UE : un compromis trouvé à propos des énergies renouvelables
Ces derniers mois, le sujet avait cristallisé les oppositions et divisé l’Union européenne, tout spécialement la France et l’Allemagne. Les objectifs de déploiement des énergies renouvelables et la place laissée au nucléaire dans la décarbonation du continent étaient sources de nombreuses tensions. Le 16 juin 2023, un accord a enfin été trouvé à Bruxelles à propos de la directive énergies renouvelables (RED III) qui doit être adoptée par l’Union. Celle-ci « correspond aux attentes de la France » d’après Agnès Pannier-Runacher, ministre de la Transition énergétique. Choisir.com vous livre les axes principaux d’un accord dont les objectifs seront peut-être malgré tout difficilement atteignables.
![compromis energie UE](https://www.choisir.com/medias/9b3ef0e1-compromis-renouvelables-ue.jpg)
Un accord sur les énergies renouvelables qui met fin à des mois de tensions en Europe
C’est le vendredi 16 juin dernier, après plusieurs mois de négociations infructueuses, qu’un accord européen sur la directive énergies renouvelables (RED III) a été trouvé. Ce dernier a été négocié par les ambassadeurs de l’Union européenne (UE) à Bruxelles, dans le cadre du Coreper (Comité des représentants permanents), l’instance qui les regroupe.
L’accord officialise la volonté de déploiement massif de l’énergie verte en Europe. La directive RED III est effectivement très ambitieuse : elle a fixé à 42,5 % la part d’énergies renouvelables (EnR) à atteindre dans la consommation énergétique européenne d’ici 2030.
Ce qui est certain, c’est que cette feuille de route vient mettre fin à une longue période de tensions sur le continent. Depuis début 2023, les divergences et les oppositions régnaient en effet au sein de l’UE au sujet des EnR comme de l’énergie nucléaire. Certains États ne souhaitaient pas que le nucléaire soit reconnu comme une alternative énergétique durable et décarbonée, prise en compte dans la directive RED III. Par exemple, l’Allemagne ou l’Espagne refusaient de reconnaître comme « vert » l’hydrogène rose, d’origine nucléaire, ce que poussait à faire reconnaître au contraire la France. Ce sujet avait provoqué, fin mai, des dissensions entre Paris et Madrid. La question nucléaire a d’ailleurs aussi considérablement fragilisé la solidité du couple franco-allemand, moteur historique de la construction européenne.
Ces différences profondes de points de vue entre pro et antinucléaires avaient conduit à la formation de deux groupes réunissant plusieurs États de l’UE :
- l’Alliance du nucléaire, créé par la France et souhaitant le développement de l’atome sur le continent ;
- les Amis du renouvelable, dominés par la figure de l’Allemagne et partisans des EnR en opposition au nucléaire.
Un compromis qui « correspond aux attentes de la France »
Dès le 17 juin 2023, la ministre de la Transition énergétique française, Agnès Pannier-Runacher, n’a pas manqué de faire connaître la satisfaction du gouvernement tricolore. Dans une déclaration à la presse, celle-ci a salué « l’accord européen auquel nous sommes parvenus sur la directive énergies renouvelables : il correspond aux attentes de la France ».
Pourquoi la France se félicite-t-elle autant de cet accord ? La raison est simple : celui-ci « acte la reconnaissance du nucléaire » dans l’atteinte des objectifs de décarbonation de l’Europe, a indiqué Agnès Pannier-Runacher.
En effet, la Commission européenne a accepté d’intégrer un peu d’énergie atomique dans son plan, sans toutefois la nommer. Selon certains de nos voisins, la méthode « n’est pas très belle ». Ce sont là les mots de Sven Giegold, secrétaire d’État allemand à la protection du Climat.
C’est dans le secteur agricole que « la France a obtenu […] des garanties de la Commission » a fait savoir la ministre de la Transition énergétique. Celles-ci concernent « les usines d’ammoniac qui s’engagent dans des investissements de décarbonation ». En effet, l’ammoniac sert d’engrais et a comme matière première le gaz naturel. La France a donc obtenu une dérogation européenne lui permettant d’utiliser le nucléaire et l’hydrogène rose pour décarboner ce pan de son industrie. C’est en échange de cette dérogation, faisant une place à l’hydrogène d’origine nucléaire, que Paris a consenti aux objectifs de 42,5 % d’EnR consommées d’ici 2030. Le ministre allemand Sven Giegold a considéré ce compromis « supportable ».
La négociation du vendredi 16 juin s’est également penchée sur le cas de « l’avion vert ». Un projet de règlement ReFuel EU aviation, sur les carburants destinés au transport aérien, a été adopté. « Tout en reconnaissant pleinement l’hydrogène d’origine nucléaire, [le compromis] donne le cadre ambitieux pour la décarbonation du secteur aérien », a expliqué Agnès Pannier-Runacher. Un accord et des annonces qui n’arrivent pas à ce moment par hasard. Le salon aéronautique du Bourget, mondialement reconnu, s’est en effet déroulé la semaine suivante, du 19 au 25 juin 2023.
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faire une simulationL’Europe, « leader de la transition énergétique » au niveau international
La ministre française de la Transition énergétique estime que l’objectif fixé par la directive RED III « donne de la visibilité aux investisseurs ». Selon elle, il permet aussi à l’Europe de se positionner « comme leader de la transition énergétique pour atteindre la neutralité carbone d’ici 2050 ». Pour le ministre allemand Sven Giegold, « tout est là, juridiquement, pour accélérer l’installation des énergies renouvelables ».
Il est vrai que l’Europe est réellement sur le devant de la scène internationale dans ce domaine. Dans l’UE, 9 États dépassent déjà les 50 % d’électricité produite à base de renouvelables. On retrouve par exemple :
- le Luxembourg, en tête de cette liste avec 86 % ;
- l’Autriche ;
- la Lituanie ;
- la Suède ;
- la Croatie ;
- ou encore le Portugal.
D’autres pays atteindront la barre des 40 % d’électricité verte d’ici 2040, comme l’Espagne, l’Irlande ou l’Allemagne. Outre-Rhin, la volonté de mettre un énorme coup d’accélérateur dans la production renouvelable est très forte. Cela permettrait à Berlin de réduire sa dépendance au charbon. L’objectif du gouvernement allemand est donc :
- de passer de 46 % de productions renouvelables aujourd’hui ;
- à 80 % d’ici 2030 !
D’ailleurs, selon l’indice du cabinet d’audit financier londonien Ernst & Young (EY), l’importance germanique ne cesse de croître dans ce domaine. L’Allemagne vient effectivement de prendre la deuxième place à la Chine au classement des pays les plus attractifs pour les investissements solaires et éoliens. Les États-Unis sont en tête de ce classement.
Néanmoins, tous les pays de l’UE sont loin de montrer l’exemple au sujet du déploiement des énergies renouvelables. C’est notamment le cas de… la France, alors même qu’elle est le cinquième pays du monde le plus attractif pour les investissements solaires et éoliens ! Malgré cette place, son bilan des EnR pour 2022 est encore loin du compte. En mai 2023, Agnès Pannier-Runacher a même reconnu qu’avec le rythme actuel de déploiement, il serait impossible d’atteindre l’objectif de 33 % d’électricité verte fixé pour 2030. L’Hexagone accuse donc un retard conséquent vis-à-vis de ses voisins européens.
Des objectifs ambitieux dont on peut questionner la faisabilité réelle
L’accord du 16 juin sur la directive RED III porte les ambitions européennes à un niveau vraiment très élevé :
- l’objectif est donc d’atteindre 42,5 % de consommation européenne d’origine renouvelable en 2030 ;
- actuellement, cette part s’élève à 22 % « seulement ».
En moins de dix ans, il faudra par conséquent presque multiplier par deux la consommation énergétique verte en Europe. Le déploiement massif et phénoménal nécessaire pour respecter cet objectif amène alors à une question : est-ce réellement faisable ? Selon Le Point, il s’agit d’un objectif qui est « plus politique que réellement étayé par une étude réaliste de faisabilité ».
En effet, la France militait pour une barre fixée à 40 % alors que l’Allemagne ou l’Espagne visaient les 45 %. C’est donc bien un compromis politique qui a été trouvé avec ces 42,5 %. Avec une précision importante : s’ils le désirent, ces deux États très volontaires pourront pousser au-delà des 42,5 %. Si une hausse si importante se concrétise, cela ferait « autant d’efforts en moins à accomplir pour les autres » selon Le Point, dont la France par exemple.
Cependant, que représente concrètement l’augmentation considérable de la production renouvelable actée par Bruxelles ? C’est comme si, sur le continent, on construisait 17 terrains de football de panneaux solaires… tous les jours ! Ou alors 16 éoliennes sur terre et 4 en mer par jour… C’est Sven Giegold qui a utilisé cette image devant la presse. Le secrétaire d’État allemand a aussi indiqué que le but était d’atteindre une puissance de 100 gigawatts (GW) issus du solaire et de l’énergie éolienne.
Cet accord doit maintenant être entériné formellement par le Parlement européen et le Conseil européen. Cela devrait intervenir dans les prochaines semaines. Néanmoins, pour que ces objectifs se concrétisent, il y a un impératif : accélérer de manière spectaculaire la vitesse de délivrance des permis de construire des éoliennes. En Allemagne, il faut entre trois et quatre ans, ce qui est bien évidemment trop long. Bref… c’est loin d’être gagné.
Enfin, en mai 2023, Agnès Pannier-Runacher confessait même qu’« il n’y a aujourd’hui aucune feuille de route qui indique qu’on est collectivement capable de réaliser ces chiffres-là ». Pourtant, la France les a, depuis, acceptés. Voilà autant d’éléments qui démontrent qu’entre annonces, objectifs et réalité, il y a bien souvent un fossé d’envergure. Pour éviter que les Européens ne s’y précipitent, l’UE devra rapidement le combler.
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