Hydroélectricité : la situation difficile des barrages français

Derrière le nucléaire qui reste, encore en 2023, la pierre angulaire du système énergétique français, les énergies renouvelables gagnent toujours plus de terrain. Parmi elles, la plus importante est l’hydroélectricité. La France détient d’ailleurs le plus important parc hydroélectrique du continent européen. Pourtant, aujourd’hui, de nombreux acteurs regrettent que cette filière soit sous-exploitée et souffre, notamment, d’investissements insuffisants. Le réchauffement climatique et les sécheresses de plus en plus régulières mettent aussi à mal les capacités des barrages. Concernant ces derniers, les problèmes et les interrogations sont en fait nombreux. Quels sont-ils ? Quelles raisons ont causé ce manque d’exploitation et d’investissement dans un secteur qui produit pourtant plus que le solaire et l’éolien ? Quelles solutions sont envisagées pour rectifier le tir et permettre à la filière de participer pleinement à la transition écologique espérée ? Entre régime des concessions ou régime d’autorisation, Choisir.com vous apporte plusieurs éléments de réponse.

barrage français

L’énergie hydraulique en France : un secteur sous-exploité ?

Le mix énergétique français est, bien évidemment, dominé par l’énergie nucléaire, qui demeure son principal pilier. Le parc nucléaire national est effectivement doté d’une puissance de 61,4 gigawatts (GW). Toutefois, derrière lui, l’hydroélectricité est également un secteur énergétique très important pour notre pays.

L’hydroélectricité, la plus productrice des énergies renouvelables présentes en France

L’énergie hydraulique tient réellement un rôle majeur dans l’équilibre du réseau hexagonal. Quelques chiffres suffisent pour illustrer cette affirmation, puisque ce secteur :

  • représente 12 % de la production électrique de notre pays ;
  • a produit 62,5 térawattheures (TWh) d’électricité en 2021 ;
  • fournit de quoi alimenter 27 millions de Français.

D’après la Cour des comptes, « la France dispose en métropole du plus important parc [hydraulique] de l’Union européenne, d’une puissance de 25,4 GW ».

Malgré ce poids considérable, cette énergie renouvelable apparaît aujourd’hui comme une filière de plus en plus méconnue et sous-estimée. D’autres sources d’énergies vertes, comme l’éolien et le solaire, semblent beaucoup plus attractives alors qu’elles produisent beaucoup moins. L’hydroélectricité reste pourtant la première énergie verte de France.

Quel est le problème alors ? D’après certains observateurs, la filière est aujourd’hui sous-exploitée. Dans cette logique, notre pays devrait faire beaucoup plus pour remédier à cette situation et permettre aux barrages et ouvrages d’exprimer leur plein potentiel.

Quelle serait la cause de cette sous-exploitation ? Pas du réchauffement climatique ni des sécheresses répétées, qui impactent malgré tout de manière sensible cette filière. À cause de la montée des températures, 2022 a d’ailleurs été la pire année en matière de production hydroélectrique depuis 1976. C’est plutôt le régime des concessions, dans laquelle le secteur se trouve, qui est pointé du doigt par différents acteurs.

Régime des concessions ou régime d’autorisation ?

Aujourd’hui, le parc hydraulique français est constitué d’environ 340 ouvrages exploités en concession de service public. D’après la Cour des comptes, qui a publié un rapport sur ces concessions hydroélectriques en février 2023, elles sont réparties comme suit :

  • la majorité appartient à EDF, à hauteur de 70 % de la production hydroélectrique nationale ;
  • ensuite, le reste se répartit entre différentes filiales du groupe Engie, dont principalement :
    • la Compagnie nationale du Rhône (environ 25 %),
    • la Société hydro-électrique du Midi (moins de 3 %).

Depuis le milieu des années 2000, ce système de concessions est l’objet de nombreuses discussions entre l’Union européenne et le gouvernement français. C’est même un sujet de vives tensions qui a provoqué « vingt ans de bras de fer entre Paris et Bruxelles » d’après Le Figaro. Le rapport de la Cour des comptes de février indique effectivement que « ces contrats ont été passés par l’État au siècle dernier et viennent progressivement à échéance ». La Commission européenne souhaiterait ainsi que la France remette en concurrence ses concessions de barrage.

Toutefois, du côté de certains acteurs tricolores, le souhait serait plutôt de sortir de ce régime des concessions, qui expliquerait la faible exploitation du parc hydraulique. EDF se plaint en effet de ne pas pouvoir réaliser de travaux conséquents sans risquer d’en perdre la propriété. Pour quelle raison ? Car une directive européenne prévoit que tout investissement non prévu dans la concession doit déclencher une mise en concurrence.

Le mercredi 19 juillet 2023, Luc Rémont, PDG d’EDF, était auditionné à l’Assemblée nationale sur le sujet. Selon lui, « le régime des concessions en lui-même bloque les investissements » potentiels. L’argument développé par le patron d’EDF est que les investissements nécessaires pour développer la puissance d’un ouvrage ou en assurer la modernisation :

  • passe par la remise en concurrence ;
  • ce qui freine par conséquent les investissements et les projets de remise en état d’un ouvrage, par crainte d’en perdre la propriété (et les revenus qu’il génère).

Le souhait de l’énergéticien : que les ouvrages soient exploités sous le régime de l’autorisation. D’après Luc Rémont, c’est déjà ce qui se passe « dans la plupart des pays européens ». Ce changement permettrait d’« investir dans les barrages sans en perdre l’exploitation », résume un porte-parole d’EDF.

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Quelles solutions pour redonner de la vigueur au secteur hydroélectrique ?

« Au moment où le pays a besoin de plus d’énergies décarbonées commandables […] il est souhaitable pour le pays et même l’Europe que nous soyons capables de reprendre les investissements significativement dans ce domaine de l’hydraulique ». Voilà ce qu’a indiqué Luc Rémont le 18 juillet à l’Assemblée nationale. Cependant, quelles sont donc les pistes possibles pour que ce secteur redevienne réellement dynamique ?

38 ouvrages dont la concession attend d’être renouvelée… mais un secteur avec un vrai potentiel

Comme le faisait remarquer le même jour la députée Marie-Noëlle Battistel, « 38 concessions [hydrauliques] sont déjà échues » et donc non renouvelées. La poursuite de leur exploitation a, pour le moment, été autorisée. Toutefois, cette situation, qui dure depuis quelque temps déjà, ne peut pas être amenée à s’éterniser. Comme le fait remarquer la Cour des comptes dans son rapport de février dernier, cela « soulève de multiples difficultés depuis plusieurs années ».

C’est pourquoi la juridiction financière a appelé le gouvernement à en sortir rapidement. Le but : éviter que « la gestion de l’ensemble du parc hydroélectrique ne se dégrade et qu’il ne puisse jouer pleinement son rôle dans la transition énergétique ».

Maintenant, entre régimes des concessions ou d’autorisation, une réalité est certaine pour les spécialistes du secteur. Ceux-ci préviennent que « quel que soit le choix du gouvernement, la solution devra être :

  • conforme au droit européen ;
  • commune à l’ensemble des acteurs publics et privés ;
  • et équitable ».

De l’avis de beaucoup, le potentiel de l’hydroélectricité est encore évident malgré les canicules à répétition qui assèchent les cours d’eau. Dès la fin mars 2023, certains acteurs estimaient qu’une hausse des capacités de production de l’hydroélectricité est tout à fait possible. D’après eux, cette augmentation pourrait même être de l’ordre de 20 % d’ici la prochaine décennie.

Même son de cloche du côté de Luc Rémont. Selon lui, « notre pays a encore du potentiel dans le domaine de l’hydraulique ». À ses yeux, l’amélioration de ce secteur ne nécessiterait « pas forcément des constructions » nouvelles mais des « transformations ». Une des pistes évoquées par le patron d’EDF : des « rehausses » de barrages, en veillant à n’avoir qu’un « impact environnemental limité ».

Les STEP, un modèle de barrages à développer et prioriser ?

Emmanuelle Verger-Chabot est directrice d’EDF Hydro. De son point de vue, le « potentiel de développement est encore très important ». Celle-ci assure qu’il pourrait y avoir « au moins 500 mégawatts (MW) d’augmentation de puissance et 1 500 MW de capacités en stations de transfert d’énergie par pompage (STEP) à l’horizon 2035 ».

Et si la solution pour permettre le développement de l’hydraulique français était de miser sur ces STEP ? Ces barrages d’un type bien particulier sont extrêmement intéressants, parce qu’ils :

  • fonctionnent comme des « méga-batteries » à ciel ouvert. Composés de deux bassins situés à deux altitudes différentes, ils sont équipés d’un système de turbines. Celui-ci permet de lâcher l’eau pour générer de l’énergie, puis de la repomper au besoin ;
  • permettent ainsi d’absorber les pics de production pour stocker à grande échelle cette électricité verte, ce que ne peuvent faire ni les panneaux photovoltaïques ni les éoliennes.

Ces STEP et leur fonctionnement sont donc très pratiques pour restituer de l’électricité sur le réseau lorsque la demande en électricité augmente, et son prix également. Pour la Cour des comptes, il s’agit d’« un type d’équipement de grande puissance mais aux investissements considérables ». Sur ses 340 ouvrages, la France ne compte que 6 STEP. La juridiction financière a appelé l’État à « proposer un modèle de rémunération propre » à ces STEP, correspondant à « leur contribution au fonctionnement du système électrique français ». Pour la mise en œuvre rapide de l’indispensable transition écologique à mener à bien, espérons que tous ces changements puissent se réaliser au plus vite.

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