Énergies renouvelables : l’État poursuivi en justice
C’est un fait connu de tous : la France accuse encore, en 2023, un gros retard au niveau du développement des énergies renouvelables dans le pays. C’est la raison qui a motivé l’association « Énergies renouvelables pour tous » à déposer, le 21 juin dernier, un recours contre l’État. Le but de cette procédure : contraindre les dirigeants français à respecter leurs engagements au sujet du déploiement des énergies vertes sur le territoire national. L’association, composée d’un collectif d’experts, de scientifiques et de juristes, estime effectivement que l’État n’en fait pas assez pour permettre un « essor massif » des renouvelables. Face à la crise énergétique et à l’urgence climatique qui devient chaque jour plus réelle, l’enjeu est pourtant de taille. Choisir.com revient sur le lancement de cette procédure judiciaire qui n’est pas une première dans l’Hexagone.
![recours justice France energies renouvelables](https://www.choisir.com/medias/b9b3d0b0-recours-contre-letat-energies-renouvelables.jpg)
Un recours contre l’État déposé par une association en faveur des énergies renouvelables
Énergies renouvelables pour tous est une association fondée au printemps 2023. Rassemblant des experts, des scientifiques ainsi que des juristes, elle forme un collectif qui est porté par différents buts :
- « défendre les énergies vertes comme moyen efficace de réduire les émissions de gaz à effet de serre » (GES) et de répondre aux besoins en électricité ;
- « démonter la désinformation » dont ces énergies renouvelables (EnR) sont parfois victimes.
C’est ce qu’a expliqué, le jeudi 22 juin 2023, Stéphane His, consultant spécialisé dans le domaine de l’énergie.
La veille, le 21 juin dernier, Énergies renouvelables pour tous a déposé un recours contre l’État devant le Conseil d’État. Le collectif dénonce un manque de moyens déployés par les dirigeants français pour permettre un « essor massif » des renouvelables dans le pays. L’objectif de ce recours : contraindre le gouvernement et les pouvoirs publics à respecter les engagements pris en matière de déploiement des EnR.
Il est vrai que la France est le seul État de l’Union européenne à être en retard sur ses objectifs de développement de renouvelables. En 2022, le pays totalisait 20,7 % de consommation énergétique finale provenant des EnR. La barre était fixée à 23 %… à atteindre normalement en 2020.
L’annonce du dépôt de ce recours pour « excès de pouvoir » a été effectuée par Corinne Lepage. Ancienne ministre de l’Environnement dans les années 1990, cette dernière est l’avocate de l’association. Dès le 16 avril 2023, Énergies renouvelables pour tous avait fait parvenir un courrier à Agnès Pannier-Runacher, ministre de la Transition énergétique. N’ayant eu aucune réponse à ce recours gracieux, le collectif a décidé de passer à l’étape suivante.
« Le seul moyen de pousser, c’est par le droit, pour contraindre l’État » a indiqué Corinne Lepage. C’est pourquoi le recours déposé vise à la fois :
- le gouvernement dirigé par Élisabeth Borne ;
- comme les Parlementaires de l’Assemblée nationale et du Sénat.
Cédric Philibert, ancien de l’AIE, l’Agence internationale de l’énergie, porte une vision très critique sur la situation française. « Ce recours s’adresse autant au Parlement, qui n’a pas saisi les enjeux, avec une classe politique aveuglée par le souvenir du programme nucléaire de 1974 ». Ce dernier regrette aussi que « la France s’isole au plan mondial dans le rythme de développement des renouvelables ». Cela alors que « le Giec nous dit que ce sont l’éolien et le solaire qui ont le plus de potentiel de réduction des GES ».
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faire une simulation« Il faut que le gouvernement ait l’épée dans les reins pour tenir les objectifs » sur les renouvelables
Par ce recours, « Énergies renouvelables pour tous » dénonce « la faiblesse » de la politique énergétique de l’État en matière de solaire et d’éolien. Son souhait : que le droit contraigne le gouvernement et le Parlement à se placer sur la bonne trajectoire pour (enfin) respecter les objectifs annoncés. Le collectif appelle en effet l’État à « prendre toutes les mesures utiles permettant à la France d’assurer la trajectoire du développement des énergies renouvelables ».
L’avocate Corinne Lepage juge que « pour l’instant, nous n’y sommes pas du tout. […] Le juge ne peut pas dire quelles mesures doivent être mises en place, mais il peut se prononcer sur le respect de la trajectoire ». Le but de cette démarche est donc de faire « pression pour que les copies soient revues à la hausse tant que c’est possible », précise la juriste. Pour elle, « il faut que le gouvernement ait l’épée dans les reins pour tenir les objectifs ».
Autre demande, alors que l’UE vient de trouver un compromis sur les renouvelables : atteindre « l’objectif de 42,5 % d’EnR dans la consommation énergétique globale » d’ici 2030. C’est en effet la barre qu’a fixée l’Union européenne pour permettre la décarbonation du continent. Cet accord inclut d’ailleurs une dérogation permettant à la France d’utiliser pour cela l’hydrogène rose, d’origine nucléaire, mesure qui faisait divergence entre les États membres.
Il s’agit là d’un chiffre extrêmement ambitieux qui pose encore une fois la question de la trajectoire de la France dans ce domaine. Selon l’association, « les projections actuelles sont unanimement éloignées des objectifs ». Ceux-ci prévoient aussi :
- une consommation d’énergie et d’électricité verte s’élevant à 33 % en 2030. En 2021, la part d’EnR dans la consommation finale était de 19,3 % ;
- une production d’énergie solaire qui doit dépasser les 100 gigawatts (GW) en 2050. Cela revient à multiplier par dix les capacités existantes ;
- une production d’éolien offshore atteignant les 40 GW à la même date, grâce à 50 futurs parcs en mer. Actuellement, il n’y a qu’un seul parc offshore en France, mis en service en 2022 à Saint-Nazaire. Il est doté d’une puissance de… 0,48 GW. Notre pays collabore aussi avec huit autres États européens pour développer l’éolien en mer du Nord.
Face au réchauffement climatique, il y a urgence à agir
En ce qui concerne les délais de cette procédure judiciaire, Corinne Lepage s’attend à un mémoire de l’État dans les 6 mois. L’audience devrait, elle, se tenir d’ici fin 2024.
En tout cas, ce recours déposé contre l’État n’est pas un cas isolé. L’avocate d’« Énergies renouvelables pour tous » représente aussi la commune de Grande-Synthe, dans le Nord, dans son action pour « inaction climatique » dont l’État est la cible. Depuis février 2023, une autre poursuite pour inaction vise également les dirigeants français. À l’origine de cette procédure, un bureau d’étude spécialisé dans les projets éoliens et photovoltaïques.
De plus en plus d’acteurs de la société civile comprennent donc l’urgence climatique face à laquelle la France et le monde se confrontent. Toutefois, selon certains, ni le gouvernement ni le Parlement ne se montrent à la hauteur. L’association Énergies renouvelables pour tous juge d’ailleurs sévèrement la récente loi d’accélération des EnR. Adoptée définitivement en février 2023, celle-ci est, aux yeux du collectif, très insuffisante.
Pour rappel, ce texte doit permettre d’accélérer le mouvement et de simplifier les procédures de lancement des chantiers. L’objectif par cela : que la France parvienne (enfin) à rattraper son retard sur ses voisins européens. Le souci, c’est que la loi ne remplit pas vraiment ce rôle selon l’association. Pour elle, le texte ajoute à la complication administrative puisqu’elle impose aux collectivités territoriales la définition de zones d’accélération.
Pour le collectif, le problème est donc moins un manque de moyens financiers que des blocages réglementaires qui réduisent la production renouvelable. Il prend en exemple les limites imposées :
- à l’autoconsommation ;
- à l’agrivoltaïsme ;
- aux panneaux solaires en toitures…
Pourtant, il y a urgence, d’autant que les nouveaux réacteurs prévus par la loi d’accélération du nucléaire ne sortiront pas de terre avant 2035… Le tout dans un contexte au cours duquel la consommation électrique nationale va augmenter plus fortement que prévu d’ici là !
Preuves de l’urgence à agir pour l’État, 2022 a été l’année la plus chaude jamais enregistrée en France. Ça a aussi été le cas pour de nombreux autres pays européens tels que l’Allemagne, l’Italie, le Portugal, l’Espagne ou le Royaume-Uni. Selon le professeur Petteri Taalas, secrétaire général de l’Organisation météorologique mondiale (OMM), l’Europe est même « la région du monde qui se réchauffe le plus rapidement ». Le gouvernement lui-même a annoncé s’attendre à un réchauffement de +4 °C en France d’ici la fin du siècle, rehaussant les précédentes estimations de 2 °C. Dans ce contexte, il serait alors peut-être temps de placer les énergies renouvelables et la décarbonation de l’économie comme priorités absolues.
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