Engie s’approvisionne en gaz de schiste américain pour ne plus dépendre du gaz russe
Engie (ex-GDF) est dépendant à 20 % de la Russie pour son approvisionnement en gaz. Avec la crise ukrainienne, les tarifs du gaz sont très élevés, et Engie a décidé, comme de nombreux acteurs de la filière, de diversifier ses fournisseurs en se tournant vers les autres pays producteurs comme les États-Unis. Cependant, ce choix fait polémique. Au pays de l’oncle Sam, près de 80 % du gaz produit est du gaz de schiste, interdit en France. Engie a dernièrement confirmé la signature d’un contrat d’approvisionnement avec un fournisseur gazier américain, et affirme qu’une partie non mesurée du Gaz naturel liquéfié (GNL) qui lui sera livré est « d’origine non conventionnelle ». Cette décision fait débat et questionne les engagements environnementaux du fournisseur historique mais aussi du gouvernement. Explications.

Pourquoi Engie s’approvisionne en gaz de schiste depuis les États-Unis ?
Avec la hausse des prix du gaz russe, il est devenu difficile pour de nombreux fournisseurs européens de se fournir. Deux enjeux majeurs se présentent à eux :
- continuer à alimenter leurs clients ;
- maintenir des prix raisonnables pour leurs clients finaux.
Se tourner vers d’autres pays producteurs
La Russie est le premier fournisseur de gaz pour l’Europe avec un total de 400 milliards de mètres cubes répartis entre les états du vieux continent à l’année. Avec le conflit en Ukraine, les importations ont été perturbées pour des raisons à la fois politiques et économiques.
Nombreux sont les pays qui se sont retrouvés sans ressource de gaz ou à des prix trop élevés. Les réserves européennes de gaz s’épuisent peu à peu et il faut déjà prévoir leur remplissage pour l’hiver 2022. Pour sortir de cette impasse, l’Europe étudie les autres pays exportateurs :
- la Norvège, première solution pour les pays européens ;
- les États-Unis qui espèrent augmenter leurs exportations au détriment de la Russie ;
- l’Algérie dont la production est encore trop limitée pour répondre à la demande ;
- les pays du Golfe ;
- l’Iran.
Néanmoins, réunis ils couvrent à peine la totalité des importations de gaz nécessaire et surtout desservent d’autres clients. C’est pourquoi, les entreprises gazières se pressent pour être les premières servies et négocier les meilleurs tarifs.
Gaz de schiste : une solution face à la pénurie de gaz ?
C’est ce qu’affirment Engie et ses dirigeants. Son recours au gaz de schiste auprès de fournisseurs américains serait dans le seul but de « garantir la sécurité d’approvisionnement de ses clients ».
Le leader historique précise par ailleurs que son contrat avec Cheniere, le gazier texan, ne représente que 2 % des volumes de gaz qu’il prévoit d’acheter d’ici 2030. Un second contrat aurait été confirmé cette fois-ci avec le groupe américain NextDecade, dont le volume représente 1,75 million de tonnes de GNL/an.
Or, le gaz provenant des États-Unis est souvent issu de la fracturation hydraulique. Selon l’Administration des informations sur l’énergie (EIA) des États-Unis, en 2020, le gaz de schiste représentait 79 % de la production de gaz américaine.

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faire une simulationLe recours du gaz de schiste : une remise en cause des objectifs environnementaux ?
En choisissant de se tourner vers les États-Unis, le groupe Engie fait le choix d’importer du gaz non-conventionnel. Ce choix est critiqué par des nombreux acteurs environnementaux. L’exploitation de gaz de schiste est interdite en France depuis 2011, malgré de nombreux gisements exploitables. En effet, l’extraction des gaz de schistes n’est pas sans danger sur l’environnement.
Un danger pour l’environnement
La « fracturation hydraulique » nécessite le forage de 1 à 3 km de profondeur, le recours à de grandes quantités d’eau et de produits chimiques pour briser la roche. Les produits chimiques utilisés lors du forage infestent les nappes phréatiques, ce qui est nuisible pour l’approvisionnement en eau potable sur le long terme.
De plus, son extraction libère du méthane, gaz très nocif lorsqu’il est rejeté dans l’atmosphère. En effet, le méthane est 28 fois plus chargé en carbone que le dioxyde de carbone (CO2). Selon les Échos : « Sur une période de 100 ans, l’impact du méthane reste 28 fois plus élevé que celui du CO2. »
Engie sera-t-il interdit d’importer son gaz de schiste depuis les États-Unis ?
En 2020, Engie avait signé un contrat pour importer du gaz depuis les États-Unis. Ce contrat induisant l’importation de gaz de schiste avait été vivement critiqué par des ONG environnementales, notamment par les Amis de la Terre. Le gouvernement avait contraint l’entreprise de renoncer à son contrat avec le gazier américain.
Cette fois-ci l’État n’a pas fermé la porte. Une décision que critique Lorette Philippot, chargée de campagne chez les Amis de la Terre : « L’État principal actionnaire d’Engie rejetait il y a moins de deux ans la signature d’un tel contrat car contraire à ses prétentions environnementales, pour mieux revenir aujourd’hui sur cette décision en donnant activement ou implicitement son feu vert. »
En outre, des bruits courent également sur le fait qu’un projet de terminal méthanier flottant au large du Havre soit en construction, afin d’augmenter les capacités de réception de GNL importé par bateau.
Une décision à l’encontre de France 2030
La situation actuelle de crise remet en question les priorités affichées par la France, ainsi que l’Union européenne. En octobre 2021, le gouvernement présentait son programme « France 2030 », dont le mot d’ordre est « décarboner la France ». L’objectif ? Sortir progressivement des énergies fossiles, dont le gaz fait partie pour atteindre la neutralité carbone.
Or, le gaz de schiste apparaît comme plus polluant que le charbon et le pétrole. Selon une étude de l’Université de Cornell : « Par rapport au charbon, l’empreinte du gaz de schiste est plus importante d’au moins 20 %, et peut-être même deux fois plus importante, sur 20 ans, et est comparable sur 100 ans. »
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faire une simulationRePowerEU : l’Union européenne veut réduire sa dépendance au gaz russe
Engie n’est pas le seul acteur européen à s’approvisionner en gaz américain. Par exemple, selon les données d’Enagás, le gestionnaire de réseau de distribution espagnol, les États-Unis sont le principal exportateur de gaz naturel vers l’Espagne, représentant 43,3 % de la consommation totale de cette matière première.
Le recours au gaz américain entre dans le cadre de la stratégie européenne de s’indépendantiser des apports en gaz de Russie. En effet, le 8 mars dernier, Ursula von der Leyen, Présidente de la Commission européenne, présente le plan REPowerEU pour faire face à la crise énergétique liée à la guerre en Ukraine.
Ce dernier s’articule autour de 3 grands axes :
- diversifier les importations de gaz ;
- réduire le recours aux énergies fossiles ;
- développer les énergies renouvelables.
Diversifier les importations de gaz
L’Europe invite les entreprises et les États membres à diversifier leurs importations par gazoduc en provenance d’Azerbaïdjan, d’Algérie et de Norvège ou en augmentant notamment le recours au GNL. À ce titre, les États-Unis se sont d’ailleurs engagés à livrer en 2022 15 milliards de mètres cubes supplémentaires de Gaz naturel liquéfié (GNL) vers le marché européen.
En outre, l’UE entend intensifier l’importation en biométhane et hydrogène, en développant des projets communs :
- « Accélérateur Hydrogène » pour le remplacement de 25 milliards m³ de gaz russe ;
- la méthanisation des secteurs agricoles, qui pourrait permettre de remplacer 30 milliards de m³ de gaz.
Réduire le recours aux énergies fossiles
Si le plan incite les pays européens à diversifier leurs apports en gaz, il ne perd pas complètement de vue le paquet « Ajustement à l’objectif 55 » qui vise à réduire la consommation énergétique de chaque pays.
L’UE engage chaque citoyen à réduire sa consommation énergétique. Selon elle, le simple fait de réduire individuellement la température de sa chaudière à gaz permettrait d’économiser jusqu’à 10 milliards de m³ de gaz russe. C’est aussi ce que préconise l’Agence internationale de l’énergie (AIE).
Développer les énergies renouvelables
En raison de la crise actuelle, la Commission européenne a revu à la hausse son objectif 2030 en matière d’énergies renouvelables. Elle souhaite le relever de 40 %, ce qui permettrait d’atteindre en 2030 1 236 GW de capacité de production contre 511 actuellement.
Pour cela, Bruxelles souhaite notamment développer l’énergie solaire. Selon la Commission, « en accélérant le déploiement des systèmes photovoltaïques installés sur les toits de 15 TWh cette année, l’UE pourrait économiser 2,5 milliards de m³ de gaz supplémentaires ». Dans cette optique, elle souhaite que les États facilitent le développement des énergies renouvelables par la simplification des processus administratifs.

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