Gaz russe : des importations européennes en augmentation !
Depuis l’invasion ukrainienne, les grands dirigeants politiques de l’Union européenne ne cessent de clamer leur volonté de réduire leur dépendance au gaz russe. Pourtant, les importations vers le continent de cette énergie fossile provenant de Russie ne font qu’augmenter depuis neuf mois. En mai 2024, ces livraisons de gaz ont même dépassé celles originaires des États-Unis. Une situation pleine d’« hypocrisie » que dénoncent certains experts et sur laquelle revient Choisir.com.
Depuis 2022, une forte réduction des importations de gaz russe en Europe…
À bien des égards, 2022 a formé une année de bascule pour l’Europe. Accompagnant la grave crise énergétique subie par le continent tout entier, cette dernière a été marquée par la chute notable des importations de gaz russe :
- en 2022, le gaz consommé dans l’Union européenne (UE) provenait à 40 % de Russie ;
- aujourd’hui, cette part est redescendue à 15 %. Dans le détail, ce chiffre se compose de :
- 8 % de gaz naturel livré par pipeline,
- 7 % de gaz naturel liquéfié.
Cause principale de ce recul : l’invasion ukrainienne perpétrée par la Russie en février 2022. D’autres chiffres illustrent d’ailleurs cette dynamique d’éloignement énergétique mise en place par l’UE :
- en 2022, elle était la première importatrice d’énergies fossiles de la Russie. Un an après, elle ne se trouve plus qu’en troisième place derrière :
- la Chine,
- et l’Inde ;
- au troisième trimestre 2023, la Russie avait reculé au rang de quatrième fournisseur de gaz européen, se plaçant après :
- les États-Unis,
- l’Algérie,
- et la Norvège.
Toujours opposés à la guerre en Ukraine en 2024, « les responsables politiques de l’UE continuent de parler de réduction de la demande intérieure et des approvisionnements russes ». Voilà ce que souligne Thierry Bros, professeur à SciencesPo Paris et spécialiste français de l’énergie. En ce sens :
- une étude de mai 2023 expliquait comment se passer totalement du gaz russe d’ici 2028 ;
- fin 2023 en France, le gouvernement officialisait son plan devant permettre de sortir des énergies fossiles ;
- l’objectif officiel européen est de s’affranchir du gaz russe à compter de 2027. Le moyen : REPowerEU, le plan de Bruxelles pour réduire la dépendance fossile continentale et accélérer sa transition énergétique.
Face à ces décisions et politiques, Gazprom, la société gazière russe dont le Kremlin est l’actionnaire majoritaire, n’a jamais semblé dans une situation aussi difficile. En effet :
- son année 2023 s’est soldée par une perte nette de 6,9 milliards de dollars. Une première depuis plus de vingt ans ;
- en conséquence, ses investissements 2024 vont baisser de 15 % ;
- l’État russe compte enfin ponctionner encore davantage dans ses caisses pour augmenter son budget.
Êtes-vous sûr de ne pas payer votre gaz trop cher ?
faire une simulation… mais une augmentation sensible depuis 9 mois, jusqu’à dépasser les livraisons de gaz provenant des États-Unis !
Alors, peut-on (pour une fois) affirmer que déclarations politiques et actes concrets sont alignés ? Malheureusement, pas vraiment.
La raison : en un an, Gazprom a en réalité accru de manière considérable ses livraisons de gaz en Europe, passant :
- de 1,8 milliard de mètres cubes exportés en mai 2023 ;
- à 2,5 milliards de mètres cubes en mai 2024.
Cette évolution représente en réalité une augmentation de 28 % sur 12 mois pour le géant gazier russe. C’est simple, depuis septembre 2023, les importations de gaz depuis la Russie sont en constante hausse en Europe.
Autre indicateur révélant l’importance de cette dynamique : les livraisons de gaz russe dépassent désormais celles provenant des États-Unis. Une première depuis 2 ans !
Pour Thierry Bros, les principaux pays importateurs sont :
- la Hongrie ;
- la Grèce ;
- la Slovaquie ;
- l’Autriche.
Ces États « ont passé une commande pour augmenter de 25 % leur volume ». Cette décision a une explication très logique, mais qui dénote aussi d’une véritable « hypocrisie » aux yeux de l’expert énergétique :
- ils ont fait ce choix car « le gaz russe est moins cher » ;
- tandis que d’autres pays ont pris le parti de l’embargo, alors même qu’ils étaient initialement dépendants du gaz originaire de Russie. C’est le cas, par exemple, du Royaume-Uni.
En réalité, derrière les discours et les grandes formules politiciennes, l’UE n’a jusque-là jamais officiellement interdit les livraisons russes. D’ailleurs, il y a eu en 2022 une explosion des importations de GNL en Europe, dont une part non négligeable venant de Russie. Ainsi, pour Thierry Bros, rien n’empêchait légalement les États ni les traders de la planète d’effectuer cette opération.
Seule interdiction dont il est actuellement question au niveau du droit européen : celle du transbordement sur les côtes de l’Union. Néanmoins, ce texte qui doit prohiber les échanges d’un navire à un autre aux abords du littoral continental ne fait toujours l’objet d’aucun consensus.
De l’Autriche à la France, « tout le monde ferme les yeux en Europe » à propos du gaz russe
La situation est finalement claire pour Thierry Bros. De son point de vue, « tout le monde ferme les yeux en Europe de peur que les prix [du gaz] n’augmentent ». Ces derniers ont d’ailleurs été marqués récemment par :
- la hausse du prix repère du gaz de +11,7 % au 1er juillet prochain en France. Cette mauvaise nouvelle ne manquera pas d’alourdir encore plus la facture des ménages ;
- la fermeture d’un pipeline en Norvège, ayant justement provoqué cette brusque flambée des tarifs.
Des estimations de l’été 2023 d’Engie indiquaient même que les prix du gaz resteraient élevés au moins jusqu’en 2027.
Cette crainte de nouvelle crise énergétique est-elle plus forte en Autriche que dans d’autres États de l’UE ? En tout cas, la dépendance de ce pays vis-à-vis du gaz russe ne fait que se renforcer. Elle atteint même 95 % aujourd’hui ! Avec un problème de taille que posent ces importations, pointées du doigt fin 2023 par Martin Selmayr, alors envoyé de l’Union en Autriche. Celui-ci avait rappelé que :
- les achats de gaz russe donnaient les moyens à Vladimir Poutine de poursuivre son agression de l’Ukraine ;
- qu’ils étaient donc « entachés de sang ».
La ministre autrichienne de l’Énergie avait également reconnu que « nous finançons indirectement une guerre abominable en Ukraine ». Sa volonté : casser le contrat de longue durée qui lie son pays à Gazprom, ce à quoi s’oppose le parti conservateur national.
Pour autant, ce pays n’est pas le seul membre de l’UE à avoir signé un accord de long terme avec la Russie. C’est aussi le cas, par exemple, de la France. D’ailleurs, c’est vers l’Hexagone que les approvisionnements de GNL russe ont le plus augmenté entre les premiers trimestres 2023 et 2024. En avril, ils ont représenté quelque 600 millions d’euros versés par Paris à Moscou !
Un autre facteur a provoqué cette augmentation des importations russes. En effet, les infrastructures américaines d’exploitation de GNL ont fait face récemment à une panne, limitant les nouvelles livraisons. De plus, les niveaux de stockage de gaz en Europe sont très bons pour 2024. Ainsi, il est peu probable que cette dynamique à la hausse se poursuive d’ici à la fin de l’année. Ce serait là un bien faible motif de satisfaction.
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