Transition écologique : les pistes de financement du gouvernement
« La transition écologique est le défi de notre siècle et la France doit être en première ligne ». Voilà ce qu’a affirmé, le 12 juillet dernier, le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, après le premier Comité de financement de la transition écologique (CFTE). Quelques jours avant, la Première ministre Élisabeth Borne avait annoncé une enveloppe rehaussée de 7 milliards d’euros destinée à la décarbonation de l’économie pour 2024. Un montant largement inférieur aux besoins estimés par les spécialistes. C’est pourquoi, dans la foulée, d’autres propositions et pistes de financement ont été évoquées par le gouvernement. Quelles sont ces dernières ? Comment l’exécutif pourra-t-il parvenir à réunir les 65 à 70 milliards d’euros (par an !) nécessaires, d’après les économistes, pour mettre en place une réelle transition écologique ? Choisir.com vous présente les différents plans imaginés par le gouvernement… qui n’ont pas l’air d’être encore au point. Il y a pourtant urgence.

7 milliards d’euros en plus dans le budget 2024 pour la transition écologique… alors qu’il en faudrait 65 à 70 !
Dans un contexte de dérèglement climatique de plus en plus poussé et de crise de l’énergie, l’accélération de la transition écologique est une absolue nécessité.
C’est ce qui a amené, le dimanche 9 juillet 2023, Élisabeth Borne à réaliser une annonce importante. Dans un entretien accordé au Parisien/Aujourd’hui en France, la Première ministre a déclaré que l’État allait réaliser « un investissement inédit » pour l’année prochaine. « En 2024, nous aurons 7 milliards de plus qu’en 2023 pour le financement de la transition écologique », a-t-elle affirmé.
Cet effort budgétaire a un but : accélérer la décarbonation de l’économie. De ce fait, des mots d’Élisabeth Borne, il « servira à financer :
- les rénovations énergétiques ;
- les transports en commun ;
- les énergies renouvelables ;
- et la transition agricole ».
D’où sortent exactement ces 7 milliards supplémentaires ? En réalité, cette somme inclut les 2 milliards d’euros mobilisés fin 2022 pour la création du Fonds Vert qui doit accompagner les projets écologiques des collectivités territoriales. À celle-ci s’ajoute un rehaussement de 5 milliards d’euros, évoqués par la Première ministre dans les colonnes du Parisien.
Il s’agit en tout cas du premier budget mis au point depuis la création, en 2022, du Secrétariat général à la planification écologique. Ce chiffre était donc très attendu, révélant les ambitions gouvernementales dans ce domaine qui, de l’avis de certains, est une « terra incognita ».
Quelques jours plus tard, la ministre de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher, le concédait : « Pour réussir la transition énergétique et tenir notre engagement d’atteindre la neutralité carbone en 2050, les besoins financiers sont immenses ». L’occasion pour Élisabeth Borne de lancer une belle affirmation : « Je peux le dire, nous avons un plan ». Toutefois, ce plan est loin de donner satisfaction à tout le monde. D’après le média Libération, il s’agit même d’un « plan à trous ».
Pourquoi de telles critiques ? Car les besoins pour décarboner l’économie sont connus et ont été chiffrés par un rapport remis à l’exécutif. Réalisé par les économistes Jean Pisani-Ferry et Selma Mahfouz, ce rapport estime qu’il faudra investir entre 65 et 70 milliards d’euros en plus… chaque année, tous secteurs compris (public et privé). Un montant faramineux dont on est donc encore (très) loin aujourd’hui.
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faire une simulationLe gouvernement cherche des pistes pour financer la transition écologique
D’après le rapport Pisani-Ferry-Mahfouz, deux solutions s’offrent au gouvernement pour lui permettre de réunir les 65 à 70 milliards d’euros annuels nécessaires à la transition écologique :
- l’endettement, en réalisant de nouveaux emprunts ;
- l’impôt.
Avant de réunir ces 70 milliards d’euros par an, il faut déjà trouver ces 7 milliards d’euros annoncés en plus par rapport à 2023. L’entourage de la Première ministre l’assure : « Ça ne veut pas dire 7 milliards d’impôts supplémentaires, bien au contraire ». Le samedi 8 juillet, cette piste a aussi été écartée par Bruno Le Maire : « N’ayons pas cette paresse intellectuelle de l’augmentation systématique des impôts et des taxes, ça n’est pas la solution ».
La priorité du ministre, pour son septième budget consécutif ? La réduction des dépenses publiques. Bruno Le Maire veut, en matière d’écologie, retirer les avantages fiscaux des énergies fossiles, par exemple le gazole non routier (GNR). Son objectif : « faire basculer la fiscalité brune vers la fiscalité verte ». Pour lui, aucune « dépense supplémentaire » ne serait nécessaire pour y parvenir.
Il s’agit donc d’une vision différente de celle décrite par le rapport Jean Pisani-Ferry-Mahfouz. Aux yeux du chef de Bercy, la réduction des déficits permettra à l’État de lui fournir de quoi financer ses priorités, grâce à deux leviers :
- la réindustrialisation du pays. Début mai 2023, le président Emmanuel Macron a d’ailleurs dévoilé le projet de loi industrie verte ;
- la hausse du taux d’emploi des Français.
D’après le ministre, 10 milliards d’euros d’économie pourraient être réalisés l’an prochain. Le moyen : la réduction des dépenses que chaque ministère est censé réaliser. L’entourage d’Élisabeth Borne donne aussi la même origine possible à ces 7 milliards de plus prévus pour 2024. Il devrait s’agir d’« argent frais », provenant des réductions des dépenses attendues des ministères, justement chiffrées à cette hauteur.
Ces sommes seraient indispensables pour que la France puisse avancer sur la réalisation de ses engagements climatiques, qui sont très ambitieux :
- réduire de 55 % ses émissions de CO2 entre 1990 et 2030 ;
- parvenir à une décarbonation complète d’ici 2050.
Problème : les économies attendues des différents ministères ne sont absolument pas assurées, d’après ce que laisse entendre Bruno Le Maire. De quoi douter que ces 7 milliards supplémentaires soient bien une réalité en 2024 ?
Le recours à l’épargne des Français envisagé
Du côté du gouvernement, on réfléchit à utiliser l’épargne des Français pour financer la transition écologique. Le mercredi 12 juillet s’est réuni, pour la première fois, le Comité de financement de la transition écologique (CFTE). Celle-ci a rassemblé :
- trois ministres du gouvernement : Bruno Le Maire, Agnès Pannier-Runacher et Christophe Béchu, ministre de la transition écologique ;
- des experts du climat ;
- des économistes ;
- des chefs d’entreprise ;
- des dirigeants de grandes banques françaises.
Christophe Béchu a justement livré les clés de la réussite de cette nécessaire transition écologique. Selon lui, celle-ci « dépendra de l’alignement des entreprises, du système financier et de l’État ».
L’une des possibilités imaginées est d’autoriser le déblocage anticipé d’un PEL (plan d’épargne logement) pour financer un projet de rénovation thermique et énergétique.
Le 13 juillet, Bruno Le Maire a indiqué que ce déblocage anticipé serait possible dans le cadre d’un « investissement pour la rénovation thermique » des logements. Selon lui, il s’agit d’un levier très intéressant, car il « permet de débloquer des sommes très importantes sans avoir à mobiliser de l’argent public ».
Par contre, cette possibilité de recourir aux PEL ne déclencherait pas leur clôture, comme cela se passe lorsqu’il est sollicité pour un achat immobilier. Les Français pourraient prélever la somme nécessaire et garder malgré tout leur livret ouvert. On compte environ 300 milliards d’euros déposés sur des PEL aujourd’hui.
Autres pistes envisagées par l’exécutif :
- le recours aux livrets de développement durable et solidaire (LDDS), qui totalisent 130 milliards d’euros. Le but est que l’utilisation des sommes se trouvant ces derniers s’oriente davantage vers des projets axés autour du développement durable. Ce n’est le cas que de 10 % des dépôts aujourd’hui. « Nous voulons que les sommes soient davantage orientées vers la transition climatique, avec une transparence accrue », a indiqué Bruno Le Maire ;
- la prorogation de l’éco-prêt à taux zéro (PTZ) pour soutenir la rénovation énergétique. C’est un prêt sans intérêt et sans condition de ressource, plafonné à 50 000 euros ;
- la mise en place d’obligations garanties à 70 % par l’État. Celles-ci pourraient financer des investissements lourds pour décarboner les PME et ETI industrielles.
L’ensemble de ces propositions pourraient être intégrées dans le projet du budget 2024, présenté à l’automne prochain au Parlement.
En tout cas, Bruno Le Maire a finalement l’air de s’aligner sur les conclusions du rapport Pisani-Ferry-Mahfouz. En effet, à la sortie de la réunion du CFTE, il a avancé que « l’enjeu, c’est de trouver 60 à 70 milliards d’euros par an pour financer cette transition écologique ». La manne financière représentée par l’épargne des Français, s’élevant à 5 800 milliards d’euros et 3 200 milliards sur des produits de long terme, donne évidemment envie. « Notre objectif est de mobiliser 5 % de ces 3 000 milliards d’euros », a finalement expliqué le ministre. Ce levier rendrait possible la mobilisation de « 150 milliards d’euros par an », . Une chose semble claire et certaine : dans le cadre de ces plans, ce serait aux Français de payer. Au contraire, certains autres acteurs politiques pensent que, pour réussir à financer la transition écologique, il faudrait mettre en place une « économie de guerre climatique ».
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