Émissions carbone : -5,8 % en France en 2023, est-ce suffisant ?

Sur l’ensemble de l’année 2023, les émissions de gaz à effet de serre en France ont connu une chute de 5,8 %. « Une bonne nouvelle » pour les ONG environnementales comme pour le gouvernement sur la voie de la neutralité carbone. L’exécutif argue d’ailleurs que ce résultat positif constitue la preuve de l’efficacité de sa politique écologique. Toutefois, certains acteurs avancent d’autres éléments de réponse. Choisir.com vous en dit plus.

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En 2023, la diminution des émissions carbone en France a plus que doublé par rapport à 2022

En matière environnementale, l’objectif officiel du gouvernement français est de diminuer ses émissions de gaz à effet de serre (GES) de 50 % d’ici 2030. Son but est de tenir le rythme des ambitions fixées par les engagements européens, visant :

Fin mai, au cours d’un meeting électoral en Mayenne, Gabriel Attal a justement abordé ce sujet. Le Premier ministre a annoncé que ces émissions carbone se sont réduites de 5,8 % dans le pays entre 2022 et 2023. Meilleur que ce qui était prévu, ce chiffre provient du Citepa, le Centre interprofessionnel technique d’études de la pollution atmosphérique. Il s’agit d’un organisme spécialisé dans ce domaine établissant, de façon annuelle, un inventaire national des émissions de GES et polluants atmosphériques.

Avec cette baisse, assiste-t-on à la confirmation d’une véritable dynamique française ? En effet, en 2022, l’Hexagone avait déjà connu un recul de ses émissions, de 2,7 % sur l’ensemble de l’année. L’enclenchement de cette tendance que tous espèrent durable fait suite à :

  • une hausse des émissions de 5,7 % en 2021 ;
  • une forte réduction de 9 % en 2020, due aux confinements liés à la pandémie de la Covid-19.

Le Citepa s’attendait même, en mars, à une diminution de « seulement » 4,8 % en 2023. Ce chiffre déjà élevé avait amené Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique, à clamer qu’il s’agissait là d’« une année record ». Avec cette baisse encore plus marquée, les réjouissances sont à l’ordre du jour dans les rangs du gouvernement. De quoi faire dire à Gabriel Attal que « nous n’avons de leçons à recevoir de personne en matière d’efficacité écologique et environnementale ».

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Une réduction s’expliquant peut-être plus par des facteurs conjoncturels que par la politique écologique française

Il est vrai que, dans le domaine de la transition énergétique, la France est souvent perçue comme le « mauvais élève européen ». Le bilan 2023 sur le déploiement des renouvelables dans le pays était encore loin du compte. L’Hexagone est en effet l’un des seuls États de l’Union européenne (UE) à ne pas avoir respecté les engagements verts pris à l’échelle continentale. D’ailleurs, en mars, le ministre de l’Économie Bruno Le Maire a indiqué que la France refusait les objectifs chiffrés européens au sujet des renouvelables.

Il est vrai que, pour la première fois en 2023, la part d’énergie renouvelable dans la consommation totale d’électricité en France a dépassé les 30 %. Conjuguée à la diminution des émissions carbone, peut-on voir là des signes tendant à prouver l’efficacité de l’action menée par l’exécutif français face à l’urgence climatique ? Rien n’est moins sûr.

Certes, le Citepa juge que l’un des facteurs explicatifs de cette baisse est sans doute la loi Climat et Résilience de 2021. Celle-ci aurait provoqué une chute des émissions liées aux vols domestiques en France. Le texte limite effectivement les vols intérieurs en cas d’alternative ferroviaire proposant un trajet n’excédant pas 2 heures 30.

Le changement des pratiques des individus et des entreprises forme un autre élément ayant rendu possible cette évolution. Pour autant, plusieurs ONG estiment que celle-ci a plus à voir avec des raisons conjoncturelles qu’une véritable politique écologique menée depuis l’Élysée et Matignon. Colas Robert, ingénieur au Citepa, le concède également à demi-mot. Ainsi, l’organisme ne peut, « à ce stade, […] quantifier précisément la part que l’on pourrait affecter à des facteurs structurels ou à ceux des conjoncturels ».

De ce fait, les facteurs ayant réellement approfondi cette tendance baissière seraient peut-être :

  • l’hiver 2023-2024 extrêmement doux qu’a connu la France. Ces conditions météorologiques favorables ont provoqué une baisse de la consommation électrique entre 7 % et 8 % fin 2023 ;
  • la reprise globale des centrales nucléaires en 2023, permettant une production bas carbone beaucoup plus importante qu’en 2022 ;
  • le ralentissement économique que connaît actuellement le pays. La croissance, plus faible que prévu, oblige d’ailleurs le gouvernement à trouver 10 milliards d’euros pour clôturer son budget. À cause de cela, l’enveloppe du ministère de la Transition écologique fond comme neige au soleil. Résultat : le dispositif MaPrimeRénov’ a été amputé de 1 milliard d’euros en mars dernier ;
  • l’inflation et la hausse du coût des énergies. 2023 a par exemple été marquée par plusieurs augmentations successives du prix de l’électricité, impactant gravement le pouvoir d’achat des ménages. Pour réduire le montant astronomique des factures, certains ont été obligés de moins consommer. L’ONG environnementale 350.org estime d’ailleurs que la baisse des émissions s’explique moins par une « sobriété non choisie » que par la « précarité subie » par les Français.

Émissions carbone : une baisse « encourageante » mais à nuancer ?

Pour réaliser ces bilans carbone français entre mars et mai, les méthodes utilisées par le Citepa ont légèrement varié, expliquant la différence :

  • entre l’estimation de -4,8 % de mars, qui reposait sur des indicateurs mensuels ;
  • et celle de -5,8 % de mai, qui se base sur des indicateurs annuels.

Colas Robert explique que ces derniers « sont plus précis et nous permettent d’affiner nos calculs ». Dans son bilan « consolidé », l’association note également que « tous les grands secteurs émetteurs » de CO2 sont concernés par cette baisse et y ont pris part :

  • l’énergie (-17,9 % par rapport à 2022) ;
  • l’industrie (-8,7 %) ;
  • les transports (-3,4 %) ;
  • l’agriculture (-1,6 %).

Pour autant, le Citepa souligne également qu’un nouveau calcul plus précis a « toujours lieu deux ans après l’année en question ». Ainsi, même si « en général, la différence est très faible », note Colas Robert, l’estimation de -5,8 % n’est pas « définitive ».

De plus, le chiffre fourni sur la baisse des émissions de CO2 concerne « seulement » celles générées sur le territoire national. Elle n’indique donc pas la tendance de l’empreinte carbone totale du pays. Dans le bilan global doivent aussi être intégrées, notamment, les émissions liées aux importations. Ces dernières demeurent justement importantes, par exemple dans le domaine de l’approvisionnement énergétique.

Les émissions territoriales françaises sont en réalité passées de :

  • 404 millions de tonnes d’équivalent CO2 (MtCO2e) en 2022 ;
  • à 385 MtCO2e en 2023.

Toutefois, l’empreinte carbone globale s’élevait, avec les importations, à 623 MtCO2e en 2022. Pour l’an passé, ce chiffre n’est pas encore connu.

Cette donnée, comme les raisons conjoncturelles expliquant la baisse, oblige donc à tempérer les élans d’optimismes. Si pour les ONG, la régression des émissions reste, « une bonne nouvelle », une autre réalité ne doit non plus pas être oubliée. Celle que la France ne se trouve toujours pas dans une position où elle n’émet pas plus de GES qu’elle n’en capte. La faute à l’absorption du carbone par les sols et les forêts tricolores, encore insuffisante.

Enfin, si le Citepa estime que cette réduction des émissions est « encourageante », il reste clair sur l’importance de la dynamique amorcée. Et justement, celle-ci ne l’est pas encore assez. « Si on veut atteindre la neutralité carbone [en 2050], il nous faudra des baisses encore plus fortes », prévient Colas Robert. De leur côté, plusieurs ONG environnementales poursuivent d’ailleurs l’État en justice dans une procédure pour inaction climatique surnommée « l’Affaire du siècle ». Vous aussi, vous voulez accélérer la décarbonation dans le pays ? Dans ce cas, optez pour une offre verte en utilisant le Comparateur Énergie de Choisir.com. Cet outil pratique et gratuit vous aidera à faciliter vos recherches d’une offre renouvelable adaptée à vos besoins.

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