Renouvelables : en infraction, la France discute avec l’UE
Ce n’est plus un secret pour personne : la France est un mauvais élève européen en question de déploiement des énergies renouvelables. Notre pays est en effet le seul État de l’Union européenne à ne pas avoir respecté ses objectifs de développement d’énergie verte pour 2020. Trois ans après, le gouvernement n’y est toujours pas et n’a justifié devant l’exécutif européen d’aucune démarche réalisée pour tenter de combler son retard. En totale infraction, la France pourrait donc devoir faire face à des sanctions. Pour les éviter, Paris et Bruxelles discutent actuellement. Le souhait de l’exécutif tricolore : que les efforts français en la matière soient pris en compte par la Commission européenne. Choisir.com revient sur cette situation et vous livre plusieurs clés de lecture.
La France en infraction, bientôt sanctionnée par Bruxelles ?
C’est un fait : parmi les 27 États membres de l’Union européenne (UE), la France est le seul à ne pas avoir rempli ses objectifs de diffusion des renouvelables pour 2020. La directive européenne sur les énergies renouvelables (EnR) lui avait fixé une barre de 23 % d’énergie verte à atteindre dans sa consommation finale. Deux ans après la date limite pour tenir cet objectif, en 2022, notre pays n’en était encore qu’à 20,7 %. Cinq autres pays de l’Union étaient alors dans la même situation en 2020 :
- le Luxembourg ;
- la Slovénie ;
- l’Irlande ;
- les Pays-Bas ;
- la Belgique.
Le 26 juin 2023, la Cour des comptes européenne a publié son rapport sur les objectifs de l’Union européenne en matière de climat et d’énergie. Elle y rappelle que la France, plus de trois ans après, est toujours en infraction.
Il faut savoir que la législation européenne a créé, au sujet du déploiement des EnR, ce qui est nommé des mécanismes de flexibilité. Ces derniers sont des mesures qui doivent permettre aux États de compenser l’écart entre :
- leur production réelle d’énergies renouvelables ;
- l’objectif de déploiement de ces énergies fixé pour 2020.
Ces mécanismes de flexibilité comprennent quatre moyens différents, parmi lesquels :
- l’achat de « mégawatts statistiques » aux États membres excédentaires. Concrètement, il s’agit du rachat du surplus de leur production de renouvelables ;
- le développement et le soutien de projets conjoints d’EnR.
En 2020, avec la France, ils étaient donc au total 6 pays à ne pas être parvenus à tenir leurs objectifs verts. Sauf que, depuis, le Luxembourg, la Slovénie, l’Irlande, les Pays-Bas et la Belgique ont tous utilisé ces mécanismes de flexibilité pour honorer leur engagement. En réalité, ils n’avaient pas vraiment le choix puisque le droit européen leur imposait cette procédure. Notre pays, lui, a décidé de ne pas la suivre.
La France est donc le seul État de l’UE à ne pas avoir compensé son déficit et à n’avoir recouru à aucun mécanisme de flexibilité. C’est ce qu’a indiqué Joëlle Elvinger, membre de la Cour des comptes européenne, au cours de la présentation du rapport. « En avril 2023, la France n’avait pas acheté la part d’énergie renouvelable nécessaire pour atteindre son objectif de 2020 », a-t-elle regretté. Pire : « Jusqu’à présent, la France n’a pas officiellement communiqué les mesures qu’elle a prises pour remplir ses obligations en vue d’atteindre l’objectif de 2020 ». Voilà ce qu’a confirmé la Commission européenne au média Euractiv. En totale infraction, la France pourrait donc faire face à des sanctions européennes.
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faire une simulationParis discute avec Bruxelles dans le but d’éviter les sanctions
Sans aller jusqu’à affirmer que l’exécutif français a été inactif dans ce domaine, une chose est sûre : le bilan 2022 des renouvelables est (encore) loin du compte.
Une loi d’accélération des énergies renouvelables a certes été adoptée en février 2023. En novembre 2022, pendant les discussions parlementaires de ce texte, Agnès Pannier-Runacher, ministre de la Transition énergétique, avait parlé de négociations en cours pour un possible rachat de « mégawatts statistiques ». Menées avec l’Italie et la Suède, un montant d’environ 500 millions d’euros avait été évoqué.
Comment comprendre et analyser l’existence de ces démarches françaises ? Par une envie forte d’œuvrer en faveur de la transition écologique ? Puisque finalement la France n’a pas donné suite, difficile de croire en cette hypothèse. Ces négociations étaient-elles davantage motivées par la crainte de représailles et d’amende à payer et la volonté de faire « bonne impression » à Bruxelles ? Il est permis de se poser la question.
Reste que, d’après l’exécutif européen, aucune procédure à l’encontre de notre pays n’est en cours. « En général, il n’y a pas de délai légal pour que la Commission engage une procédure d’infraction à l’encontre d’un État membre », explique la Commission européenne.
Par contre, les exécutifs français et de l’Union ont confirmé l’existence de discussions entre Paris et Bruxelles. Le but : trouver des solutions face à ces objectifs encore non remplis trois ans après. « La Commission a engagé un dialogue avec la France sur cette question », explique l’exécutif européen. Celui-ci a rappelé au gouvernement français « l’importance de se conformer à ses obligations légales et de prendre les mesures appropriées sans plus tarder ». Trois ans après…
De son côté, le cabinet d’Agnès Pannier-Runacher a affirmé que « la Commission prend en compte les efforts que la France est en train de mener ». D’après lui, l’UE est « sensible à la loi d’accélération des énergies renouvelables promulguée en mars » dernier.
Le ministère avance aussi que l’exécutif européen ne compte pas appliquer les règles « de façon bête et méchante ». La raison : il aurait conscience que la France dispose de l’un des mix énergétiques les plus décarbonés d’Europe. Si en 2022 l’électricité produite grâce au gaz s’élève encore à 9,9 %, il est vrai que 86 % du mix français est désormais décarboné.
La priorité française : décarboner… mais pas forcément par les renouvelables
Au niveau de la production des renouvelables, le ministère de la Transition énergétique ne manque pas de vanter les efforts français de ces dernières années. D’après lui, la France fait même mieux que son voisin allemand, souvent érigé en modèle dans ce domaine. « Nous sommes […] devant l’Allemagne, avec un développement de +46 % entre 2012 et 2021, contre 42 % côté allemand », précise l’entourage de la ministre.
Dans tous les cas, la croissance verte française repose sur trois secteurs clés :
- l’énergie éolienne terrestre ;
- l’énergie solaire ;
- la biomasse, première source d’EnR en France en 2022.
La France souhaite aussi accélérer dans le domaine de l’éolien offshore. Dans ce cadre, notre pays et huit de ses voisins se sont engagés en avril 2023 à développer le nombre d’éoliennes en mer du Nord.
L’objectif européen est de réduire les émissions continentales de gaz à effet de serre (GES) de 55 % entre 1990 et 2030. Côté français, on a une idée claire sur la façon dont parvenir à tenir cet engagement. Pour le cabinet d’Agnès Pannier-Runacher, « Il ne faut pas confondre la fin et les moyens. Les énergies renouvelables ne sont qu’un moyen d’atteindre les objectifs de décarbonation de l’UE ».
Cette déclaration très éclairante montre quelle est la priorité française en matière énergétique, et ce ne sont pas les énergies renouvelables. Au contraire, la volonté présidentielle et du gouvernement d’Élisabeth Borne est avant tout de compter sur l’énergie nucléaire, qui représente déjà 62,7 % de l’électricité nationale. Cette ambition de développer l’atome sur le territoire français et en Europe a d’ailleurs provoqué de vives en tensions dans l’Union, entre :
- l’« Alliance du nucléaire », groupe de pays formé par… la France ;
- les « Amis du renouvelable », créé à l’initiative de l’Autriche, en réaction à la démarche tricolore.
Fin juin 2023, la France est sortie satisfaite du compromis européen trouvé sur les objectifs de renouvelables. Cet accord, donnant naissance à la nouvelle directive RED III :
- fixe à 42,5 % d’EnR la consommation finale brute d’énergie que le continent doit atteindre en 2030 ;
- reconnaît par contre à la France la place du nucléaire pour remplir une partie de ses engagements.
Certains États comme l’Espagne, opposé à notre pays sur le sujet, ont dû vivement regretter la reconnaissance du nucléaire dans la directive RED III. Il est vrai que si l’énergie atomique est décarbonée, elle n’est pas sans poser de problèmes pour l’environnement (gestion des déchets, risques potentiels…) Le fait que la France puisse se donner le droit de ne pas tenir ses engagements sans en subir de conséquences doit aussi faire grincer quelques dents… Si les 26 autres membres de l’UE ont su atteindre leurs objectifs de renouvelables, pourquoi pas le gouvernement français ?
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