Politique énergétique allemande : les critiques de la France
La question du nucléaire continue de faire débat et de diviser la France et l’Allemagne. Dans une interview publiée dans un quotidien allemand le 6 juillet 2023, Agnès Pannier-Runacher a tenu des propos très tranchés vis-à-vis de notre voisin d’outre-Rhin. La ministre de la Transition énergétique accuse en effet le gouvernement germanique de mener une politique énergétique contradictoire depuis plusieurs mois. La cible principale de ces critiques : l’énergie atomique, vrai sujet de discorde entre les pays de l’Union européenne (UE) et le couple franco-allemand depuis début 2023. Si l’Allemagne a décidé de tourner définitivement le dos à la production nucléaire, elle importe malgré tout encore de l’électricité née de l’atome aujourd’hui. Agnès Pannier-Runacher juge même que le pays dépendra « de plus en plus » de l’électricité nucléaire provenant de ses voisins, dont la France, à l’avenir. Retour sur des propos et des critiques qui ne sont pas sans fondement.
Depuis avril 2023, l’Allemagne a officialisé sa sortie du nucléaire…
C’est le jeudi 6 juillet dernier qu’une interview d’Agnès Pannier-Runacher est parue dans le quotidien économique allemand Handelsblatt. Le titre de cet entretien est équivoque : « La France critique vivement la politique énergétique allemande ».
Il est vrai que la ministre française de la Transition énergétique n’y va pas par quatre chemins. Celle-ci juge que « l’Allemagne risque de dépendre de plus en plus de l’électricité nucléaire de ses voisins ». Pourtant, en avril 2023, Berlin a définitivement fermé ses derniers réacteurs nucléaires. La centrale Isar, en Basse Bavière, a été la dernière à avoir été déconnectée du réseau, le 15 avril. Cette sortie de l’atome avait été programmée dès 2011 par la chancelière allemande Angela Merkel, à la suite de la catastrophe atomique de Fukushima, au Japon.
Le pays s’est en même temps donné une stature de fervent défenseur des énergies renouvelables, en opposition à l’énergie nucléaire. Au niveau européen, cette question de l’atome a provoqué bien des tensions et a fragilisé la solidité du couple franco-allemand :
- début 2023, la France a créé l’« Alliance du nucléaire », un groupe d’États souhaitant développer ce secteur au sein de l’Union européenne (UE) ;
- en réaction, l’Allemagne a fait le choix d’intégrer le groupe des « Amis du renouvelable », partisan du déploiement massif de l’énergie verte sur le continent.
Reste que, depuis sa sortie officielle du nucléaire, la situation énergétique allemande s’est réellement inversée :
- jusqu’alors, elle exportait son électricité, notamment vers la France. Celle-ci, durant l’hiver 2022-23 compliqué, en a eu grand besoin, du fait de l’arrêt prolongé d’un nombre important de ses réacteurs nucléaires. La cause : des opérations de maintenance ou des problèmes de corrosion sous contrainte à régler ;
- depuis le 15 avril, l’Allemagne est au contraire devenue importatrice nette d’électricité.
… mais importe massivement de l’électricité nucléaire, de France notamment
Le think tank Agora Energiewende est spécialisé dans le domaine de l’énergie. Selon lui, un tiers de l’électricité importée par l’Allemagne est actuellement d’origine nucléaire. Une part de celle-ci vient d’ailleurs de France, les livraisons tricolores d’électricité à son voisin ayant fortement augmenté depuis la mi-avril 2023.
Toutefois, d’après les spécialistes, l’Allemagne a déjà été importatrice nette d’électricité à diverses périodes dans le passé. Il est donc difficile d’affirmer si, et dans quelle mesure, cette évolution est effectivement due à l’arrêt des trois dernières centrales nucléaires germaniques. Avant leur fermeture, celles-ci ne produisaient en effet plus que 6 % de l’électricité allemande.
L’analyse de l’autre côté du Rhin est que ce retournement a été causé par la baisse actuelle des prix de l’énergie. Bruxelles est d’ailleurs en pleines négociations dans le but de trouver un accord pour réformer le marché européen de l’électricité. Klaus Müller, le chef de l’Agence fédérale des réseaux, a donné récemment cette explication simple à la presse : « cela arrive qu’importer soit moins cher que produire ».
Agnès Pannier-Runacher, quant à elle, a une autre vision sur cette situation. « Il y a quelque chose d’incohérent d’importer massivement de l’électricité nucléaire française et en même temps de s’opposer à tout texte et à toute législation dans l’Union européenne qui reconnaît la valeur ajoutée de cette forme d’énergie décarbonée ».
Fin juin 2023, après d’âpres négociations entre ses 27 membres, l’UE a finalement trouvé un compromis pour la nouvelle directive RED III sur les énergies renouvelables. Alors que plusieurs pays s’y étaient opposés, dont l’Allemagne, la France a obtenu que la place du nucléaire y soit reconnue, au côté des énergies vertes.
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faire une simulationPour Agnès Pannier-Runacher, l’Allemagne a une politique énergétique contradictoire
Dans son interview du 6 juillet 2023, Agnès Pannier-Runacher n’a pas manqué de critiquer le gouvernement allemand, en accusant Berlin d’avoir une politique énergétique contradictoire.
Selon elle, il est « regrettable que l’Allemagne tergiverse » dans les négociations réalisées au sein de l’UE. La ministre française ne précise pas que, pour avoir gain de cause au sujet du nucléaire, la France a bloqué durant plusieurs semaines la finalisation de la directive RED III. Ce blocage lui a d’ailleurs valu d’être exclue de la dernière réunion des « Amis du renouvelable » à laquelle elle comptait participer.
Agnès Pannier-Runacher critique surtout les projets allemands de construction de nouvelles centrales à gaz pour compenser l’intermittence de production de l’électricité verte. « Le gaz est une énergie fossile », a-t-elle rappelé. Son recours « pose un problème de crédibilité dans la lutte contre le changement climatique » et en faveur de la transition écologique. Difficile de donner tort à la ministre française sur ce point.
Toutefois, il est aussi utile de rappeler que l’électricité renouvelable en Allemagne :
- représentait 48,3 % de son bouquet énergétique en 2022 ;
- doit s’élever à 80 % d’ici 2030, d’après les objectifs fixés par le gouvernement dirigé par Olaf Scholz.
Dans tous les cas, il est certain que compenser un manque de production renouvelable par de l’énergie fossile, tout en s’opposant au nucléaire, est contradictoire. Pour vous, la réalisation d’une réelle transition énergétique est un enjeu majeur ? Savez-vous qu’il est aussi possible, en tant que consommateur, d’agir en ce sens ? Vous pouvez, par exemple, choisir de changer de contrat afin d’opter en faveur d’une offre d’électricité et/ou de gaz renouvelable. Pour vous y aider, le Comparateur Énergie de Choisir.com est à votre disposition ! Grâce à lui, trouvez rapidement et facilement tout ce qu’il y a à savoir sur de nombreux fournisseurs du marché. Vous aurez alors toutes les informations pour faire un choix qui vous conviendra et qui sera en même temps bénéfique pour la planète !
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