Le stockage du gaz

Contrairement à l’électricité qui ne peut se stocker, le gaz peut être entreposé en vue d’une utilisation ultérieure. Le stockage du gaz est l’un des maillons de la chaîne gazière. Il permet de garantir à tous les Français qu’ils bénéficieront d’une quantité suffisante gaz en hiver. Comment fonctionne-t-il ? Qui s’en charge en France ? Dans quelles mesures pèse-t-il sur la facture de gaz des ménages ? Choisir.com fait le point avec vous.

Stockage gaz

Le stockage du gaz : qu’est-ce que c’est ?

Le stockage du gaz consiste à entreposer le gaz naturel dans des sites spécifiques et sécurisés. La France n’est pas un pays gazier, elle importe 98 % du gaz qu’elle consomme. Le gaz naturel est importé depuis les pays suivants :

  • la Norvège (43 %) ;
  • la Russie (21 %) ;
  • les Pays Bas (11 %) ;
  • l’Algérie (8 %) ;
  • autres pays (17 %).

Le stockage constitue donc un enjeu capital pour le pays. En effet, comme le met en avant Storengy, l’un des opérateurs de stockage français, « il contribue à la sécurité de la fourniture d’énergie en permettant de faire face aux défaillances temporaires de sources d’approvisionnement de gaz naturel. ».

D’un point de vue géopolitique, il permet à la France d’être moins dépendant des pays producteurs. En effet, nombreuses sont les situations qui peuvent influer sur le marché du gaz : conflit dans un État gazier, mouvement social, changement de politiques d’exportations, etc. Disposer de réserves suffisantes de gaz peut permettre aux fournisseurs de disposer de plus de temps pour trouver une solution (changement de lieu d’approvisionnement, renégociations de contrat, etc.).

Ainsi, le stockage permet d’assurer la continuité de l’approvisionnement de l’Hexagone, notamment en hiver. C’est ce qu’explique Happ-e, fournisseur de gaz et filiale du groupe Engie : « Comme la quantité de gaz consommée en hiver est 6 fois plus importante qu’en été, le gaz stocké va permettre de pallier les besoins en fonction des demandes. Grâce à cette initiative, la distribution du gaz reste constante. ».

En général, on choisit de remplir les réservoirs au printemps et à l’été pour préparer l’hiver. Cela permet à la France d’être sûre de faire face à la demande lors des périodes les plus froides.

Il existe deux manières de stocker du gaz :

  • le stockage aérien ;
  • le stockage souterrain.

Découvrons ensemble les différences.

Le stockage aérien

Le stockage aérien s’effectue non loin des terminaux méthaniers. Le gaz est conservé sous forme liquide dans des réservoirs de Gaz naturel liquéfié (GNL). C’est la mission d’Elengy. Elengy est une filiale de GRTGaz, le transporteur de gaz sur 85 % du territoire français. Elle a pour mission la gestion des terminaux méthaniers. Pour rappel, les méthaniers sont des bateaux servant à acheminer le gaz depuis les centres de production, jusqu’en France. Celui-ci est transporté sous forme de GNL.

Lorsque ceux-ci arrivent sur le port méthanier, il faut décharger le gaz puis le stocker dans des sites aériens. Comme l’explique Elengy : « le GNL est stocké dans des réservoirs cryogéniques (conçus pour les très basses températures) capables de résister à une température de -160 °C pour le conserver à l’état liquide ». Ensuite, il est regazéifié pour passer dans le réseau de transport.

Il est également possible de stocker le gaz sous forme gazeuse dans des réservoirs aériens cylindriques d’une capacité allant de 500 m3 à 10 000 m3. Cela étant, cette méthode n’est pas privilégiée car elle est coûteuse et demande beaucoup d’espace. Le stockage aérien de gaz liquide est donc plus utilisé. En effet, sous forme gazeuse, le gaz occupe 600 fois plus de volume que le gaz à l’état liquide.

Le stockage aérien n’entre pas dans le calcul des capacités de stockage de la France, probablement parce qu’il répond à un besoin très ponctuel. Seuls sont considérés les sites de stockage souterrain.

Le stockage souterrain de gaz

Dans l’Hexagone, nous disposons d’une capacité de stockage équivalente à 11,7 milliards de mètres cubes, soit 132 TWh. Cela représente environ 25 % de la consommation annuelle de gaz de la France.

Le stockage souterrain peut s’effectuer dans :

  • un gisement déplété : le gaz naturel est réinjecté dans un gisement épuisé ;
  • une nappe aquifère : le gaz est placé dans un gisement artificiel formé d’une roche poreuse recouverte d’eau ;
  • une cavité saline : le gaz est entreposé dans une roche de cristaux de sel appelée « sel gemme », creusée avec de l’eau douce.

Aujourd’hui, il existe 16 sites de stockage en France. Ils sont gérés par Storengy et Teréga, que nous présenterons dans la suite de l’article. Sur ces 16 infrastructures, on compte :

  • 1 site de stockage dans un gisement épuisé ;
  • 11 dans des nappes aquifères ;
  • 4 en cavités salines.

Pourquoi privilégie-t-on un mode de stockage plutôt qu’un autre ? Pour des raisons liées à la structure des sols français avant tout. En effet, d’un point de vue pratique, il est plus économique de stocker le gaz dans des anciens gisements. Mais, la France n’étant pas un pays producteur d’hydrocarbures, elle ne dispose que de peu de gisements épuisés. Le stockage en nappe aquifère apparaît donc comme la solution la plus rentable. Il est moins cher que le stockage en cavités salines et permet d’entreposer plus de volume d’énergie.

Le fonctionnement du stockage en nappe aquifère

Au printemps ou en été, le gaz est transporté via des gazoducs jusqu’au site de stockage. Le volume entrant est mesuré puis compressé, si nécessaire. Puis, il passe par un ensemble de canalisations appelées « manifold ». Le rôle du manifold est de répartir le gaz dans les différents puits souterrains éparpillés autour de la station.

Le gaz passe alors par des petits tuyaux de dix centimètres de diamètre environ pour être injecté dans la nappe aquifère, une couche de roche perméable recouverte d’eau. Elles se situent entre 450 et 2 000 mètres de profondeur et s’étendent sur plusieurs kilomètres.

La pression du gaz est supérieure à celle de l’eau. En entrant dans les sols, le gaz repousse alors l’eau pour prendre sa place dans les pores de la roche. Pour empêcher les fuites de gaz, ces puits artificiels sont surmontés de roches imperméables.

L’hiver, on pioche le gaz dans ces réservoirs. Le gaz repasse par le manifold pour arriver dans un centre de traitement. En effet, en restant sous terre celui-ci a pu se mélanger avec du sulfure d’hydrogène. On procède donc à une désulfuration. On engage également une déshydratation pour éliminer les traces d’eau.

Ensuite, il passe par un poste d’odorisation, géré par GRTgaz ou Teréga. On y injecte du tétrahydrothiophène, une substance qui donne au gaz une odeur particulière. Cela permet au consommateur de repérer rapidement les fuites à son domicile ou dans ses bureaux. Après un contrôle en laboratoire, il est prêt à répartir dans le réseau de transport, puis de distribution. Il pourra ainsi être livré aux particuliers et professionnels.

Le stockage en gisement déplété repose sur le même principe de fonctionnement. C’est ce que met en avant Gazprom Energy : « Un stockage en gisement épuisé fonctionne… à peu près comme un stockage en nappe aquifère. Très concrètement, il s’agit de réutiliser d’anciens gisements d’hydrocarbures, qui ont été fonctionnels pendant plusieurs millions d’années, pour stocker le gaz naturel. Une bonne idée pour “recycler” des sites qui ont été vidés ! Ainsi, le stockage en gisement déplété est assuré au sein d’une cavité de roche poreuse ».

Le stockage en cavités salines

Le stockage en cavités salines est un peu différent. Au moment d’arriver en station, le gaz passe par le manifold. Il répartit le gaz dans des canalisations d’une dizaine de centimètres de diamètre. Celles-ci mènent à des cavités souterraines creusées artificiellement avec de l’eau douce dans une couche de sel de gemme, totalement imperméable. On appelle cette opération de creusage, le « lessivage ». Ces cavités se trouvent entre 500 m et 1 500 m de profondeur. Au-dessus de ces cavités, on retrouve d’autres couches de roches.

L’hiver, on soutire le gaz des cavités salines. Après désulfuration et déshydratation, il est odorisé puis envoyé sur le réseau de transport.

Plus chers à exploiter que les nappes aquifères, on a surtout recours à ces réservoirs lors des pics de consommation. En effet, le débit de soutirage du gaz en cavité saline est 5 à 6 fois plus important que celui des autres méthodes de stockage. Il permet donc au réseau de gagner en flexibilité.

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Quels sont les responsables du stockage en France ?

En France, on dénombre deux opérateurs de stockage :

  • Storengy, qui se charge d’environ 75 % des capacités françaises ;
  • Teréga, qui agit dans le Sud-Ouest et qui gère le quart restant.

Regardons de plus près qui sont ces acteurs.

Zoom sur Storengy

Storengy est une filiale d’Engie, le fournisseur historique de gaz. Présent sur le réseau de transport géré par GRTgaz, il exploite 14 sites de stockage répartis sur les ¾ de l’Hexagone dans les communes de :

  • Céré-la-ronde ;
  • Beynes ;
  • Cerville ;
  • Trois fontaines ;
  • Chémery ;
  • Soing-en-Sologne ;
  • Etrez ;
  • Germigny-sous-Coulombs ;
  • Gournay-sur-Aronde ;
  • Manosque ;
  • Saint Claire sur Epte ;
  • Saint-Illiers-la-ville ;
  • Tersanne ;
  • Hauterives.

C’est le seul des deux acteurs à disposer de stockage en cavités salines et dans un gisement déplété. Storengy est également présent au Royaume-Uni et en Allemagne, faisant de lui le premier opérateur de stockage souterrain en Europe.

Zoom sur Teréga

Teréga est le deuxième acteur du stockage en France. Il exploite 25,7 % des capacités de stockage du territoire. Pour cela, il gère deux sites de stockage en nappe aquifère dans le sud de la France :

  • l’un à Lussagnet dans les Landes (40) ;
  • l’autre dans la commune d’Izaute dans le Gers (32).

Teréga est également l’opérateur de transport sur toute la région sud-ouest. Il se charge d’acheminer le gaz depuis les centres de stockage vers certaines industries locales ou vers le réseau de distribution, géré par GRDF et les Entreprises locales de distribution (ELD). Il est ensuite livré aux consommateurs finaux, à savoir les particuliers et la majorité des entreprises et collectivités.

L’impact du stockage sur la facture de gaz

Le stockage représente évidemment un coût. Il est répercuté indirectement sur la facture des ménages et des professionnels, dans les tarifs d’acheminement du gaz.

Combien coûte le stockage aux consommateurs particuliers ?

Selon la Commission de régulation de l’énergie (CRE), l’acheminement du gaz naturel correspond à 35 % de la facture des ménages. À titre de comparaison, la partie fourniture représente 36 % et les taxes sur le gaz 29 %.

Dans son rapport d’activité, la CRE prend l’exemple d’un consommateur parisien présentant une facture annuelle de 1 207 € par an. Sur ces 1 207 €, 423 € sont dédiés aux tarifs d’acheminement répartis ainsi :

  • 285 € pour la distribution ;
  • 90 € pour le transport ;
  • 48 € pour le stockage.

Au vu de ces chiffres, on peut voir que le stockage représente un peu moins de 4 % de la facture des ménages. En effet, 1 027 x 0,04 = 48,28.

Enchères de capacités : la rémunération des opérateurs de stockage

L’article L. 421-5-1 du Code de l’énergie stipule que « les capacités des infrastructures de stockage mentionnées à l’article L. 421-3-1 sont souscrites à l’issue d’enchères publiques ». Comment cela fonctionne-t-il ?

Dans les grandes lignes, tous les ans, au printemps, les capacités de stockage sont mises aux enchères sous la surveillance de la CRE. Les fournisseurs de gaz peuvent alors acheter un certain volume de réserves auprès des opérateurs de stockage.

Ce système a été mis en place en 2018 pour sécuriser l’alimentation des Français en gaz l’hiver. En effet, comme l’explique Gazprom Energy, « la loi oblige les fournisseurs et sites industriels à stocker avant le 1er novembre des volumes de gaz suffisants à destination des clients connectés au réseau de distribution. Reste que, malgré les sanctions financières liées à cette obligation, les fournisseurs faisaient preuve d’une certaine réticence ». En effet, à l’époque, le recours au stockage était souvent plus cher que l’achat sur les marchés. Les sites de stockage n’étaient utilisés qu’à 65 % ou 70 % de leurs capacités ce qui mettait en péril la sécurité de l’approvisionnement.

Les pouvoirs publics ont donc choisi d’inciter financièrement les fournisseurs de gaz à acheter davantage de capacités. Pour encourager les entreprises de stockage à pratiquer des prix bas, la CRE accorde un bonus à ceux qui atteignent les 75 % de taux de remplissage. C’est un succès puisque par exemple, pour la période 2020-2021, « la totalité des capacités de stockage de gaz naturel ont été souscrites ».

Le stockage, garant de la stabilité des factures de gaz

Bénéficier d’importantes capacités de stockage de gaz permet de stabiliser le prix du kWh. C’est ce que rappelle TotalEnergies, « sans un stockage contrôlé, le prix du gaz varierait d’une saison à l’autre, en particulier lors des pics de demande. Les distributeurs ne pourraient alors répondre convenablement aux besoins. Tout cela impacterait fortement le consommateur ».

Admettons que la demande soit très forte, pendant un hiver froid, et que les réserves soient presque vides. Si l’on suit la loi de l’offre et de la demande, les prix du gaz exploseraient. En plein cœur de l’hiver, les fournisseurs seraient obligés d’acheter à prix coûtant le gaz aux producteurs, ce qui se répercuterait sur la facture des consommateurs. Le stockage garantit donc une constance dans l’offre bénéfique pour les clients particuliers et professionnels.

Stockage et transition énergétique

Le stockage du gaz participe à la transition énergétique. En effet, les centres de stockage peuvent contribuer à l’essor du biométhane, de l’hydrogène vert ou encore turquoise.

Le développement du biogaz

Le biométhane est un gaz de synthèse fabriqué grâce à la fermentation de matière organique dans des unités de méthanisation. Il peut être produit à base de déchets agricoles, industriels ou issus de stations d’épuration des eaux usées.

Aujourd’hui, il représente moins d’un pourcent de la consommation de gaz en France. Mais, il est amené à se développer. En effet, la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), la feuille de route énergétique de la France, s’est fixée pour objectif 7 à 10 % de biométhane dans la consommation d’ici 2030.

Ainsi, pour appuyer le développement du gaz vert, Storengy pilote aux côtés d’Engie Biogaz, « 5 grands projets de méthanisation à proximité des sites français de stockage ».

Outre le stockage sous format gazeux, l’entreprise travaille de concert avec la start-up Azola pour fournir aux producteurs de biométhane, une solution de stockage sous forme liquide. Ce biogaz liquide devient alors du bioGNL qui peut être utilisé comme carburant vert.

La place de l’hydrogène

L’hydrogène est de plus en plus plébiscité en ce qui concerne la transition énergétique. En effet, l’hydrogène permet de pallier l’intermittence des énergies renouvelables via le Power-to-gas. En effet, contrairement au gaz, l’électricité ne se stocke pas à grande échelle. Il faut la consommer au moment de la production. Lorsqu’il y a une surproduction d’électricité verte, il est possible de la transformer en hydrogène par électrolyse de l’eau. Concrètement, il s’agit de faire circuler l’eau dans un électrolyseur. Sous l’effet du courant électrique, la molécule d’eau se sépare en hydrogène et oxygène.

On récupère alors l’hydrogène et on le comprime. Ensuite, il peut être conservé dans les sites de stockage souterrain en cavités salines. Il est alors mélangé au gaz naturel. Il peut ensuite être utilisé à des fins de consommation. La CRE fait savoir que l’hydrogène peut être « injecté en quantité limitée (20 %) dans les réseaux de distribution et de transport de gaz ».

D’autre part, comme le met en relief Storengy, « l’hydrogène peut être combiné avec du CO2 issu de méthanisation de déchets agricoles ou de process industriels pour produire du méthane ». Valorisé ainsi, il présente des propriétés identiques au gaz naturel et peut être envoyé sur le réseau national de transport.

Pour l’instant, l’hydrogène en est encore à ses prémices. Jupiter 1000, le plus grand projet de Power-to-gas n’est pas encore opérationnel. Les premiers tests d’injection d’hydrogène dans le réseau ont été réalisés en février 2020. Mais, la Covid-19 a mis un coup d’arrêt aux injections. Les activités du site ont repris progressivement depuis le déconfinement.

Cela dit, l’hydrogène a de beaux jours devant lui. Le plan France Relance lui consacre 7,2 milliards d’euros pour contribuer à son développement à horizon 2030.

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