Pénurie d’énergie : le pire est-il à venir pour l’Europe ?
« Le pire reste à venir » pour l’Europe. Voilà ce qu’a affirmé le ministre de l’Énergie du Qatar le 23 mai 2023. Ce dernier parlait du problème de pénurie énergétique auquel le Vieux Continent est exposé depuis le déclenchement de la crise de l’énergie en 2022. Selon d’autres observateurs et lui-même, c’est un miracle si l’Europe n’a pas connu davantage de problèmes dans ce domaine lors de l’hiver dernier. De son point de vue, si nous connaissons en fin d’année un « hiver normal », alors les difficultés devraient être bien plus grandes encore. Toutefois, le Qatar est aussi l’un des premiers pays exportateurs de gaz au monde. Alors, point de vue objectif ou plutôt intéressé ? Choisir.com tente de répondre à cette question.

« Le pire reste à venir » au niveau énergétique pour l’Europe, d’après le ministre qatari de l’Énergie
Saad Sherida Al-Kaabi est le ministre de l’Énergie du Qatar, petit pays de la péninsule arabique. Celui-ci était présent le mardi 23 mai dernier au Forum économique du Qatar qui se tenait à Doha, la capitale.
À cette occasion, le ministre qatari s’est fendu d’une déclaration qui pourrait en effrayer plus d’un. Ce dernier a effectivement affirmé que, au niveau énergétique, « le pire reste à venir » pour l’Europe. En ligne de mire : les pénuries de pétrole et de gaz auquel a dû faire face le continent depuis un an.
Il est vrai qu’en 2022 l’Europe a été profondément impactée par une crise énergétique sans précédent. L’une de ses principales causes a été le déclenchement de la guerre en Ukraine en février 2022. En effet, l’invasion de ce pays par la Russie a précipité l’arrêt des livraisons de gaz naturel russe, envers lesquelles les Européens étaient très dépendants. Cette situation a eu pour conséquence une flambée des prix de l’énergie et de fortes tensions qui :
- ont fait apparaître la crainte de coupures et de mesures de délestage durant l’hiver 2022-2023 ;
- ont obligé l’Europe, pour faire face à cette menace et assurer sa sécurité énergétique, à réaliser des importations record de GNL en 2022.
Saad Sherida Al-Kaabi a également livré sa vision quant à la façon dont le continent européen a pu sortir de cette période délicate. Selon lui, l’Europe n’a dû sa sauvegarde énergétique qu’à un hiver qui s’est révélé bien plus clément que redouté. « La seule chose qui a sauvé l’humanité et l’Europe cette année a été un hiver chaud et le ralentissement de l’économie », a indiqué le ministre qatari. Le ministre de l’Énergie de l’Arabie saoudite a un avis encore plus tranché. Il s’agit du prince Salmane ben Abdelaziz qui a effectivement estimé que l’Europe avait été « sauvée par un don de Dieu » l’hiver dernier.
Plus dans le détail, Saad Sherida Al-Kaabi a jugé que « si l’économie commence à s’emballer en 2024 à cause d’un hiver normal, je pense que le pire reste à venir ». Il s’agit là d’une crainte que, au moins en partie, certains partagent. Dès décembre 2022, Emmanuelle Wargon, présidente de la Commission de régulation de l’énergie (CRE), avait fait connaître sa position. Elle s’était alors posé la question du niveau du stock de gaz français et de la sécurité énergétique du pays pour l’hiver 2023-2024.
Puis, dès la fin mars dernier, plusieurs observateurs avaient noté que ces stocks de gaz étaient plus faibles et inquiétants que prévu. De quoi voir des signes augurant de difficultés encore plus grandes à venir pour la fin de cette année 2023 ?
Saad Sherida Al-Kaabi a en tout cas averti l’Europe quant à cette situation qu’il juge précaire. « S’ils n’en prennent pas conscience, s’ils n’ont pas de plan adéquat, s’ils ne diabolisent pas les compagnies pétrolières et gazières et s’ils ne s’assoient pas avec les producteurs », les Européens devront faire face à une « réalité [qui] s’imposera ». Autrement dit : à d’immenses difficultés énergétiques.
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faire une simulationL’objectif qatari et d’autres pays du golfe persique : faire signer des contrats de livraison de gaz aux pays européens
Ces déclarations et avertissements peuvent impressionner et faire peur. Il est vrai que la crise énergétique a durement frappé tous les Français et que nul ne souhaite revivre pareille situation. Toutefois, il ne faut pas oublier que le Qatar, riche émirat de la région du golfe persique, compte parmi les premiers exportateurs de gaz au monde. Son objectif actuel est justement de parvenir à conclure des contrats de longue durée avec les pays européens.
La plupart d’entre eux s’y étaient, pendant longtemps, refusés. Toutefois, la recherche d’alternatives aux énergies fossiles russes pourrait peut-être rebattre les cartes. D’ailleurs, une part du gaz naturel liquéfié (GNL) importé en 2022 par le Vieux Continent provenait du Qatar.
Le 23 mai dernier, Saad Sherida Al-Kaabi a également fait savoir que le Qatar s’est engagé à développer l’exploitation du champ North Field. Il s’agit de l’un des plus grands gisements de gaz naturel au monde, situé entre les eaux territoriales de l’Iran et du Qatar. L’ambition émiratie est de porter sa production à 126 millions de tonnes de gaz par an d’ici à 2027.
Le ministre qatari de l’Énergie a indiqué que l’ensemble de la production pourrait faire l’objet d’accords de long terme d’ici à la fin 2023. Et ce, aussi bien pour ce qui provient du North Field East (NFE) que du North Field South (NFS). « Il est possible que nous n’ayons plus de gaz provenant du NFE et du NFS d’ici à la fin de l’année, en ce qui concerne les contrats de longs termes », a expliqué Saad Sherida Al-Kaabi.
Les pays européens feront-ils partie des États signataires de ces contrats de long terme ? Fin 2022, le Qatar avait officialisé un accord pour la livraison de GNL en Allemagne sur une période de 15 ans. Début mai 2023, le géant français TotalEnergies annonçait la signature d’un gros contrat de livraison de GNL. Celui-ci proviendra des Émirats arabes unis, mais l’accord ne doit durer que jusqu’en 2025.
Toutefois, si les pays d’Europe se lancent dans cette voie, ne serait-ce pas opposé à leurs objectifs de décarbonation de l’économie et de développement des énergies renouvelables ? Certains d’entre eux, dont la France et dans le cadre du G7, se sont aussi dernièrement engagés à « accélérer » la sortie des énergies fossiles. Ne serait-ce alors pas un manquement à sa parole et à ses objectifs annoncés que de signer des contrats de long terme pour du GNL ?
L’opposition entre énergie propre et carbonée pour assurer notre sécurité énergétique est bien connue et très actuelle. Le ministre saoudien Salmane ben Abdelaziz a son opinion sur la question. Celui-ci a jugé que la sécurité énergétique mondiale était menacée par les « politiques de fuite en avant ». C’est ici une référence aux ambitions de protections environnementales qui se heurtent à l’utilisation des hydrocarbures. Ce que regrettent le Qatar, l’Arabie saoudite comme de multiples pays du golfe sans doute : que « les pays [européens] n’investissent pas dans le pétrole et le gaz ».
Alors, concernant ce pire qui est à venir pour l’Europe, la question se pose. La situation énergétique n’est certes pas idéale et reste même plutôt fragile. Toutefois, ne doit-on voir dans cette formulation grandiloquente qu’une tentative d’effrayer les Européens pour les pousser à signer des contrats de gaz et de pétrole ?
Rappelons que la prochaine COP 28, censée œuvrer pour la protection de l’environnement, aura lieu en fin d’année 2023 aux Émirats arabes unis. Le président de cette COP, le sultan Ahmed Al-Jaber, a déjà fait comprendre sa position énergétique. Début mai, il a effectivement déclaré qu’il n’envisage pas un arrêt des énergies fossiles dans un « avenir prévisible ». À l’heure de l’urgence climatique et environnementale, la volonté des États du golfe persique reste donc inchangée : qu’un maximum de pays investisse dans l’or noir. En cette période délicate, vous songez peut-être à changer de fournisseur de gaz ou même d’électricité ? Si c’est le cas, pensez à utiliser le Comparateur Énergie de Choisir.com. Grâce à lui vous obtiendrez facilement des informations utiles pour y voir clair parmi de nombreuses offres du marché. Vous pourrez alors rapidement faire un choix qui vous conviendra pleinement !
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