaste programme de contrôle de ce problème de corrosion sous contrainte, mis en place par EDF. Des défauts graves qui touchent, paradoxalement, ses réacteurs les plus récents. La centrale de Penly, qui date du tout début de la décennie 1990, en compte deux. Ces derniers sont même de type « P’4 » parmi les plus puissants de France, avec une puissance de 1 300 mégawatts (MW).

À ce jour, aucune information n’a pour l’instant été donnée par le groupe énergétique sur une possible prolongation de la durée d’arrêt de Penly 1. Ni si la découverte de ce problème pourrait entraîner la mise à l’arrêt anticipée d’autres réacteurs français pour contrôle. L’impact que cette (nouvelle) difficulté causera sur la production électrique nationale est donc encore difficilement évaluable. Toutefois, il serait certainement assez incroyable qu’elle n’en ait aucune.

Cette interrogation est également de mise pour du plus long terme, alors qu’EDF voudrait voir la durée d’exercice des réacteurs être prolongée. En effet, quel avenir ont ces 56 réacteurs du parc nucléaire français alors que tant de défauts, toujours plus sérieux, sont relevés sur les plus récents d’entre eux ? Pour Yves Marignac, « le fait que des fissures plus importantes soient possibles pose la question du maintien en fonctionnement des 6 réacteurs de même type P’4 ». Ce, au moins jusqu’à ce que leur réparation préventive, prévue courant 2023, soit effectuée.

EDF a ainsi fait savoir à l’AFP que, sur les 16 réacteurs les plus récents et identifiés comme les plus sensibles :

  • 10 réacteurs doivent être contrôlés et subir des réparations en 2023 ;
  • parmi eux, 6 doivent être réparés sans même qu’une phase de contrôle ne soit effectuée ;
  • les 4 derniers doivent poursuivre leurs travaux, commencés en 2022.

Ce serait donc sans doute tomber dans une certaine naïveté que de penser que ce énième problème n’aura aucune conséquence sur la production électrique nucléaire en 2023. Tandis que les Français ont vécu en 2022 une crise énergétique redoutable, c’est une nouvelle dont ils se seraient bien passés.

comparateur

Êtes-vous sûr de ne pas payer votre énergie trop cher ?

En 30 secondes simulez votre consommation pour trouver les meilleures offres et comparer avec votre fournisseur actuel.

faire une simulation