De nouvelles négociations entre EDF et ses clients industriels ?

Deux logiques s’opposent : la volonté d’EDF de financer ses futurs projets nucléaires et celle des clients industriels, gros consommateurs d’électricité, de rester compétitifs. Ces derniers dénoncent des tarifs trop élevés à propos des contrats à long terme qui leur sont proposés par l’énergéticien. Ils ont récemment reçu le soutien de Bruno Le Maire qui a effectivement annoncé que les négociations devront reprendre. Dans un contexte politique trouble et plus qu’incertain, Choisir.com revient sur ce sujet crucial.

réunion pour établir les prix de l'électricité aux industriels

Des prix « pas suffisamment compétitifs » proposés par EDF à ses clients électro-intensifs, d’après Bruno Le Maire

Les clients « électro-intensifs » sont ceux qui sont les plus gros consommateurs d’électricité en France, à l’image de certaines industries comme la sidérurgie ou la chimie. Depuis quelques mois, ils négocient directement avec EDF pour conclure des contrats d’allocation de production nucléaire (CAPN).

L’intérêt de ce type de contrat particulier : le fait que les entreprises puissent réserver une partie de la puissance du parc nucléaire français. Cela doit leur permettre :

  • d’être livrées en fonction de la production réelle ;
  • de payer un tarif préférentiel suivant les coûts de production.

En novembre 2023, un accord entre EDF et l’État sur le prix de l’électricité nucléaire avait été trouvé. Dès 2026, ce nouveau tarif doit prendre la suite de l’Arenh, l’Accès régulé à l’électricité nucléaire historique, qui cessera d’exister fin 2025. C’est à cette occasion que l’énergéticien avait annoncé que le prix moyen fixé, sur le long terme, s’établirait autour de 70 € le mégawattheure (MWh). Pour 2024, le tarif de vente de l’Arenh s’élève lui à… 42 € le MWh.

On comprend donc pourquoi, aux yeux des industriels électro-intensifs, ce tarif :

  • est bien trop élevé ;
  • leur ferait perdre, de leur point de vue, en compétitivité vis-à-vis de la concurrence internationale.

Une position que partage l’actuel ministre de l’Économie et des Finances. Fin juin, Bruno Le Maire s’est effectivement élevé contre ces tarifs qui ne sont « pas suffisamment compétitifs pour l’industrie française ». Sa volonté : rouvrir les négociations entre EDF et les clients concernés. En ce sens, il a affirmé que « nous rouvrirons la négociation des contrats avec EDF parce que le prix de sortie n’est pas suffisant ». Pareille promesse a été faite lors de la présentation du programme économique du parti présidentiel au MEDEF (Mouvement des entreprises de France), à Paris. Le contexte de cette annonce est loin d’être anodin : celui d’une campagne électorale express avant les législatives anticipées du 30 juin et 7 juillet 2024.

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Des contrats à long terme sur 10 à 15 ans… qui doivent financer le nucléaire

Nicolas de Warren est le président de l’Uniden, l’Union des industries utilisatrices d’énergies. Pour lui, la prise de position du ministre constitue « la reconnaissance que les choses n’avancent pas ».

C’est en tout cas devant une assemblée de dirigeants de grandes entreprises que Bruno Le Maire s’est exprimé. Il a avancé avoir « proposé des contrats à long terme », sur 10 ou 15 ans. Avec ce risque de taille : « si on ne produit pas plus d’électricité décarbonée dans notre pays, c’est l’ensemble de notre tissu économique qui sera menacé ». Le ministre englobe ici les :

  • PME (Petites ou moyennes entreprises) ;
  • commerçants ;
  • grandes entreprises industrielles.

La proposition de tels contrats sur un temps long à ce tarif doit permettre à EDF de répondre au besoin de financement du parc atomique national. En effet, les investissements nécessaires pour le maintien et l’efficacité de l’énergie nucléaire dans le pays sont immenses puisque :

« Nous voulons plus de réacteurs, plus de renouvelables, et nous rouvrirons la négociation des contrats avec EDF » a ainsi répété Bruno Le Maire.

Des contrats qui n’ont reçu l’adhésion que de 4 entreprises françaises

Depuis le mois de novembre 2023, seuls quatre industriels ont signé une lettre d’intention acceptant la proposition et le tarif d’EDF. Sur ces signataires, deux noms n’ont pas été révélés tandis que les deux autres œuvrent dans le domaine de l’acier décarboné, à savoir :

  • ArcelorMittal ;
  • GravitHy.

Les contrats acceptés par ces entreprises prévoient l’attribution d’« environ 10 térawattheures (TWh) » chaque année sur cette durée de 10 à 15 ans. Nicolas de Warren précise que « ce sont des contrats pour de nouveaux projets de décarbonation ». EDF s’était fixé, au total, une barre de 24 TWh ; il lui en reste donc 14 à allouer par an aux industriels.

De leur côté, les secteurs de la chimie comme de l’hydrogène sont opposés à ces prix jugés trop élevés et absolument pas compétitifs. Frédéric Gauchet est le président de France Chimie, organisation professionnelle regroupant 4 000 entreprises travaillant dans ce domaine en France. En avril, il regrettait déjà le fait d’être « bientôt à plus de 100 € [le MWh], alors que l’électricité est :

  • à 40-60 € aux États-Unis ;
  • ou à 30-50 € en Norvège ».

L’énergéticien a précisé qu’il « ne souhaite pas verrouiller le marché ». Il a également souligné que, pour satisfaire leurs besoins, les industriels électro-intensifs pouvaient aussi :

Les négociations à venir s’annoncent en tout cas tendues pour trouver un terrain d’entente entre la volonté :

  • d’EDF de financer ses projets et la construction des futurs réacteurs. Rappelons que le groupe est lourdement endetté après une année noire en 2022. Cela l’avait notamment obligé à procéder à un gel des embauches au cours du premier trimestre 2023 ;
  • des industriels de conserver leur compétitivité.

Depuis les annonces de Bruno Le Maire, l’énergéticien n’a pas réagi officiellement. L’intervention du ministre n’est pas, récemment, la première concernant les prix de l’électricité en France. À la suite des élections européennes, il avait déjà promis de baisser les tarifs de 10 % à 15 % en février 2025 pour les consommateurs résidentiels. Face au probable changement de main du pouvoir dans le pays, difficile de savoir ce que deviendront ces engagements à l’avenir.

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